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Assises : Cinquante nuances de vulgarité et d'obscénités


Les jurés viennent d'être tirés au sort, le premier procès de cette session d'assise peut s'ouvrir.
Les jurés viennent d'être tirés au sort, le premier procès de cette session d'assise peut s'ouvrir.
PAPEETE, le 17 février 2015. Un sergent-chef qui avait encadré, en 2009, de jeunes stagiaires entrant au GSMA (groupement du service militaire adapté) comparaît depuis hier devant le tribunal des assises de Papeete. Pour ces faits de viol commis par une personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction et agressions sexuelles par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction, cet homme âgé de 36 ans aujourd'hui et toujours sergent-chef dans l'armée –désormais en métropole- risque jusqu'à 20 ans de prison. Pendant qu'il assurait en 2009 des fonctions de formateur à l'accueil des jeunes stagiaires (de 18 à 25 ans) arrivant au régiment de service militaire adapté (RSMA) à Arue, cet homme alors âgé de 30 ans aurait-il abusé de son autorité hiérarchique pour soumettre une jeune femme à des relations sexuelles ? C'est la question centrale de ce dossier de viol au cours duquel il va falloir tenter de prouver que les relations sexuelles ont effectivement été imposées à la jeune femme qui les a subies et dénoncées.

Pour les deux agressions sexuelles, commises à l'encontre de deux jeunes caporaux de l'armée, placés directement sous les ordres de ce sergent-chef, c'est un peu la même chose. A la différence près que ni l'un ni l'autre ne s'est porté partie civile dans le dossier. Leur audition hier matin, lors de la première journée du procès a davantage démontré un comportement déviant du sergent-chef, un très mauvais "sketch de bidasse" qu'une véritable agression sexuelle. Ces deux jeunes caporaux ont subi vexations et humiliations pour avoir dû simuler fellation et sodomie devant la cinquantaine de jeunes stagiaires du RSMA, mais ont admis ne pas avoir été touchés directement par l'accusé.

L'affaire démarre en juillet 2009 par des faits révélés à l'état major des armées de Polynésie (jusqu'au commandement supérieur des forces armées) par un simple mail. Une jeune stagiaire qui vient de finir ses deux mois de classe sur le site du Rimap d'Arue dénonce avoir subi des relations sexuelles imposées par la contrainte, de la part de son "chef". Elle ne serait pas la seule, quelques autres stagiaires filles auraient eu à subir les avances plus ou moins appuyées du chef. Par ailleurs, l'instruction de l'affaire révèle aussi la situation de deux caporaux d'une vingtaine d'années, participants avec le sergent-chef à l'encadrement des stagiaires arrivant au RSMA, qui se sont vus imposer de la part de leur chef des simulacres de différentes positions sexuelles en public.

Bref le dossier se corse et se pimente. A la barre, l'accusé qui n'a jamais quitté l'armée depuis cette affaire –il n'a même pas été suspendu de ses fonctions- tente d'expliquer son comportement déviant par son "immaturité" du moment. Visiblement il parlait de sexe souvent et de façon très crue. En 2009, il a à peine 30 ans, il est célibataire, il appartient à l'armée depuis environ 8 ans, n'a jamais été affecté qu'à des postes techniques du génie civil notamment avant de se retrouver propulsé en Polynésie française au RSMA. Pour encadrer les 46 stagiaires (30 garçons et 16 filles de 18 à 25 ans) au parcours difficile, sans formation, sans repères et pour certains avec un lourd passé familial, il n'a pas eu droit à une formation particulière, ni à des pratiques pédagogiques claires. A peine à quelques recommandations générales de la part du colonel commandant le GSMA insistant sur l'interdiction pour les cadres d'avoir des relations sexuelles avec les stagiaires. Le choix de la formule de ce colonel, "il est interdit de picorer dans le poulailler" en dit long sur l'état d'esprit des militaires.

Le sergent-chef admet ne pas avoir obéi à cet ordre pressant. Au cours de ces quelques mois sur le camp militaire d'Arue, il a eu quatre relations sexuelles : trois avec des jeunes femmes qui étaient dans le groupe dont il avait la charge durant leurs deux premiers mois dans la vie militaire et une quatrième avec une stagiaire issue d'une promotion précédente.
Sans formation initiale sur la façon d'encadrer ces jeunes à problèmes, le sergent-chef s'emploie à inculquer à ces stagiaires filles et garçons les rudiments du code militaire de base. "On apprenait aux jeunes les valeurs militaires du respect, de l'obéissance, à marcher au pas, à défiler" explique un des caporaux cité à comparaître comme témoin. Au total, pour encadrer au quotidien ces 46 stagiaires qui entrent au GSMA, "un public fragile" reconnaît un des capitaines du régiment de l'époque, il n'y avait le plus souvent auprès des jeunes que des personnes inexpérimentées : le sergent-chef, deux caporaux dont l'ancienneté dans l'armée ne dépassait pas un an et une caporale qui a interrompu sa carrière militaire après deux années de service.

Entre copain confident, grand frère à l'écoute ou supérieur hiérarchique imposant à ces subalternes la soumission par le sexe, l'humiliation ou les séries de pompes, le comportement du sergent-chef n'a pas toujours été réglo. Loin de là. Il convoquait certaines des jeunes filles tard le soir dans le bureau ou dans sa chambre. Pourquoi abordait-il en entretien particulier avec les filles leurs préférences sexuelles alors que ces questions n'étaient que du ressort du psychologue de l'armée ? Il est incapable d'y répondre. Pourquoi faisait-il pratiquer, devant les stagiaires réunis, des "sketches sexuels" à ces jeunes caporaux simulant fellation et sodomie ? Pas de réponse claire non plus. Les deux caporaux ont vécu ces saynètes comme des actes déplacés, ils parlent de ces deux mois comme "un moment affreux" qu'ils s'emploient à oublier depuis plus de cinq ans. Ils ont admis leur "honte" dans leurs dépositions au juge d'instruction. Mais s'ils n'ont rien dénoncé à l'époque des faits, c'est pour l'un parce qu'il venait de trouver un travail qu'il ne voulait pas perdre ; pour l'autre parce que "à cette époque-là j'étais jeune, je n'avais pas conscience de tout. Le chef c'était le chef, le statut en imposait".
La journée de ce mercredi va se poursuivre avec l'audition des témoins, pas moins de 17 personnes sont citées à comparaître. Le verdict est attendu jeudi soir : les jurés des assises -trois hommes et trois femmes- devront déterminer le degré de culpabilité du sergent-chef et la peine en conséquence de ses actes.



Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 17 Février 2015 à 16:59 | Lu 3510 fois