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Arbovirus, le Pays lance un programme de coopération avec Fidji


Crédit photo : AFP.
Crédit photo : AFP.
Tahiti, le 19 juin 2023 – Depuis le 9 juin dernier, le Pays a lancé un programme de coopération scientifique avec Fidji sur les maladies transmises par les moustiques (arbovirus). Ce projet, nommé “Fiji Share”, a pour objectif de perfectionner les informations sur les circulations des virus et des points d'épidémie. Il va également permettre à Fidji de parfaire ses techniques d'analyse moléculaire.
 
Si la Polynésie a depuis longtemps fait de la recherche et de la surveillance des maladies transmises par les moustiques (arbovirus) une priorité, elle va désormais aider ses voisins à développer leur savoir sur ces sujets. En effet, depuis le 9 juin dernier, le Pays, par le biais de l'institut Louis-Malardé (ILM), a lancé le programme “Fiji Share” en partenariat avec l'Agence française de développement (AFD). Ce projet, qui va durer trois ans, a donc pour objectif d'améliorer les capacités de recherches et de surveillance de Fidji sur ces maladies, comme les phénomènes d'introduction de nouveaux virus sur le territoire, de démarrage d'épidémie... Pour la Polynésie, ce partenariat permettra une meilleure visibilité sur les virus qui circulent dans la région du Pacifique. “On va pouvoir avoir de meilleures informations sur la manière dont les virus circulent dans cette zone et par conséquent, les maladies qui pourraient se déplacer en Polynésie”, souligne la directrice du laboratoire de recherche sur les infections virales émergentes de l'ILM, le docteur Van-Mai Cao-Lormeau. 
 
Pour rappel, les arbovirus sont vecteurs de nombreuses maladies dans le Pacifique, comme la dengue, le zika, la fièvre de Ross River ou le chikungunya. Elles sont transmises par les arthropodes hématophages, comme les moustiques et les tiques. 
 
Le “hub” fidjien
 
Si de nombreux pays voisins auraient pu être sélectionnés pour ce programme, le choix de Fijdi était évident pour le docteur Cao-Lormeau : “Le choix s'est fait naturellement, car nous travaillons avec eux depuis longtemps. On a déjà réalisé un certain nombre de programmes de recherche sur la dengue et le zika avec eux. Alors, quand on a été sollicité en 2017 par l'AFD sur l'idée d'un projet de coopération, c'était évident. En plus de ça, les îles Fidji sont très bien positionnées, dans le sens où c'est un hub, avec des connexions avec la quasi-totalité des pays de la région. Ils sont également très structurés, avec des bons financements. Ils ont un niveau de sophistication de leur laboratoire qui leur permet aussi de faire des choses que la plupart des autres territoires insulaires ne peuvent pas réaliser.”
 
Avec ce programme, l'ILM ambitionne de faire “un total transfert” de son savoir, de ses protocoles et de ses équipements vers le ministère de la Santé fidjien et le Fiji CCDC (Centre for Communicable Diseases Control). Ainsi, le personnel du CCDC va, au cours de ce programme, être formé aux techniques d'analyses moléculaires et sérologiques de l'ILM afin de pouvoir diagnostiquer des infections à arbovirus. “Ça comprend de la biologie moléculaire classique, comme la PCR, que tout le monde connaît maintenant avec le Covid-19 et qui permet de détecter l'ARN du virus dans le sang”, détaille la directrice du laboratoire de recherche sur les infections virales émergentes de l'ILM, “mais également quelque chose de plus spécialisé qu'on appelle le séquençage génomique à haut débit, qui nous permet d'avoir une information extrêmement précise sur l'origine potentielle de l'introduction du virus”. Ce programme viendra également couvrir, pour Fidji, tous les frais liés à l'acquisition de nouveaux équipements, de réactifs, de réalisation d'analyses...
 
Vers d'autres partenariats
 
Si ce premier partenariat portait ses fruits, il pourrait donner envie au Pays et à l'ILM de le dupliquer dans d'autres territoires insulaires voisins. “Je pense vraiment que nous pouvons nous inscrire dans d'autres pays, je me suis d'ailleurs rendue il y a peu à Kiribati, à Salomon et aux Samoa”, explique le docteur Cao-Lormeau. “Mais si on décide d'engager une coopération semblable avec d'autres territoires, on ne pourra pas répliquer le même schéma que Fiji Share. Il va falloir s'adapter au contexte et à la manière dont le pays est structuré au niveau de la recherche, de l'équipement, mais également au niveau de sa volonté de porter une recherche sur son territoire. Ça prendrait du temps.” Mettre en œuvre Fiji Share ayant pris plusieurs années, établir de nouveaux partenariats demanderait énormément de travail pour le Pays. Une besogne qui serait cependant dans l'intérêt de la Polynésie. En effet, les intérêts de Fiji Share pour le fenua sont multiples. En plus de mieux comprendre les déplacements des arbovirus, le programme va permettre de renforcer la collaboration entre les deux pays, mais aussi de “montrer la capacité de la Polynésie de pouvoir faire bénéficier d'autres pays de son expertise et de son savoir”. “On va avoir l'opportunité de découvrir les contextes de travail et de recherche de nos voisins”, conclut Van-Mai Cao-Lormeau.
 

Arbovirus, un problème local et mondial

Les arbovirus sont un véritable problème de santé publique pour les pays tropicaux. Mais depuis peu, ils le sont également pour les territoires au climat tempéré. “C'est un problème émergent, car pendant cinquante ans, les arbovirus étaient identifiés comme des épidémies tropicales et puis, au fur et à mesure, les moustiques se sont multipliés un peu partout”, explique le Docteur Lormeau. “Que ce soit dans le sud de la France ou en Italie, il y a très souvent des foyers de démarrage de chikungunya. Ça devient un problème et c'est d'ailleurs une priorité de santé publique mondiale.” La communauté scientifique porte, par ailleurs, une attention particulière sur le Pacifique et la Polynésie depuis que le fenua a vécu la première grosse épidémie de zika en 2013.
 

Van-Mai Cao Lormeau, directrice du laboratoire de recherche sur les infections virales émergentes à l'ILM : "Ça fait plus de quinze ans que je travaille sur les arbovirus”

Crédit photo : Thibault Segalard.
Crédit photo : Thibault Segalard.
Quand avez-vous commencé à travailler sur les arbovirus ?
 
“Ça fait plus de quinze ans que je travaille sur les arbovirus, que ce soit la dengue, le zika ou le chikungunya, avec les pays du Pacifique. À l'époque, on avait très peu d'informations sur les virus qui étaient à l'origine d'épidémies, car cette capacité de PCR n'existait pas. À l'époque, on distribuait des buvards qui permettaient aux laboratoires des autres pays de nous envoyer des échantillons de sang. C'est comme ça que se sont créés les réseaux de contact.”
 
Depuis combien de temps êtes-vous à l'institut Louis-Malardé ?
 
“J'ai fait ma thèse à l'institut au début des années 2000 et j'ai été embauchée après comme chargée de mission. J'ai pris la direction du laboratoire en 2007. Et c'est quand j'ai pris sa direction que j'ai commencé à créer des partenariats avec le reste de la région.”
 

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 19 Juin 2023 à 21:15 | Lu 1745 fois