Marie Salaün étant actuellement en métropole, ce sont Mirose Paia et Jacques Vernaudon qui ont présenté cet ouvrage sur l'environnement carcéral en Polynésie. Dédicace à Odyssey ce samedi 2 décembre de 9h à 12h. crédit photo SD
Tahiti, le 30 novembre 2023 – Partis d'une commande publique Marie Salaün, Jacques Vernaudon, en collaboration avec Mirose Paia, ont réussi à convaincre l’éditeur Au vent des îles de publier leur enquête sur l'univers carcéral en Polynésie, et par extension sur la société polynésienne d'aujourd'hui. Une enquête de terrain à Nuutania et Tatutu, sous forme d'entretiens avec des détenus, leurs proches, mais aussi avec les surveillants et conseillers d'insertion.
“Amo i te utu'a, porter sa peine”, est piloté par Marie Salaün, anthropologue et professeure à l'Université Paris Cité, qui travaille depuis plus de dix ans maintenant avec Jacques Vernaudon, linguiste à l'Université de Polynésie française, et Mirose Paia, Maître de conférences en langue et littérature tahitienne. Une collaboration d'autant plus nécessaire dans cette enquête menée dans les deux prisons de Tahiti, à Nuutania et Tatutu, qui permet de se rendre compte du poids que représente le malentendu linguistique.
“Le souhait de Marie c'était que les détenus puissent s'exprimer dans la langue de leur choix. Mirose et moi-même parlons tahitien et c'est comme ça qu'elle nous a embarqués dans cette aventure”, raconte Jacques Vernaudon qui a également collaboré, comme Mirose Paia, à la transcription et la rédaction de cet ouvrage.
Que ce soit pendant le procès, lorsque la sentence est prononcée ou même ensuite lorsqu'ils sont en prison dans les entretiens avec les psychologues, ces “malentendus linguistiques conduisent les détenus à être fatalistes à tous les niveaux”, explique Mirose Paia.
Sortir de la “représentation fantasmée” de la prison
Car même lorsqu'ils parlent français, ils ne comprennent pas forcément tout. Ils savent qu'ils doivent être punis mais ils ne savent pas vraiment pourquoi parfois. “Un détenu qui était incarcéré pour viol trouve ça normal vis-à-vis de son épouse parce qu'il l'a trompée mais c'est tout”, raconte par exemple Jacques Vernaudon. L'usage de la langue polynésienne est aussi “un déclic pour apaiser les tensions” et mieux accepter l'autorité poursuit Mirose car “dès qu'ils commencent à parler en tahitien, le respect vient avec”.
Tous ces malentendus linguistiques font d'ailleurs l'objet du dernier chapitre de ce livre qui nous permet d'entrer dans “la boite noire”, comme l'appelle Jacques Vernaudon, d'une prison dont on a souvent une “représentation fantasmée”. Qu'il s'agisse de Nuutania, réputée pour être “la plus surpeuplée” de France, ou de Tatutu qualifiée de “prison 5 étoiles”, cela reste des espaces de privation de liberté.
D'un travail académique à un ouvrage tout public
Le point de départ de ce livre est en fait une commande publique de la mission des services pénitentiaires de l'Outre-mer qui a souhaité qu'une enquête soit menée par des chercheurs sur la question de la prise en charge spécifique des populations autochtones, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Autrement dit, faut-il adapter la prison en Outre-mer en fonction des réalités culturelles ou linguistiques.
Enquête qui a mené à un rapport dont on ne sait pas s'il a été suivi d'effets concrets. Ce que l'on sait en revanche, c'est que Marie Salaün, Jacques Vernaudon et Mirose Païa ont souhaité faire de ce travail académique qu'ils ont évidemment centré sur la situation en Polynésie, un ouvrage qui ne prenne pas la poussière dans un tiroir, mais qui puisse trouver un public pour donner à réfléchir sur l'environnement carcéral et ce qu'il nous dit de la société polynésienne d'aujourd'hui.
43 entretiens avec des détenus
Ils ont ainsi mené 43 entretiens avec des détenus et leurs proches, mais aussi une douzaine d'autres avec les personnels gravitant autour d'eux, qu'ils soient surveillants, psychologues, soignants, conseillers de probation et d'insertion ou avocats notamment.
S'il y a bien une spécificité qu'ils ont relevée dans les prisons polynésiennes, c'est la relation entre les détenus et les surveillants, avec “une empathie que l'on ne trouve pas au niveau national”, note Jacques Vernaudon qui insiste vraiment sur la “très grande humanité” des surveillants de Nuutania comme de Tatutu, car “il y a une forme de solidarité polynésienne”.
Deuxième spécificité, plus anecdotique mais assez amusante : les portions de nourriture qui sont plus importantes en Polynésie qu'au niveau national.
“Ce qui se joue derrière les murs a quelque chose à nous dire de la société polynésienne d'aujourd'hui.” Pour toucher du doigt une réalité loin des fantasmes, rendez-vous ce samedi 2 décembre de 9 heures à midi à la librairie Odyssey pour rencontrer Jacques Vernaudon qui dédicacera cet ouvrage publié Au Vent des îles.
“Amo i te utu'a, porter sa peine”, est piloté par Marie Salaün, anthropologue et professeure à l'Université Paris Cité, qui travaille depuis plus de dix ans maintenant avec Jacques Vernaudon, linguiste à l'Université de Polynésie française, et Mirose Paia, Maître de conférences en langue et littérature tahitienne. Une collaboration d'autant plus nécessaire dans cette enquête menée dans les deux prisons de Tahiti, à Nuutania et Tatutu, qui permet de se rendre compte du poids que représente le malentendu linguistique.
“Le souhait de Marie c'était que les détenus puissent s'exprimer dans la langue de leur choix. Mirose et moi-même parlons tahitien et c'est comme ça qu'elle nous a embarqués dans cette aventure”, raconte Jacques Vernaudon qui a également collaboré, comme Mirose Paia, à la transcription et la rédaction de cet ouvrage.
Que ce soit pendant le procès, lorsque la sentence est prononcée ou même ensuite lorsqu'ils sont en prison dans les entretiens avec les psychologues, ces “malentendus linguistiques conduisent les détenus à être fatalistes à tous les niveaux”, explique Mirose Paia.
Sortir de la “représentation fantasmée” de la prison
Car même lorsqu'ils parlent français, ils ne comprennent pas forcément tout. Ils savent qu'ils doivent être punis mais ils ne savent pas vraiment pourquoi parfois. “Un détenu qui était incarcéré pour viol trouve ça normal vis-à-vis de son épouse parce qu'il l'a trompée mais c'est tout”, raconte par exemple Jacques Vernaudon. L'usage de la langue polynésienne est aussi “un déclic pour apaiser les tensions” et mieux accepter l'autorité poursuit Mirose car “dès qu'ils commencent à parler en tahitien, le respect vient avec”.
Tous ces malentendus linguistiques font d'ailleurs l'objet du dernier chapitre de ce livre qui nous permet d'entrer dans “la boite noire”, comme l'appelle Jacques Vernaudon, d'une prison dont on a souvent une “représentation fantasmée”. Qu'il s'agisse de Nuutania, réputée pour être “la plus surpeuplée” de France, ou de Tatutu qualifiée de “prison 5 étoiles”, cela reste des espaces de privation de liberté.
D'un travail académique à un ouvrage tout public
Le point de départ de ce livre est en fait une commande publique de la mission des services pénitentiaires de l'Outre-mer qui a souhaité qu'une enquête soit menée par des chercheurs sur la question de la prise en charge spécifique des populations autochtones, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Autrement dit, faut-il adapter la prison en Outre-mer en fonction des réalités culturelles ou linguistiques.
Enquête qui a mené à un rapport dont on ne sait pas s'il a été suivi d'effets concrets. Ce que l'on sait en revanche, c'est que Marie Salaün, Jacques Vernaudon et Mirose Païa ont souhaité faire de ce travail académique qu'ils ont évidemment centré sur la situation en Polynésie, un ouvrage qui ne prenne pas la poussière dans un tiroir, mais qui puisse trouver un public pour donner à réfléchir sur l'environnement carcéral et ce qu'il nous dit de la société polynésienne d'aujourd'hui.
43 entretiens avec des détenus
Ils ont ainsi mené 43 entretiens avec des détenus et leurs proches, mais aussi une douzaine d'autres avec les personnels gravitant autour d'eux, qu'ils soient surveillants, psychologues, soignants, conseillers de probation et d'insertion ou avocats notamment.
S'il y a bien une spécificité qu'ils ont relevée dans les prisons polynésiennes, c'est la relation entre les détenus et les surveillants, avec “une empathie que l'on ne trouve pas au niveau national”, note Jacques Vernaudon qui insiste vraiment sur la “très grande humanité” des surveillants de Nuutania comme de Tatutu, car “il y a une forme de solidarité polynésienne”.
Deuxième spécificité, plus anecdotique mais assez amusante : les portions de nourriture qui sont plus importantes en Polynésie qu'au niveau national.
“Ce qui se joue derrière les murs a quelque chose à nous dire de la société polynésienne d'aujourd'hui.” Pour toucher du doigt une réalité loin des fantasmes, rendez-vous ce samedi 2 décembre de 9 heures à midi à la librairie Odyssey pour rencontrer Jacques Vernaudon qui dédicacera cet ouvrage publié Au Vent des îles.