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Affaire Pater : une arnaque à 59 millions, maladie mentale évoquée


(Photo d'archive) Georges Pater lors d’un de ses précédents procès.
(Photo d'archive) Georges Pater lors d’un de ses précédents procès.
PAPEETE, le 22 avril 2014 – Georges Pater devait être jugé ce mardi pour une série d’arnaques totalisant 59 millions de francs cfp, mais les juges se sont laissé convaincre par l’avocate du prévenu qu'il y avait des doutes sur la santé mentale de son client. Ils ont demandé un renvoi en attendant une expertise psychiatrique.

Georges Pater est un magouilleur prolifique qui accumule les condamnations et les procès en attente. L’affaire qui devait être jugée ce mardi date de 2009 mais a déjà été reportée à deux reprises, la dernière fois parce que Georges Pater avait changé d’avocat.

Maitre Wafa Ayed
Maitre Wafa Ayed
Son nouveau conseil, Maitre Wafa Ayed, a cependant demandé un troisième renvoi qui a été accepté par les juges du tribunal correctionnel. «J’ai demandé le renvoi pour réaliser une expertise psychiatrique de manière à déterminer si oui ou non il a sa pleine capacité et s’il n’y avait pas d’altération de son discernement » explique l’avocate. Deux précédentes expertises, demandées par le juge d’instruction et le juge d’application des peines, avaient fait état d’une personnalité psychopathique dans le premier cas et de tendances paranoïaques dans le deuxième cas. La seconde expertise concluait même que le prévenu n’était qu’au début d’un processus qui l’amènerait à évoluer «vers une personnalité paranoïaque délirante.»

« A force de discuter avec mon client j’ai acquis la conviction qu’il y avait un problème, mais lui-même ne l’admet pas. Ce n’est pas une stratégie de ma part, je regarde ce que me dit mon client, ses incohérences, son dossier médical. Ces éléments ne peuvent pas me laisser de doutes sur le fait qu’il ait un problème d’ordre psychiatrique. » Georges Pater n'aurait qu'à peine touché aux fruits de son larcin, sur les 59 millions il n'en avait encaissé que 24, et même sur cette somme seule une petit partie a été dépensée.

Si l’expertise trouve effectivement des troubles, Georges Pater pourrait être déclaré pénalement irresponsable et condamné à un suivi psychiatrique au lieu d’une peine de prison. « Mais les victimes se voient préserver leur droit à indemnisation. Cette démarche n’est pas faite pour laisser les victimes sur le carreau. »

Il promettait des rendements de 400% en quelques mois

L’affaire montre bien comment des baratineurs habiles arrivent à abuser de la crédulité des gens. Georges Pater aurait, selon les éléments de l’enquête, réussi à convaincre ses victimes de sa qualité de courtier mandaté par la Citibank, papier à en-tête falsifiés et autres documents à l'appui. Il leur proposait des montages financiers complexes qui devaient multiplier en quelques mois leurs investissements. A une de ses victimes qui lui avait confié de 10 millions de francs cfp il promettait un retour de 50 millions de francs cfp six mois plus tard. Son imagination très fertile allait de projets de location de containers à la construction de garderies… Qui ne sont jamais sortis de terre.

Une victime de Georges Pater nous raconte : « Au début il m’avait contacté pour faire un projet sur mon terrain, il voulait y installer des containers et les louer. Ensuite il m’a demandé de verser des sous, deux millions et quelques au début, et ensuite trois millions… Il avait l’air honnête, il avait les papiers, j’ai payé. J’ai attendu presque un an avant de porter plainte. Quand je l’appelais il organisait des réunions, il me montrait les schémas… Mais au final on a vu avec la Chambre de Commerce qu’il n’avait pas de patente. La Chambre nous a dit de porter plainte. Si je devais donner un conseil aux gens, c’est de toujours vérifier les papiers et de ne pas trop faire confiance aux gens. Il m’a pris toutes mes économies, mais je vais voir avec mon avocat pour essayer d’en récupérer un peu. » Pour lui, ce renvoi est une insulte aux victimes : « Il n’est pas malade, il le fait exprès. A chaque fois qu’il sort de prison, il recommence ! »

La justice a prévenu une deuxième personne avec Georges Pater. Si le juge d’instruction et le procureur sont convaincus de sa culpabilité, son avocat et certaines des parties civiles le considèrent comme une victime de plus. Me Jordaine explique ainsi que son client « a été victime également de M. Pater qui l’a engouffré dans son aventure. Il a cru aux histoires de M. Pater puisqu’il a lui-même investi de l’argent de manière personnelle. Mais il s’est fait escroqué, et il a été «i[embauché» par M. Pater pour aller faire un travail sur le terrain, mesurer des parcelles. Mais il était de bonne foi.]i » Une opinion que partage au moins une des victimes, qui a qualifié S.V. de « mec bien ».

Le procès aura finalement lieu le 9 septembre.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 22 Avril 2014 à 13:55 | Lu 3849 fois