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Affaire Boiron : “Les prévenus ont cru que la justice ne passerait pas”


Affaire Boiron : “Les prévenus ont cru que la justice ne passerait pas”
PAPEETE, le 19 septembre 2019 - Les demandes de remise en liberté de Thierry Barbion, Sabine Boiron et Marc Ramel ont été étudiées par la cour d’appel hier après-midi. Condamnés le 29 août dernier à des peines de prison ferme, les trois prévenus avaient tous été incarcérés. La cour d’appel, qui rejugera le dossier sur le fond à la fin du mois de janvier, rendra sa décision lundi à 8h30.

Moins d’un mois après le procès en premier instance de l’affaire Boiron, la cour d’appel s’est penchée jeudi sur les demandes de remise en liberté de ses principaux protagonistes, l’homme d’affaires Thierry Barbion, son ancienne maîtresse, Sabine Boiron et l’ex-propriétaire du Ute Ute, Marc Ramel. Le 29 août dernier, ces trois prévenus avaient tous été condamnés à des peines de prison ferme assorties de deux mandats de dépôt et d’un mandat d’arrêt.

Sabine Boiron, poursuivie pour avoir prostitué des mineures et leur avoir fourni de l’ice, avait été condamnée à sept ans de prison ferme. Son ancien amant, Thierry Barbion, auquel il était reproché d’avoir eu trois rapports sexuels tarifés avec une adolescente de 17 ans, avait écopé de quatre ans de prison ferme. Deux mandats de dépôt avaient été décernés à leur encontre lors du délibéré. En son absence, Marc Ramel avait quant à lui été condamné à la même peine que Thierry Barbion. Il avait été interpellé deux jours après le procès alors qu’il revenait de l’étranger.

Sabine Boiron invoque de nouveau son addiction à l’ice

Ces trois mis en cause avaient immédiatement formulé des demandes de remise en liberté qui ont été étudiées par la cour d’appel jeudi en présence des intéressés.

Première à prendre la parole, Sabine Boiron, a, tout comme lors du procès en première instance, invoqué son addiction à l’ice. A l’époque des faits, elle n’avait “personne” et a rencontré Thierry Barbion. Elle est alors tombée dans un engrenage : “J’ai enchaîné les soirées. Le champagne coulait à flots et j’étais dans un tel état de souffrance !”, a-t-elle déclaré jeudi avant que la présidente de la cour d’appel ne l’interroge : “Vous étiez peut-être addict à l’ice mais pourquoi faire tomber les autres avec vous ? Vous dites que vous étiez faible mais dans ce dossier, tout le monde utilise le terme de mère maquerelle pour vous qualifier”. Face à cette incisivité, Sabine Boiron conserve son axe de défense initial en indiquant qu’elle avait “protégé” les mineures. Ultime commentaire de la présidente de la cour d’appel : “Dans votre conception, protéger une mineure, c’est la conduire dans une chambre d’hôtel pour qu’elle attende ses clients ?”

Pour l’avocat de l’institutrice, Me Des Arcis, Sabine Boiron s’est totalement réinsérée depuis les faits qui ont eu lieu en 2012. La quadragénaire a eu un autre enfant, elle s’est installée à Rangiroa où elle tient un institut d’esthétique et a même suivi des “cours de bien-être”. Elle est surtout, du fait de son placement en détention provisoire, séparée de sa petite fille et paye ainsi “une partie de sa vie dont elle n’est pas responsable”.

Pression sur les témoins

Pour convaincre à son tour la cour de le remettre en liberté, Thierry Barbion assure qu’il attend le procès en appel avec impatience car il souhaite “vraiment s’expliquer”. L’avocat général, qui tout comme pour Sabine Boiron, requiert le maintien en détention de l’homme d’affaires, évoque l’ancienneté des faits : “Cela fait sept ans, ils ont cru que la justice ne passerait pas. Comme si le temps pouvait effacer les responsabilités. Eh bien, non ! Un jour, il faut passer à la caisse, il faut payer.” Pour le parquet, la remise en liberté de Thierry Barbion exposerait notamment les témoins à des pressions. Et l’homme d’affaires a des activités qui lui permettent de “parcourir le monde” et donc de fuir.

La défense du promoteur est assurée par Mes Quinquis et Eftimie-Spitz qui, dans leur rôle, fustigent tout d’abord la presse qui dit “tout et n’importe quoi”, ces articles de journaux qui ont fait “beaucoup de mal” à leur client.

"Costume de fugitif"

A l’aune de sa plaidoirie, le bâtonnier François Quinquis rappelle que Thierry Barbion a été très lourdement condamné en première instance alors qu’il était primo délinquant : “Pourquoi la détention provisoire qui ne se justifiait pas en 2012 se justifierait-elle pas aujourd’hui ?” Sur les risques de fuite, l’avocat affirme que l’on ne peut “raisonnablement pas habiller son client” du “costume de fugitif”. “En première instance, le tribunal s’est peut-être dit qu’en décernant un mandat de dépôt, il s’assurait que M. Barbion passe quelque temps en prison mais je suis sûr qu’avec sa sagesse, la cour d’appel réformera la décision en janvier”, commente-t-il avant de laisser la parole à Me Eftimie Spitz.

“En première instance, le parquet n’avait pas requis de prison ferme et aujourd’hui, l’avocat général demande le maintien en détention”, attaque l’avocate en évoquant un dossier “dérangeant” dans lequel on se “bat contre des fantômes, contre des gens qui ne sont pas là et qui ont dit tout et n’importe quoi”. “Il y a le personnage public des réseaux sociaux et il y a la personne : Thierry Barbion, depuis le drame qui est arrivé à sa femme, est à la fois le père et la mère de leurs quatre enfants”. Pour conclure l’avocate appelle la cour à respecter les quatre “valeurs cardinales” : “La tempérance, la prudence, la force d’âme et la justice”.

La cour d’appel rendra sa décision lundi matin à 8h30.


Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 19 Septembre 2019 à 19:16 | Lu 8886 fois