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Au CHU de Guadeloupe, le retour attendu des non-vaccinés pour tourner la page


Carla BERNHARDT / AFP
Carla BERNHARDT / AFP
Pointe-à-Pitre, France | AFP | lundi 15/05/2023 - Théâtre d'intenses tensions au moment de l'instauration pour les soignants de l'obligation vaccinale contre le Covid-19, le CHU de Guadeloupe s'est préparé sans états d'âme à la réintégration, possible depuis lundi, de ceux qui ont refusé de se soumettre à la loi.

"On doit tout faire pour que cette énième crise du CHU de Guadeloupe soit dépassée", souligne Eric Guyader, directeur général du centre hospitalier universitaire.

Le sujet est sensible dans un archipel où le taux de vaccination des plus de 12 ans n'a pas franchi le seuil de 50% pour une première dose et où le refus d'injection a conduit à deux crises majeures.

D'abord, lors de la quatrième vague, très meurtrière localement, avec de juillet à septembre 2021 plus de 800 morts, le CHU avait dû faire appel à de nombreux renforts pour encaisser le choc. Puis quand l'obligation vaccinale imposée par le gouvernement à certaines professions a fini par déboucher sur plusieurs semaines d'émeutes urbaines, fin 2021 et début 2022.

Le décret publié dimanche au Journal officiel pour la réintégration des soignants suspendus, pour certains depuis 19 mois, a été accueilli de manière mitigée au CHU.

"Un quasi non-sujet en réanimation", selon le Dr Marc Valette, chef du service. "On est pas hyper enthousiaste à l'idée de les voir revenir, mais la vraie urgence, c'est le manque de matériel, y compris pour les soins de base", raconte un infirmier qui souhaite rester anonyme, encore hanté par les affrontements interpersonnels et le caillassage des voitures.

A plusieurs reprises, en 2021 et 2022, le CHU a annoncé avoir porté plainte après des exactions contre du personnel, y compris la direction, des dégradations de matériel ou du vandalisme.

"On doit reconstruire un collectif d'équipes au travail autour du service rendu au patient et d'un avenir plus serein", insiste Eric Guyader, pour qui "il ne doit pas y avoir de jugements d'aucun côté".

Le directeur annonce cependant une "double vigilance": "On évitera de réaffecter des personnes non-vaccinées dans des unités où on soigne encore des patients Covid", ou bien "dans les services où des tensions ont été exacerbées".

"Considérés comme des parias"

Pour Corinne (prénom modifié), agente d'entretien au CHU qui avait été suspendue, la réintégration est "une victoire, mais ça reste un peu comme une boule au goût amer dans la bouche".

"Le plus dur c'est d'avoir été considérés comme des parias", explique à l'AFP cette quadragénaire, présente parmi une soixantaine de militants sur le campement installé depuis près de deux ans sur le parking du CHU, symbole des mobilisations sociales de Guadeloupe.

Sur l'archipel, près de 250 personnes sont à réintégrer en tout, selon des chiffres de l'agence régionale de santé établis début 2023. "Au CHU, on est concerné par environ 90 personnes, dont une soixantaine de soignants", selon le directeur.

Tous seront convoqués à un entretien préalable, se verront proposer une visite médicale et l'accompagnement d'un psychologue, précise encore la direction qui espère aussi que le dispositif antillais de ruptures conventionnelles améliorées, proposé par l'Etat fin 2021, restera en vigueur.

19 mois à rattraper ?

Pour les représentants des suspendus, la réintégration ne peut se faire sans le paiement des arriérés de salaires, un rattrapage des congés, des cotisations sociales, notamment de retraite, et l'avancement de carrière.

"On a enlevé 19 mois de travail à des gens pour des motifs qui, scientifiquement, n'ont pas tenu aussi longtemps", affirme Eliere Guieba, secrétaire général de la branche santé de l'UGTG, syndicat indépendantiste opposé à l'obligation vaccinale. "Nous ne serons pas toujours jusqu'au-boutistes mais il faut que la négociation s'engage", prévient-il.

"Ceux qui ont accepté (la réintégration) se sont un peu éloignés de notre combat, mais on luttera évidemment pour qu'ils puissent accéder à tout ce qu'on demande, pour le temps de leur suspension", assure le syndicaliste.

Ces demandes de rattrapage restent pour tous, une fois les micro fermés, un point d'achoppement dont tout le monde craint qu'il ne conduise à de nouvelles longues grèves de membres du "collectif des organisations en lutte".

Les plus politisés d'entre eux n'ont d'ailleurs pas du tout l'intention de démonter le "bik", ou campement, du parking du CHU.  

le Lundi 15 Mai 2023 à 11:39 | Lu 442 fois