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Armée en Polynésie : «les missions seront assurées» déclare le contre-amiral


Armée en Polynésie : «les missions seront assurées» déclare le contre-amiral
PIRAE, mercredi 26 juin 2013. Le commandement des forces supérieures armées en Polynésie française se confronte depuis quelques années déjà à des notions de ressources humaines, plus communes au secteur privé. On y apprend une nouvelle organisation du travail pour faire face, depuis le Livre Blanc de la Défense de 2008, à assumer les missions dévolues à l’armée sur ce territoire français du Pacifique, mais avec moins de personnel. D’autant que le «Com Sup» de Polynésie française a compétence sur toute la ZEE (zone économique exclusive) de Polynésie mais aussi sur tout le Pacifique, sauf sur l’Australie et la Nouvelle Zélande.

Et, cette nouvelle façon de travailler avec moins de personnel n’est pas prête de s’arrêter. Tout d’abord parce que la baisse des effectifs militaires et civils accordés à la présence de l’armée en Polynésie, liée à l’application des décisions du Livre Blanc de la Défense de 2008 continuent de produire des effets. Le départ programmé de 150 personnes est acté, avec 100 postes civils et 50 postes militaires en moins. Aussi les effectifs militaires en Polynésie vont passer de 1500 en 2012 à 1300 environ aujourd’hui, et à 1150 en 2014. Enfin, parce que le nouveau Livre Blanc de la Défense, publié en avril 2013 annonce encore une réduction du nombre de postes de l’armée en France. «Le nouveau livre blanc prévoit qu’il y aura 24 000 personnes en moins. Forcément les forces armées en Polynésie seront impactées, il faut être lucide, même si le Livre Blanc veut épargner les forces de souveraineté. Il va y avoir encore une déflation d’effectifs, c’est inéluctable» explique le contre-amiral Anne Cullere, commandant supérieur des forces armées de Polynésie. Bonne nouvelle cependant, les moyens matériels vont rester stables avec la frégate de surveillance Le Prairial, le patrouilleur Arago, les trois avions de surveillance maritime et les deux hélicoptères Dauphin notamment ne bougent pas.

L’armée française qui assure en Polynésie des missions de souveraineté pour la France dans le Pacifique, mais participe également au service du Pays, à la police des pêches, aux secours en mer, au secours de la population en cas de cyclone et aux évacuations sanitaires a un rôle important. Une modification trop importante de ses effectifs peut effectivement inquiéter. «Pour toutes ces missions au service de la Polynésie, nous sommes là. Est-ce qu’en 2014 nous pourrons toujours les assumer ? Au vu de ce que sais, oui» assure le Com Sup. Et le contre-amiral Anne Cullere poursuit : «Les moyens matériels restants constants, en 2014 je peux encore remplir ces missions. En revanche, ce qui va un peu diminuer c’est le rayonnement de la France dans le Pacifique». Pourtant l’enjeu stratégique du Pacifique a été de nombreuses fois mis en avant au cours des derniers mois y compris par le ministre de la Défense en personne. «Les premières missions que je ne peux plus remplir sont par exemple notre participation aux exercices internationaux dans la zone, pilotés par l’armée américaine, tout au moins sur le plan terrestre» détaille Anne Cullere. Et pour cause, la Polynésie française n’a plus de régiment à placer dans ce genre d’exercice !

Les premières vraies difficultés de l’armée en Polynésie française, liées à la baisse de ses effectifs, seront sensibles tout d’abord en interne. Avec la baisse des personnels civils, certaines fonctions risquent de se trouver en sous-effectif notable. L’armée en Polynésie pourrait manquer de cuisiniers, d’agents de sécurité, de personnel administratif assez rapidement. Avec interdiction formelle de recruter jusqu’en 2016, au moins ! Le personnel civil de recrutement local est en effet impacté également par la baisse des effectifs strictement militaires. Un plan de départ volontaire a démarré en 2010 et va se poursuivre jusqu’en 2016. «Ces départs, même si le dispositif d’aide est avantageux est parfois vécu douloureusement. Au fur et à mesure que l’on se rapproche de la date butoir, ce plan de départ volontaire va être de plus en plus difficile à mettre en œuvre. Il va falloir faire des choix qualitatifs» résume le contre-amiral Anne Cullere pour ne pas laisser la logistique arrière de l’armée en Polynésie française totalement désorganisée. En tout cas d’ici la fin de l’année 2014 pour un militaire de carrière dont le poste sera supprimé, deux le seront dans les rangs de ces personnels civils. «C’est une grande frustration de voir le personnel civil partir sans que d’autres arrivent. Il y a le risque d’une disparition du lien qui existait entre l’armée et la population locale». Le contre amiral Anne Cullere qui devrait rester en poste au Com Sup de Pirae jusqu’à l’été 2014 se retrouve au cœur de cette profonde mutation de la présence armée en Polynésie. Un défi pour cette militaire au sommet d’une carrière qu’elle dit avoir choisie par hasard, sans jamais le regretter.

La cité Grand à Pirae bientôt totalement vide.
La cité Grand à Pirae bientôt totalement vide.
Sites désertés par l’armée : le blocus de Bercy

Le contrat de redynamisation des sites de la défense (CRSD) avait édicté en 2008 des conditions alléchantes. Les communes qui voyaient les sites militaires de leur zone désertés par les forces armées pouvaient les récupérer pour l’euro (ici le franc) symbolique. Mais en Polynésie française, ce CRSD se heurte à un blocage juridique. Les communes de Pirae, Arue, Faa’a, Taravao ou Mahina qui ont fait des demandes en ce sens n’ont pas encore pu bénéficier de cette rétrocession. «Le ministère des finances à Bercy bloque sur le fait que l’aboutissement de ce CRSD était un développement économique. Or, les communes de Polynésie française n’ont pas de compétence sur ce point. Depuis c’est bloqué. En dépit des demandes et de courriers réitérés du ministère de la défense, du Haut-commissariat, la rétrocession de ces emprises militaires ne se fait pas» précise le contre amiral Anne Cullere. Une situation ubuesque car les communes concernées ont des projets importants sur ces nouvelles emprises foncières. Pire, encore avec le départ dans le courant du mois de juillet prochain des quinze dernières familles de militaires qui résident à la Cité Grand de Pirae, il va falloir au Com Sup mettre en œuvre un gardiennage du site pour éviter des dégradations des immeubles ou l’installation de squatters. Une situation bloquée qui sera certainement au menu des discussions à Paris du président de Polynésie française Gaston Flosse.

Hao : la dépollution du site en question


L’atoll de Hao est l’objet depuis 2009 d’une vaste entreprise de réhabilitation des anciens sites militaires (base vie et logistique) de l’ex Centre d’essais nucléaires de Polynésie. Les travaux devraient durer jusqu’en 2016 et sont réalisés dans le cadre d’un partenariat entre l’Etat, le Pays et la commune. Si les travaux sur place avancent correctement, les interrogations restent nombreuses sur ce qu’il faut faire des 146 000 m3 de terres polluées. Sur les 185 hectares, 3% ont été identifiées comme polluées par le PCB (polychlorobiphényles ou pyralènes), les hydrocarbures et les métaux. Faut-il évacuer ces terres polluées de l’atoll ? Les évacuer ? Mais à quel coût ? «Il y a une inquiétude, mais toutes les solutions techniques vont être discutées» promet la contre amiral Anne Cullere. Sur place à Hao, la mairie se serait émue d’un projet de centre d’enfouissement par bio-tertres de ces déchets sur un site d’environ 5 hectares. Un comité de pilotage de cette mission à Hao devrait prochainement se réunir. Ce qui n’a encore jamais été fait depuis le début des travaux. Le Haut-commissaire Jean-Pierre Laflaquière annonçait également la tenue prochaine de ce comité… en février dernier.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 26 Juin 2013 à 12:23 | Lu 2465 fois