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"Avec le Rahui Nui, les poissons des Australes seront pour la population des Australes"


Henri de retour à la marina avec ses prises du matin, deux jeunes thons à nageoires jaunes (Crédit: Jérôme Petit)
Henri de retour à la marina avec ses prises du matin, deux jeunes thons à nageoires jaunes (Crédit: Jérôme Petit)
AUSTRALES, le 27 mars 2017. La pirogue traditionnelle Faafaite continue sa route dans l’archipel des Australes pour soutenir le projet de réserve marine porté par la population locale, le Rahui Nui No Tuhaa Pae. Jérôme Petit, directeur de la fondation Pew en Polynésie, qui participe au voyage, a accompagné à la pêche un pêcheur professionnel de Raivavae, Henri Teipoarii, sur son poti marara pour recueillir son témoignage.

Après six heures de mer sous un soleil de plomb, seuls deux petits thons jaunes ont mordu à l’hameçon, « juste de quoi payer l’essence du bateau » selon Henri Teipoarii, pêcheur professionnel de Raivavae. Cette sortie illustre la dure réalité des pêcheurs des Australes qui font face à une diminution de leurs prises. Henri remarque que les poissons qu’il attrape sont de moins en moins nombreux et de plus en plus petits depuis qu’il a commencé à pêcher. Il blâme les thoniers de Tahiti, qui viennent parfois sur le haut fond du Lotus, à neuf milles marins de l’île de Raivavae. Mais ces bateaux ne sont pourtant pas les premiers responsables du problème global de surpêche qui touche la plupart des stocks de thon du Pacifique. L’espèce de thon jaune qu’Henri a pêché aujourd’hui (Thunnus albacares) a perdu 62% de sa biomasse reproductrice depuis 1960 selon la Communauté du Pacifique Sud, à cause de la pêche industrielle principalement, qui vide jour après jour les océans de la planète. Et les premières victimes de ce fléau sont les pêcheurs côtiers, comme Henri, qui ne peuvent pas aller plus loin que les alentours de leur île avec leur petite embarcation.
Henri est un fervent défenseur du projet de réserve marine des Australes. « Avec le Rahui Nui, les poissons des Australes seront pour la population des Australes», explique-t-il. Le zonage proposé par les îliens permettrait aux pêcheurs locaux de pêcher jusqu’à 20 milles marins des côtes ; ils s’aventurent rarement au-delà de 10 milles actuellement. Le reste de l’archipel serait une large zone de réserve qui permettrait un renouvellement des stocks halieutiques pour le développement d’une pêche côtière durable aux Australes et d’une pêche hauturière dans le reste de la Polynésie française.


Zonage de la réserve marine proposé par la population des Australes, qui comprend 5 zones de pêche côtière jusqu’à 20 nautiques des îles et une grande zone de protection de 1 million de km² (Source : Pew Polynésie)
Zonage de la réserve marine proposé par la population des Australes, qui comprend 5 zones de pêche côtière jusqu’à 20 nautiques des îles et une grande zone de protection de 1 million de km² (Source : Pew Polynésie)
Il y a seulement deux pêcheurs professionnels à Raivavae, mais selon Henri « chaque famille de l’île possède une pirogue et pêche pour sa propre consommation ». Les poissons d’Henri ont vite été vendus au retour du bateau. Il pense qu’il est possible de développer davantage la pêche côtière à Raivavae. Son poisson ne suffit pas à alimenter l’île ; les pensions et les cantines achètent souvent du poisson qui vient de Tahiti. L’investissement important pour s’équiper n’incite pas les jeunes de l’île à s’installer. Henri a investi 7 millions de Fcfp pour acheter son bateau, avec 30% d’aide publique. Les thoniers quant à eux bénéficient d’une aide qui peut aller jusqu’à 70% en 2017. Cette situation n’est pas unique à la Polynésie française. Dans une étude économique, la Banque Mondiale pointe que « malgré l’importance économique de la pêche côtière pour les populations des îles, les gouvernements du Pacifique n'accordent généralement guère d'attention à ce secteur ; les initiatives de développement sont plutôt orientés vers le secteur des pêches hauturières commerciales. »
L’équipage de Faafaite a quitté Raivavae pour continuer sa route vers Tubuai aujourd’hui. Avant de leur dire au revoir, Henri conclut : « C’est dur d’être pêcheur aux Australes, mais j’aime mon métier, et je ne veux pas faire autre chose ».


Rédigé par Pew Polynésie française le Lundi 27 Mars 2017 à 17:00 | Lu 4847 fois