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Blue Climate Summit : L'urgence d'agir


Tahiti, le 15 mai 2022 – La première édition du Blue Climate Summit s'est ouverte officiellement dimanche à la présidence avec les discours inauguraux des principaux soutiens de ce sommet international sur le climat et la protection des océans : le président du Pays Édouard Fritch, le Prince Albert II de Monaco, le Premier ministre des Cook Mark Brown, le Secrétaire général du Forum des îles du Pacifique Henry Puna, le navigateur Nainoa Thompson, le directeur de la Communauté du Pacifique (CPS) Stuart Minchin, l'océanographe Sylvia Earle et bien sûr le président de Pacific Beachcomber Richard Bailey. Tous insistant sur l'urgence d'agir concrètement et en concertation contre les effets du réchauffement climatique.
 
“C'est un appel à l'action, à notre niveau. Vous, moi et nous tous. Il y a l'action gouvernementale. Il y a la politique de tous les Pays. Mais ça ne suffira pas à changer le monde. Cela commence avec nous tous. Et ce que nous voulons faire avec ces Pays, c'est allumer une étincelle, commencer un mouvement qui va donner un élan à quelque chose de plus grand. Voilà notre objectif.” Président de la société Pacific Beachcomber et principal acteur privé à l'impulsion de la Blue Climate Initiative, Richard Bailey insistait dimanche à l'issue de la cérémonie inaugurale du Blue Climate Summit sur la nécessité “d'agir” pour lutter contre les effets du réchauffement climatique, pour se départir des seules “réflexions” nécessaires mais hautement insuffisantes sur le sujet. L'océan étant placé au cœur de l'action de cette rencontre internationale organisée toute cette semaine en Polynésie française.
 
C'est le président du Pays, Édouard Fritch, qui a ouvert le bal à la tribune dimanche matin, remerciant les organisateurs d'avoir choisi ce “petit berceau du triangle polynésien” qu'est le fenua et rappelant sa “fierté” d'accueillir un tel évènement. “Fenua notre terre ne peut pas être séparée de Moana notre océan”, a introduit le président du Pays, intimant à l'action pour préserver notre environnement et rappelant les mesures prises par la Polynésie jusqu'au dernier One Ocean Summit à Brest en février dernier avec l'annonce de deux zones d'aires marines protégées de 500 000 km2 d'ici 2030. Le président qui a également, et pour autant, estimé nécessaire de ne pas tomber dans “l'activisme excessif de certaines organisations internationales” pour équilibrer à la fois la protection des océans sans “condamner nos populations à l'exil”. Dans le public, les représentants des ONG Pew et Bertarelli, notamment, s'étonnaient à l'issue de la cérémonie de ces propos du président du Pays, réaffirmant avoir pleinement approuvé les dernières annonces d'Édouard Fritch au sommet de Brest.
 
Des solutions et des actions
 
Les invités de marque de ce sommet se sont ensuite succédé à la tribune, à commencer par le Prince Albert II de Monaco, en visioconférence mais introduit et représenté localement par l'un des membres de la famille royale Pierre Casiraghi. “Notre détermination doit plus que jamais se poursuivre”, a encouragé le Prince. Aux premières loges des conséquences du réchauffement climatique, le Premier ministre des îles Cook, Mark Brown, a lui-aussi appelé à l'adoption de solutions concrètes. “Nous avons besoin de solutions et d'actions maintenant”, a rappelé Mark Brown. “Nous ne comprenons que trop bien l'importance de l'océan (…). Et nous devons agir ensemble.” Dans un discours très applaudi, le Secrétaire général du Forum des îles du Pacifique, Henry Puna, a rappelé combien “l'océan est plus qu'une simple ressource pour nous”. Même sommation à agir pour le représentant de l'organisation océanienne : “Le temps des discussions est maintenant révolu (…). Ensemble nous pouvons et nous devons (agir).” Une “obligation légale” au regard du droit international, davantage qu'un simple “devoir moral”, a rappelé Henry Puna, concluant : “Les besoins sont encore importants.”
 
Véritable emblème de l'intégration culturelle des peuples du Pacifique dans cette initiative, le navigateur et président de la Polyensian Voyaging Society, Nainoa Thompson, a été l'un des orateurs les plus écoutés et applaudis de la matinée. “Je ne suis pas un scientifique, je ne suis pas un leader politique, je suis juste un marin”, a entamé Nainoa Thompson. “Je n'ai pas grand-chose à offrir, (…) si ce n'est voyager dans les grands enjeux de notre temps.” Discours inspirant, insistant sur la transmission et le travail en commun, le navigateur a reçu une standing ovation méritée à l'issue de sa prise de parole, précédée et succédée par les chants des navigateurs du Pō qui l'ont accompagné sur Hokulea ces derniers jours. Autre personnalité de la société civile très remarquée, l'océanographe, auteure et conférencière américaine de 86 ans, Sylvia Earle, exploratrice pour le National Geographic à l'origine de la “Mission Blue” visant à créer des aires marines protégées, a succédé au directeur général de la Communauté du Pacifique au pupitre. “Nous parlons différentes langues, mais nous parlons tous celle de l'océan, non ?”, a lancé la dynamique octogénaire devant une assemblée conquise.
 
Un million de dollars
 
En clôture de cette journée inaugurale, c'est donc Richard Bailey qui a conclu la journée. “Nous ne sommes pas présomptueux. Nous ne disons pas que nous allons changer le monde”, a tenu à débuter le P-dg de Pacific Beachcomber en Polynésie française, propriétaire notamment des hôtels InterContinental et du Brando de Tetiaroa. Rappelant aux esprits maussades que le bilan carbone de ce sommet avait été “compensé deux fois” par des actions en faveur de l'environnement, Richard Bailey a annoncé les noms des lauréats des deux premiers prix de la Blue Climate Initiative. Le Prix des communautés, récompensant six récipiendaires “faisant une vraie différence pour la planète” parmi lesquels des projets de restaurations coralliennes, de responsabilisation des pêches ou d'assemblée citoyennes culturelles, basés en Tanzani, aux Bahamas, aux Philippines, en Micronésie et également à Moorea avec le Centre Te Pu Atitia.
 
Mais le principal événement de la journée, répondant directement à la demande “d'actions concrètes” des partenaires du sommet a été la remise des Prix Innovation Océan à trois projets basés en Indonésie, en Guadeloupe et aux États-Unis (lire ci-après). Trois projets qui partageront une enveloppe d'un million de dollars (115 millions de Fcfp) pour développer leurs solutions toutes réalisées à partir d'algues marines de bioplastiques, de captation solaire du carbone et de compléments alimentaires pour bétail. Le Blue Climate Summit va maintenant se poursuivre toute cette semaine sur le Paul Gauguin, ainsi qu'à Tahiti, Moorea et Raiatea. Jusqu'à la grande journée de clôture de ce vendredi à To'ata.
 
 

Un million de dollars pour trois innovations

Richard Bailey a annoncé dimanche matin en ouverture du Blue Climate Summit les trois lauréats du Prix Innovation Océan de 1 million de dollars (115 millions de Fcfp) pour soutenir des solutions tirant parti de l’océan pour combattre le changement climatique. Ces solutions innovantes et à fort potentiel d’impact utilisent l’immense potentiel qu’offrent les algues marines pour séquestrer de carbone, réduire la pollution plastique et les émissions de méthane, et produire de l’énergie propre.
 
Biopac, Indonésie : Les algues comme solution pour un océan sans plastique
 
“Nous innovons et fabriquons du bioplastique à base d’algues grâce à un processus de production durable qui ne nécessite aucun produit chimique dangereux, tout en réduisant les coûts, les demandes en énergie et en eau. Nous répondons directement aux problèmes du changement climatique par la culture d’algues, qui absorbe le CO₂, et indirectement, en remplaçant le plastique conventionnel par des produits réellement biodégradables.”
 
SMO Solar Process, Guadeloupe : Captation de carbone et production d'énergie grâce aux algues sargasses
 
“SMO est un procédé innovant utilisant l’énergie solaire pour transformer la biomasse ou les déchets à carbonés en produits à haute valeur ajoutée, avec un bilan carbone négatif : charbon actif, biochar, hydrogène propre, électricité. En Guadeloupe, nous allons mettre à profit la technologie SMO pour transformer les algues sargasses, invasives et nocives, en puits de carbone et en produits commercialisables.”
 
Symbrosia, États-Unis : Compléments alimentaires pour bétail à base d'algue, réduisant jusqu'à 90% les émissions de méthane
 
“Symbrosia a développé un nouveau complément alimentaire à base d'algues permettant de réduire les émissions de méthane issus de l'élevage de plus de 90%. Si une pincée de notre complément à base d'algues était ajoutée aux rations alimentaires de 10% du bétail mondial, 200 millions de tonnes d'équivalent CO₂ serait économisées par an.”
 

Édouard Fritch, président de la Polynésie française : “Notre survie est clairement menacée”

“Les différents groupes de travail du GIEC ont révélé des prévisions pessimistes et que nos habitants des îles sont les plus vulnérables face au changement climatique. Dès lors, comment ne pas partager le constat du Saint Père François qui déplore que “notre Maison commune” se dégrade, et que “la qualité de la vie se détériore” ? Notre survie est clairement menacée. Pour faire face aux effets du changement climatique, nos populations pensent que les dirigeants parlent beaucoup trop et agissent trop peu. (…) Depuis 1996, nous avons banni la pêche industrielle destructrice causée par les flottilles de pêche étrangères et interdit toute autre technique que celle de la pêche à l’hameçon dans notre ZEE. En 2002, la Polynésie française devenait le plus grand Sanctuaire des mammifères marins au monde. La Polynésie française protège également toutes les espèces de requins, de tortues marines et de raies Mobula. Quel héritage laisserions-nous à nos enfants ? En 2018, la Polynésie française créait Tainui ātea, un espace océanique protégé de 5 millions de Km2. (…) Tainui ātea est l’héritière de plus de 70 ans d’histoire de mesures de protection.”
 

Stuart Minchin, directeur de la Communauté du Pacifique (CPS) : “Nous devons trouver les financements et les partenariats nécessaire”

“En tant que dirigeant de la plus grande organisation intergouvernementale de l’Océanie –la Communauté du Pacifique (CPS), dont l’une des missions principales est de fournir la science et la connaissance qui informent la bonne gouvernance et la gestion durable et résiliente de notre océan et ses ressources– je peux vous assurer que nous prenons ce Sommet et ses objectifs très au sérieux. L'innovation, le potentiel d’investissement, les partenariats et nos efforts collectifs sont effectivement plus que jamais nécessaires pour relever le défi et mobiliser les opportunités et synergies du lien océan-climat. (…) Cette mission est cruciale. Nous devons trouver les financements et les partenariats nécessaires pour apporter à la région une capacité partagée qui accompagnera les pays et territoires océaniens dans leur volonté de gérer, surveiller et développer les ressources partagées et individuelles, de fournir des moyens de subsistance et des opportunités à leurs populations et de garantir un avenir durable pour les peuples du Pacifique, les écosystèmes inestimables, la flore et la faune dont ils sont les gardiens traditionnels.”
 

Nainoa Thompson, président de la Polynesian Voyaging Society : “Nous voulons prendre part à ce mouvement”

Pourquoi était-il important pour vous de prendre part à cette initiative ?

“Nous sommes dans une tempête de l'humanité contre la planète. Et c'est la seule île que nous avons, cette planète. Elle doit être protégée. Fondamentalement, nous sommes là pour le futur de nos enfants. Nous ne pouvons faire que de toutes petites choses sur nos pirogues, mais nous voulons prendre part à ce mouvement général. Le Blue Climate Initiative est l'une des choses qui connecte ensemble une grande diversité de sciences, de leaders politiques, de cultures et de traditions dans une vision très intégrative. Et nous croyons que c'est ce qu'il faut pour l'emporter. La raison pour laquelle nous sommes ici, c'est que je sais que les îles du Pacifique doivent être impliquées dans ces solutions. Parce que si nous ne le sommes pas, ça ne marchera pas. Je suis là pour essayer d'aider à construire ce partenariat entre les sciences, les cultures, les communautés… C'est une belle idée de penser que les solutions peuvent venir des peuples des îles Pacifique.”
 
Vous avez pour rôle de porter ce message à travers le Pacifique ?
 
“Oui. Nous voulons naviguer pour quelque chose qui vaut la peine. Je veux dire, il y a des risques à naviguer comme nous le faisons. Beaucoup de risques. Et on me demande souvent : pourquoi nous naviguons comme cela ? Quel est le but ? Nous voulons, peut-être si c'est possible, être un fil reliant des communautés qui ne se connaissent pas. Être un pont. Notre but ultime, ce que l'on veut, c'est créer de la confiance. Nous sommes de toutes petites îles et les seules solutions que nous avons vont devoir être construites ensemble.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Dimanche 15 Mai 2022 à 21:44 | Lu 2042 fois