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Attaqués mais combatifs, les maires réunis à Paris


Crédit Ludovic MARIN / AFP
Crédit Ludovic MARIN / AFP
Paris, France | AFP | dimanche 18/11/2023 - Parfois victimes de violences physiques, le plus souvent de menaces et d'injures de la part d'administrés de plus en plus intransigeants, les maires se retrouvent mardi à Paris pour débattre de leur quotidien et retrouver l'envie d'agir, face au sentiment d'impuissance qui les gagne.

"Communes attaquées, République menacée": le thème du 105ème congrès de l'Association des maires de France (AMF) parle de lui-même, après la série d'agressions qui ont marqué l'année 2023, de l'incendie criminel au domicile du maire de Saint-Brevin (Loire-Atlantique) à l'attaque à la voiture-bélier qui a visé celui de son collègue de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) lors des émeutes de l'été.

Le déclenchement de la guerre Israël-Hamas le 7 octobre puis l'assassinat du professeur Dominique Bernard n'arrangent en rien ce climat déjà pesant.

Selon le ministère de l'Intérieur, les agressions envers les élus sont passées de 2.265 l'an dernier à 2.387 au 12 novembre, ce qui devrait se traduire par une hausse de 15% en 2023. 

Des menaces et outrages dans 70% des cas, tandis que les violences physiques restent "minoritaires" et "n'augmentent pas".

Interrogée par l'AFP, la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, explique cette hausse "par la libération de la parole des maires, qui signalent bien plus aujourd'hui la moindre atteinte" et "le climat sociétal global, avec une année marquée par des moments de contestation, à l'image de la réforme des retraites ou des violences urbaines".

"Nous sommes dans un contexte particulier, dans une forme de violence sociale que nous voyons monter depuis des années", a reconnu début novembre David Lisnard, maire LR de Cannes et président de l'AMF.

Depuis Saint-Brevin, le gouvernement multiplie les annonces, sans toujours convaincre, pour mieux évaluer le phénomène et renforcer l'arsenal répressif.

Une proposition de loi du Sénat adoptée début octobre aligne les sanctions pénales prévues en cas d'attaque contre un élu sur celles déjà prononcées lorsqu'elle vise une personne dépositaire de l'autorité publique.

Un "guichet d'appui psychologique" pour les maires et leurs familles, ouvert 7 jours sur 7 et doté d'une ligne d'écoute, sera lancé lundi, a annoncé dimanche Dominique Faure au JDD.

Mais les attaques ne viennent pas seulement des administrés.

"Sous-traitants de l'Etat "

Depuis des années, la puissante AMF, qui assure représenter "presque 100% des communes et plus de 85% des intercommunalités", ne cesse d'alerter sur une "recentralisation rampante" de l'Etat devenue aujourd'hui "galopante" et qui ôte tout pouvoir d'action aux élus.

Selon l'enquête Cevipof publiée dimanche dans Le Monde, le rythme des démissions de maires a augmenté de 30% par rapport au mandat précédent, révélant une "fatigue républicaine".

"Nous sommes sous l'effet d'un double étouffement: administratif et financier", analyse André Laignel (PS), numéro 2 de l'AMF, citant en exemple les annonces de nouveaux plans faites "tous les 15 jours" par le gouvernement.

"Plan eau, plan vélo, plan chaleur, plan industrie verte, plan petite enfance", avec à chaque fois "des dépenses nouvelles pour les collectivités, sans que les moyens ne soient assortis", tonne M. Laignel, pour qui les maires sont réduits à de simples "sous-traitants" de l'Etat.

Malgré le signal envoyé par l'Etat en augmentant deux années de suite sa principale dotation aux collectivités, l'AMF évalue à 7 milliards d'euros leur perte "de pouvoir d'agir" dans le projet de budget 2024, en raison notamment de l'absence de compensation de l'inflation.

"L'autonomie financière est devenue une chimère totale. Quant à la libre-administration des collectivités, elle est en guenilles", déplore M. Laignel.

Une situation qui ne menace "pas encore" l'engagement des maires, conclut le Cevipof, pour qui les édiles "résistent à l'accumulation de crises".

Plus de 10.000 participants et 230 intervenants sont attendus de mardi à jeudi Porte de Versailles à Paris, où 39 thèmes seront débattus, dont celui des conditions d'exercice du mandat.

Le congrès sera également l'occasion pour l'AMF de renouveler ses instances. Quinze ministres sont annoncés, tandis que la Première ministre s'exprimera jeudi après-midi.

Emmanuel Macron devrait lui se rendre mercredi au "salon", où se trouvent les exposants, sans toutefois participer au congrès. André Laignel l'a ironiquement invité "à traverser la rue". Plus de 1.000 maires seront également reçus à l'Elysée mercredi soir.

le Dimanche 19 Novembre 2023 à 22:14 | Lu 361 fois