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Air Moorea : Un troisième procès pour “fixer les peines”


Tahiti, le 2 mars 2022 – Après la cassation partielle prononcée le 22 février dernier dans l'affaire du crash d'Air Moorea, un nouveau procès en appel devrait se tenir à Papeete. Il portera sur le quantum des peines auxquelles avaient été condamnés cinq des huit prévenus. Leur culpabilité ayant été définitivement confirmée, l'enjeu repose désormais sur le montant des amendes et les durées des peines de prison. 

Plus de 14 ans après le crash d'un Twin Otter transportant 20 personnes entre Moorea et Tahiti et au terme de deux procès, la Cour de cassation a partiellement annulé, le 22 février, dernier l'arrêt de la Cour d'appel de Papeete par lequel cinq des huit prévenus poursuivis avaient été reconnus coupables d'homicide involontaire aggravé. Si elle a confirmé la culpabilité des prévenus, la plus haute juridiction de l'ordre a cependant cassé l'arrêt de la Cour d'appel sur la partie concernant les peines. Elle a estimé que la cour ne s'était pas suffisamment expliquée sur “les éléments de la personnalité des prévenus qu'elle avait pris en considération pour fonder son choix de prononcer une peine d'emprisonnement en partie ferme et sur le caractère inadéquat de toute autre sanction”.

Un nouveau procès en appel va donc se tenir afin que la juridiction se prononce cette fois uniquement sur les peines. Le procureur général de la cour de Papeete, Thomas Pison, indique d'ailleurs que ce procès devrait se tenir “avant la fin 2022”. Il tient à souligner le fait que dans sa décision, la chambre criminelle de la Cour de cassation a dit “très clairement” que les motivations de la Cour d'appel quant à la culpabilité et à la responsabilité des prévenus sont “pertinentes et établies”.
 
“Compteurs à zéro”

La Cour d'appel va donc devoir se prononcer sur les peines d'amende et d'emprisonnement. Pour le procureur général, cela signifie que les “compteurs vont être remis à zéro lors de cette nouvelle audience”. Les peines, tant la nature que leur quantum, vont ainsi à nouveau être discutées lors d'un procès qui ne devrait pas durer plus de deux jours. 
Au cours de ce procès, les faits seront brièvement exposés puisque la question de la responsabilité des prévenus a été tranchée par la Cour de cassation. Les débats tourneront donc autour de la justification des peines. Les parties civiles de ce dossier n'auront en revanche pas la possibilité de s'exprimer. Tel que le rappelle Thomas Pison, le “strict intérêt” de ce troisième procès sera donc de “fixer les peines”.

Peines prononcées en appel

Freddy Chanseau, ancien directeur général d'Air Moorea : trois ans de prison dont 18 mois avec sursis, trois millions Fcfp d'amende.

Andramamonjisoa Ratzimbasafy, ancien inspecteur de l'aviation civile : trois ans de prison dont 18 mois avec sursis.

Stéphane Loisel, ancien responsable de l'entretien de la compagnie : trois ans de prison dont deux avec sursis.

Jacques Gobin, ancien directeur technique d'Air Moorea : trois ans de prison dont deux avec sursis.

Air Moorea, représentée en qualité de personne morale : 25 millions Fcfp d'amende. 

“Il faut une vraie punition”

Nikolaz Fourreau, président de l'association 987.

 Même si cette décision est une cassation partielle, les parties civiles étaient-elles satisfaites de la confirmation de la culpabilité prononcée par la Cour de cassation ?

“Sur la culpabilité définitive et enfin reconnue par la justice, on peut dire que nous sommes satisfaits et l'ensemble des familles que j'ai pu avoir sont très contentes. Il est en revanche assez désappointant de se retrouver avec une cassation partielle sur la justification des peines même si l'on peut espérer que le parquet général requerra les mêmes peines. C'est un peu pénible d'avoir encore une étape supplémentaire.”

Quel intérêt ce nouveau procès en appel peut-il revêtir pour les parties civiles ? En attendez-vous quelque chose ?

“Nous attendons juste que les peines soient confirmées et qu'il n'y ait pas juste une petite tape sur l'épaule pour dire : “Vous êtes coupables et ne recommencez pas”. Il faut une vraie punition, de vraies amendes car ce n'est pas le tout de dire que les gens sont coupables. Après, et maintenant qu'ils ont été reconnus coupables à trois reprises par la justice, l'on peut attendre que ces personnes demandent enfin pardon et s'excusent pour leur absence de travail. Ce qui n'a toujours pas été fait.”

Les parties civiles qui vivent en métropole comptent-elles venir assister à ce nouveau procès qui devrait être beaucoup plus court ?

“De ce que je sais, ce procès devrait durer le temps des exposés des conclusions des uns et des autres et sera donc très court. Une demi-journée ou une journée à tout casser. C'est un débat extrêmement juridique qui ne porte pas sur le fond et je ne suis pas sûr que cela représente un intérêt.”

Quel regard portez-vous sur ces nombreuses années de procédure ?

“Ma fille a 16 ans aujourd'hui et n'aura jamais connu sa mère. Il y d'autres enfants qui étaient extrêmement petits lors du crash et qui ne connaîtront pas non plus leurs parents. Ils ont massacré ces vies d'enfants et de disparus. Il faudrait donc probablement un peu de reconnaissance de la faute des coupables. Il faut que cela serve de leçon dans un paysage aérien qui va évoluer. Il va y avoir de nouvelles compagnies qui devront être rigoureuses et intègres et qui ne devront pas privilégier  la rentabilité excessive au détriment de la maintenance et de la sécurité”. 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 2 Mars 2022 à 18:35 | Lu 1009 fois