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Amiante : des risques pour la population ?


Le bâtiment du Kuo Min Tang, rue Lagarde, a vu sa démolition interrompue pour recherche tardive de possibles éléments amiantés. Construit dans les années 40, ce bâtiment pourrait néanmoins avoir échappé à l’utilisation de ce matériau, sauf sur certains rajouts plus tardifs.
Le bâtiment du Kuo Min Tang, rue Lagarde, a vu sa démolition interrompue pour recherche tardive de possibles éléments amiantés. Construit dans les années 40, ce bâtiment pourrait néanmoins avoir échappé à l’utilisation de ce matériau, sauf sur certains rajouts plus tardifs.
PAPEETE, lundi 19 août 2013. Les risques de l’amiante, on en parle beaucoup sur le territoire, mais la prévention dans ce domaine est encore largement balbutiante. La réglementation a été particulièrement tardive. Ce n’est qu’en septembre 2011 par un arrêté ministériel que l’amiante était déclarée interdite et que des dispositions sont prises pour protéger les salariés en contact avec l’amiante. 2011, c’est 15 années plus tard qu’en France, où pourtant le scandale de l’amiante a éclaté dès le début des années 1990 comme «le scandale sanitaire historique» du XXe siècle. .

Les fibres d’amiante sont responsables de cancers broncho-pulmonaires ou de la plèvre en nombre qui surviennent parfois tardivement, 30 à 40 ans après l’exposition à ces fibres. Selon un rapport du Sénat de 2005, ce matériau, qui a été extrêmement utilisé dans la construction entre les années 1950 et la fin des années 1990, est responsable de 35 000 décès survenus entre 1965 et 1995 en France, et pourrait en causer deux à trois fois plus d’ici 2030. Certes, les travailleurs de l’amiante (dans les anciennes usines produisant des plaques d’amiante ou dans la construction, mais aussi dans le secteur automobile) ont été les plus exposés, mais une seule fibre d’amiante inhalée suffit parfois à développer une maladie, le plus souvent une forme de cancer dont les risques de mortalité sont très élevés.


En Polynésie, la prise de conscience a donc été tardive et la réglementation a encore du mal à se mettre en place. Ce n’est que lorsque de grands chantiers de démolition se déroulent au grand jour, avec pignon sur rue, que la direction du travail et/ou la Caisse de prévoyance sociale viennent faire sur le terrain les vérifications d’usage. La preuve : la mise à l’arrêt du chantier de démolition du bâtiment du Kuo Min Tang 2 en plein cœur de Papeete. Avant le début des travaux, il n’y a pas eu de diagnostic préalable pour savoir si le bâtiment contenait ou non des éléments amiantés. Dans le souci de protéger les travailleurs de ce chantier de démolition , la direction du travail a mis le chantier à l’arrêt le temps des mesures soient effectuées.

Cette obligation de diagnostic préalable est donc encore largement méconnue des propriétaires et des maîtres d’ouvrage. Il manque surtout l'existence d’un permis de démolir, procédure au cours de laquelle l’obligation de ce diagnostic serait rappelée et qui pourrait indiquer ensuite les démarches de protection à suivre si de l’amiante est repérée dans un bâtiment ancien. Le caractère a posteriori de la réglementation en démontre bien les limites.

Enfin, la réglementation sur l’interdiction de l’amiante et les mesures de protection des travailleurs qui peuvent être en contact avec des fibres d’amiante, est une chose. Mais la protection de la population en est une autre. L’arrêté ministériel de septembre 2011 précise les mesures de confinement à prendre en cas de présence d’amiante : il s’agit notamment de mesures de confinement et de toutes mesures nécessaires à prendre «pour réduite le plus possible la durée d’exposition des travailleurs et assurer leur protection afin que la concentration moyenne en fibres d’amiante dans l’air inhalé par un travailleur ne dépasse pas 0,1 fibre par centimètre cube sur une heure de travail». Des mesures très strictes et impressionnantes, où les travailleurs procèdent sous cloche étanche et en atmosphère humide pour éviter la propagation des poussières.

Des procédures qui impliquent des équipements respiratoires spécialisés, divers sas de décontamination et l’obligation de jeter ses vêtements de travail dans des conteneurs spécialisés après chaque arrêt de poste. En revanche, un chantier de démolition arrêté pour vérification de la présence d’amiante est laissé à ciel ouvert, le temps de la vérification, sans aucune mesure de précaution pour les riverains, les écoles et même la clinique située à proximité. La preuve que la prise en compte des risques de l’amiante existe bel et bien aujourd’hui en Polynésie française mais que cette conscience doit être élargie au plus grand nombre.


Pour lire l'arrêté de septembre 2011 sur l'interdiction de l'amiante et la protection des travailleurs en Polynésie française, cliquer ici

Dans l’ancien hôpital Jean Prince, démoli il y a quelques semaines à Pirae, plus de 100 tonnes d’amiante ont été extraites du chantier. Des mesures de confinement ont dû être prises pour enlever les éléments amiantés du bâtiment avant qu’il ne soit démoli.
Dans l’ancien hôpital Jean Prince, démoli il y a quelques semaines à Pirae, plus de 100 tonnes d’amiante ont été extraites du chantier. Des mesures de confinement ont dû être prises pour enlever les éléments amiantés du bâtiment avant qu’il ne soit démoli.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 19 Août 2013 à 17:09 | Lu 1784 fois