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Amateurisme et petits profits au SIVMTG


Le SIVMTG ne peut plus accueillir de public dans ses locaux
Le SIVMTG ne peut plus accueillir de public dans ses locaux
Tahiti, le 4 avril 2024 - Indemnités indument perçues, ressources humaines non gérées, déplacements inutiles, prévisions budgétaires approximatives, le constat de la Chambre territoriale des comptes sur la gestion du syndicat intercommunal à vocation multiple des Tuamotu-Gambier n’est guère flatteur.
 
 
Double publication ce jeudi pour la Chambre territoriale des comptes. Tout d’abord le rapport sur Air Tahiti Nui et la politique de promotion touristique du pays, dont Tahiti Infos s’est déjà largement fait l’écho le mois dernier en exclusivité. La nouveauté était celui sur le contrôle des comptes et de la gestion du syndicat intercommunal à vocation multiple des Tuamotu-Gambier (SIVMTG) pour les exercices 2018 à 2023.
 
Le gendarme financier est assez critique sur ce syndicat regroupant 17 communes dont “les règles n’ont jamais été définies par l’organisme”, et qui est “marquée par des instances qui fonctionnent difficilement et reste peu efficientes”.
 
Dès les premières lignes des conclusions rendues par la CTC, sont pointés du doigt un comité syndical divisé jusqu’en 2020, l’absentéisme de deux communes et l’absence de contrôle des frais de déplacement du président, la non-tenues des comités délocalisés dans les îles malgré des frais importants engagés. Ernest Teagai, directeur de l’organisme, est déjà inquiété par la justice administrative dans la procédure de nomination de son directeur général des services. Un directeur que la Chambre territoriale des comptes décrit comme intervenant “dans le cadre de ses délégations de signature de manière quasi permanente y compris pour les dossiers qui l’intéressent personnellement”.

Un laisser-aller flagrant

Manifestement laxiste, le fonctionnement du SIVMTG peine à produire un travail correct. “La communication du SIVMTG vis-à-vis des communes membres est également déficiente”, poursuit la CTC qui liste les absences de registres des délibérations, de transmissions des procès-verbaux et PV malgré les demandes récurrentes des communes.
 
Il en va de même pour le pilotage du syndicat qui semble être passé en mode automatique. “Un effort significatif est à fournir en matière de pilotage (indicateurs, rapports d’activités) et de traçabilité (notes d’organisation, contrôle de véhicules)”, observe la CTC. “La situation est particulièrement délicate en matière de gestion du personnel.” Un nombre d’employés incertain, une politique RH inexistante, des rémunérations erronées et non remboursées par les agents, la liste des manquements est assez longue, jusqu’aux soldes de congés des agents outre “l’augmentation significative des arrêts maladies et le turn-over important du personnel” qui “questionnent sur le management de l’organisme par la direction”.
 
Le directeur général des services aurait bénéficié de 54 jours de congés en 2022, tout comme une directrice technique (79 jours), la responsable du département administratif (53 jours) et le record pour le responsable du département finances avec 80 jours. Des congés qui n’auraient pas été pris les années précédentes et/ou remplacés par des arrêts maladies que le président du SIVMTG analyse, sans rire, comme liés au Covid ou “aux lendemains de fête difficiles”.
 
Quant au travail en lui-même du SIVMTG, là encore les choses sont à revoir. Censé être force de proposition et d’assistance des communes pour les marchés publics, le syndicat est analysé comme fonctionnant “au fil de l’eau” avec des “reports” ou des “pertes des subventions obtenues pour les communes auprès des financeurs publics”.

Insécurité budgétaire

Enfin, côté budget, le bilan n’est pas spécialement reluisant. Une information budgétaire délivrée aux élus insuffisante, une absence de débat d’orientation budgétaire (DOB) jusqu’en 2022, des prévisions budgétaires insincères, une fiabilité des comptes à améliorer ainsi qu’une situation patrimoniale floue… Des sujets sur lesquels “le président du SIVMTG a pris de nombreux engagements afin de remédier à cette situation”.
 
De plus, les charges de gestion du SIVMTG sont en forte augmentation entre 2018 et 2022 (+3,9%), poussées par les dépenses de personnel (+8,1%) et les autres charges de gestion (+6,2%).
 
Mais au SIVMTG, on sait aussi bien vivre puisque les frais de réception, les frais d’avocats et les frais de déplacement sont aussi à la hausse. On vit bien, mais on travaille moins aussi, ce qui provoque une baisse des produits de gestion de1,9% et des investissements à la peine. Pas de renouvellement du parc informatique et pas de sécurisation du bâtiment, qui n’est plus en mesure, légalement, de recevoir du public.

Des délocalisations inutiles

Deux réunions du comité ont été particulièrement improductives, note la CTC. La première, pour un coût de 3,8 millions de francs aux Gambier, la seconde pour près de 2 millions de francs à Fakarava. “Dans les deux cas, les comités n’ont pu se tenir malgré la présence des élus et des agents, le président ne s’étant pas déplacé”, constate le gendarme financier. Un gag que le président du SIVMTG a tenté de corriger en arrêtant les délocalisations “compte tenu des coûts supplémentaires liés aux voyages, à l'organisation des réunions et aux frais de déplacement”.
Surtout quand le président ne s’y présente pas.

Le trop plein de remboursements

En détaillant les indemnités des élus, la CTC lève le voile sur un système manifestement bien huilé qui a permis au président de s’arroger quelques revenus complémentaires. “La mandature en cours se caractérise ensuite par l’attribution d’une indemnité de fonction pour le vice-président depuis 2020 (203 000 puis 610 000 francs par an) contrairement aux années précédentes, en plus de celle du président (1,2 million de francs par an)”, note la CTC. Une indemnité au vice-président non approuvée par le haut-commissariat par ailleurs.
 
À ces indemnités, fixées au taux maximum autorisé, s’ajoutent aussi les frais de déplacement ouvrant droit à remboursement des dépenses de déjeuners, diners et nuitées. Et on peut constater qu’Ernest Teagai a bien compris le système puisqu’il a comptabilisé “jusqu’à 195 jours de mission en 2020, et depuis 2021 ses frais de mission ont été multipliés par deux, soit 1,33 million de francs en 2021 pour 122 jours de déplacement (dont 66 nuitées remboursées) et 1,48 million de francs en 2022 pour 161 jours de déplacement (dont 62 nuitées remboursées)”.
 
Des frais “erronés” et qui ont “généré des trop perçus pour le président”, note la CTC, à l’instar du remboursement de billets d’avions non consommés, des doubles remboursements en mission ou encore le remboursement de 34 nuitées à Tahiti alors que la facture ne présentait que 28 jours.

Les recommandations de la CTC
 
  • Instaurer, à partir de la gestion 2023, un rapport d’activité annuel.
  • Mettre en œuvre, dès à présent, une évaluation annuelle des agents.
  •  Fiabiliser, sans délai, le décompte des congés pris par les agents et les reports de congés.
  • Procéder, immédiatement, au remboursement des sommes indues par le Directeur général des services (DGS) sur la période d’août à décembre 2021.
  • Se doter, dès à présent, d’un logiciel d’élaboration et de suivi des marchés publics.
  • Améliorer, dès 2024, la sincérité des prévisions budgétaires.
  • Convoquer, dès à présent, la commission de sécurité pour le bâtiment Fare Miro en précisant le public accueilli.
Leg :
1 : Le SIVMTG ne peut plus accueillir de public dans ses locaux.
2 : Le président du SIVMTG, Ernest Teagai.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 4 Avril 2024 à 19:36 | Lu 6163 fois