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Aides publiques (2004-2014) : la CTC pointe un manque de contrôle, d'évaluation et de stratégie


La CTC pointe un manque de contrôle, de stratégie et d’évaluation des résultats, dans son rapport d’observations sur l’interventionnisme économique de la collectivité et les aides aux entreprises, entre 2004 et 2014.
La CTC pointe un manque de contrôle, de stratégie et d’évaluation des résultats, dans son rapport d’observations sur l’interventionnisme économique de la collectivité et les aides aux entreprises, entre 2004 et 2014.
PAPEETE, 23 septembre 2015 - Le rapport d’observations définitives de la Chambre territoriale des comptes sur les politiques d'aide publique entre 2004 et 2014 pointe une absence de "stratégie globale" et d’évaluation des effets sur l’économie polynésienne alors que 194 milliards d’aides ont été accordées sur la période.

Le rapport d’observations définitives de la Chambre territoriale des comptes (CTC) sur les aides allouées par la collectivité dans l’économie polynésienne sur la période 2004-2014 a été évoqué en séance plénière, mardi, comme le veut la loi statutaire.
Ce document met en évidence au cours de cette décennie un manque de contrôle, de constance dans les stratégies et d’évaluation objective des résultats sur l'économie.

Les aides aux entreprises ont été financières directes, sous forme d’exonérations fiscales ou douanières ou par le biais de subventions et participations aux sociétés d’économie mixte. De 2004 à 2013, ces dépenses ont coûté environ 194 milliards Fcfp au budget de la collectivité.

Au 31 décembre 2013, il existait 23 111 entreprises dans le champ productif (industrie, construction et commerce, services), et 59 655 avec celles du secteur primaire, les associations, les employeurs de personnel de maison, etc.

Sur la période d’observation, la CTC constate que les dépenses budgétaires ou fiscales, se sont élevées à environ 27,4 milliards Fcfp par an. En moyenne, depuis 2004, le montant des aides aux entreprises a représenté une charge qui, selon les années, a varié de 19 à 26% des recettes de fonctionnement de la collectivité.

L’interventionnisme économique, au même titre que la commande publique, est traditionnellement un levier de développement mis par la collectivité au service du développement économique de la Polynésie française. De 2004 à 2014 les aides publiques ont donné lieu à une large gamme de mesures "alliant de lourdes dépenses fiscales (défiscalisation locale, exonérations fiscales), à de puissantes détaxations douanières et aides financières (subventions, participation au capital), en recherchant aussi des relais de financement auprès des opérateurs de l’Etat (Sogéfom, IEOM) et de la collectivité (Sofidep), et plus récemment de l’Adie", observe le rapport de la CTC.

Meilleur soutien des TPE-PME

Mais, ce saupoudrage au fil d'une décennie de forte instabilité institutionnelle, s'est illustré par une inconstance des politiques publiques couplée à un manque de contrôle et de visibilité. Plus généralement, le rapport de la CTC souligne l’absence de "stratégie globale" et d’évaluation des résultats : "L’analyse validée des données n’est pas toujours apparue à la source du choix des caractéristiques des différentes aides aux entreprises proposées, relève dans une litote le rapport de la CTC sans manquer de noter que le Pays s’est doté depuis 2011 d’une Direction générale des affaires économiques (DGAE) sans pour autant que ce service administratif ne soit "en capacité de superviser les politiques publiques d’aide aux entreprises, d’en assurer le pilotage général, et d’établir à l’endroit des décideurs un bilan critique assorti de propositions stratégiques alternatives".

Sur la période le modèle de développement adopté par la collectivité a privilégié un fort interventionnisme public dans de nombreux secteurs de l’économie, y compris concurrentiels, constate la CTC. "Par choix, que ce soit au travers de sociétés d’économie mixte (SEM), d’Epic ou par d’autres types de sociétés, les prises de participation de la collectivité dans le capital de ces structures sont très importantes" ajoute ce rapport d’observations qui déplore que "d’une manière générale, l’effet d’entrainement sur la sphère privée est resté très limité" sans "faire évoluer significativement l’économie duale de la Polynésie". Il suppose une raison contextuelle : "la très forte prévalence de l’entreprise individuelle, dont 82% ne compte aucun salarié".

La chambre territoriale des comptes recommande en conséquence une orientation de l’effort d’aide qui serait plus ciblée sur les TPE-PME "pour les inciter à augmenter leur participation à l’économie marchande" et "accompagner l’entrepreneur dans sa démarche d’entreprise, quelle que soit la taille de la structure". De ce point de vue, le rapport constate que les politiques publiques n’ont pas été "à la hauteur de ces enjeux".

Les auteurs du rapport estiment cependant qu’au regard des orientations budgétaires de 2015, la collectivité "a commencé à réagir" avec une redéfinition du "champ d’intervention des pouvoirs publics". Ils insistent sur la nécessité de traduire dorénavant l’effort d’aide "en actions, en allocations de moyens, tout en mettant en place les structures objectives d’évaluation des politiques publiques qui font encore défaut".

La CTC recommande en conséquence au Pays, pour remédier à tout cela, de se doter des moyens de contrôle et d’évaluation de la performance de l’aide publique, tout en redéfinissant le périmètre du secteur des entreprises publiques. Il propose en outre à la collectivité de donner les moyens à la DGAE de devenir un observatoire économique et d’analyse stratégique à la disposition de l’exécutif.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 23 Septembre 2015 à 11:48 | Lu 692 fois