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Bénitiers et langoustes : gérer les ressources ou se soumettre à la pression commerciale ?


Bénitiers et langoustes : gérer les ressources ou se soumettre à la pression commerciale ?
PAPEETE, mardi 23 octobre 2012. Si la préservation des ressources marines de rori ont longuement alimenté les débats du lundi 23 octobre à l’assemblée de Polynésie française, les rori n’étaient pas les seuls à passer par des «mesures spécifiques de gestion». La délibération adoptée lundi soir concerne également bénitiers et langoustes. Le ramassage de bénitiers en milieu naturel étant autorisé «exceptionnellement» pour l’exportation destinée à l’aquariophilie le "temps que l’élevage trouve son rythme de rentabilité" expliquait le ministre des ressources marines Temauri Foster. Quant aux langoustes, il s’agissait surtout de déplacer la période d’interdiction de la pêche de ces crustacés, pour ne pas handicaper la forte période de consommation des fêtes de fin d’année. L’interdiction de pêche et de commercialisation de langoustes (fraîches ou surgelées) a été déplacée de novembre-décembre-janvier à la période qui va du 1er février au 30 avril. La taille minimale requise a été relevée de 18 à 20 cm.

Pour ce qui est des bénitiers, la collecte de spécimens vivants connaît en effet, un engouement planétaire pour satisfaire les amateurs d’aquariophilie. Mais cette espèce protégée mondialement (car en voie d’extinction), par la convention de Washington, nécessite, à celui qui l’exporte, d’obtenir un permis spécifique (CITES). Selon les chiffres fournis par le ministre des ressources marines, 146 permis CITES ont été accordés de 2009 à 2011 pour la Polynésie française : plus de la moitié pour la seule année 2011, qui a vu un vrai décollage de cette activité, notamment dans les Tuamotu de l’Est et aux Australes, qui disposent de stocks remarquables. Temauri Foster admettait également que c’est en raison d’une «demande insistante» que ce ramassage de bénitiers vivants est permis «pour une période donnée et seulement pour des bénitiers de plus de 12 cm». Afin aussi, que ce nouveau type d’exportation n’échappe pas à la Polynésie. En 2011, ce marché d’export, encore naissant, a été évalué à 24 millions de Fcfp. Liliane Mairoto, représentante de Te Mana O Te Mau Motu, plutôt favorable à ces textes d’ouverture, dans un souci d’assurer un pécule aux pêcheurs, remarquait fort justement, que la durée de cette autorisation exceptionnelle faisait défaut dans le texte proposé par le gouvernement et qu’il manquait des informations sur les stocks. Maina Sage insistait aussi sur la nécessité de lancer un recensement général. L’élue de Ia Ora Te Fenua citait une étude scientifique qui fixe à 1% seulement le taux de spécimens de bénitiers que l’on peut ôter du milieu naturel, pour ne pas le déséquilibrer.

Mais, c’est sur le changement de période d’interdiction de la pêche aux langoustes que les élus ont été les plus prolixes
. Nombre d’entre eux critiquant l’aveu consumériste du texte gouvernemental, déplaçant le trimestre d’interdiction stricte, bien après les fêtes de fin d’année, qui reste traditionnellement la période de la plus forte consommation. D’autant que les arguments avancés par Temauri Foster n’ont pas convaincu. Le ministre des ressources marines faisant référence à des affirmations scientifiques, non citées, selon lesquelles dans les eaux chaudes du Pacifique, les langoustes se reproduisent toute l’année, et pas seulement durant les mois les plus chauds, ce qui était la norme jusqu’ici. «Ainsi les langoustes font l’amour toute l’année et nous l’ignorions, soyons sérieux» ironisait Edouard Fritch, le représentant du Tahoeraa s’inquiétant «du développement durable, dont on nous parle pourtant tous les jours. Je m’inquiète énormément, car on est en train de faire disparaître nos ressources naturelles». Le représentant du Tahoeraa est allé jusqu’à demander une commission d’enquête sur le sujet de la gestion de ces espèces marines «afin d’entendre tout le monde».
Au final, cette délibération a été adoptée par les représentants de l’assemblée de Polynésie française avec seulement 28 voix pour. Un certain aveu de faiblesse pour la majorité gouvernementale au sein de l’hémicycle.


Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 23 Octobre 2012 à 13:00 | Lu 2029 fois