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A Tetiaroa, les performances du Swac validées par la science


Tahiti, le 5 mai 2021 – Les premiers résultats d’un projet de recherche mené par le laboratoire Gepasud de l’UPF à l’hôtel The Brando à Tetiaroa font état d’un “écart monstrueux” entre les performances énergétiques d’un Swac et les systèmes de refroidissement conventionnels.

Le nombre de climatiseurs dans le monde devrait passer de 1,6 à 5,6 milliards d'unités en 2050 selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Une demande en refroidissement multipliée par trois qui illustre “l'un des angles morts les plus critiques du débat actuel sur l'énergie” a même mis en garde le directeur exécutif de l'agence, Fatih Birol.

Vu du fenua, l’évolution est suffisamment “inquiétante“ pour justifier le projet Copswac porté par le laboratoire de Géosciences du Pacifique Sud (Gepasud) de l’UPF sur le Swac de l’hôtel The Brando, à Tetiaroa. En collaboration avec le complexe haut de gamme, le dispositif entend apporter une “preuve de concept”, soit “démontrer les performances énergétiques de cette technologie face à celles des modèles dits conventionnels”.

D’autant que “les études de l’AIE n’intègrent pas cette solution comme quelque chose d’exploitable, déplore Franck Lucas, enseignant chercheur en génie des procédés à Gepasud. On mise toujours sur des solutions très conventionnelles”. C’est qu’aucune étude scientifique à ce jour ne donne les performances du Swac sur la base de mesures expérimentales.

La configuration idéale du fenua

Or, le contexte polynésien s’y prête tout particulièrement. Territoire insulaire, il dispose des seules installations Swac au monde qui fonctionnent en climat tropical et en “configuration d’opération réelle” : celui du Brando à Tetiaroa et celui du CHPF de Taaone, aujourd’hui en chantier. L’occasion idéale de démontrer “de façon scientifique et irréfutable” l’intérêt de cette technologie et pourquoi pas, d’occasionner un rayonnement international. “L’objectif, c’est de montrer qu’on pourrait baisser la consommation sans se priver, voire même satisfaire les besoins de confort des usagers en consommant le moins possible. Si on ne le fait pas, personne ne le fera”, argumente le chercheur, évoquant ainsi une technologie de “rupture”.

Car les premiers résultats sont sans appels à en croire les mesures des capteurs fixés dès février sur les pompes. “Les variables de fonctionnement de l’installation sont mesurées dans le local technique sur la boucle d’eau de mer prélevée dans l’océan et sur la boucle d’eau glacée qui distribue dans tout le bâtiment”, développe le chercheur. Pression, température, débit, puissance électrique : toutes ces données sont acheminées via un câble jusqu’au local de commande.

Avis aux donneurs d’ordre
 
“Ça confirme ce qu’on imaginait. Les performances énergétiques échappent aux limites physiques des cycles thermodynamiques, elles sont bien supérieures aux autres technologies possibles”, poursuit le chercheur. “Ce message devra être porté à la communauté scientifique mais aussi aux donneurs d’ordres qui se posent la question de savoir quelle est la meilleure technologie.”
Encore faut-il que la “bathymétrie” –soit la topographie des fonds marins– si prête. “Plus le réseau de distribution est long, plus il va consommer de l’électricité et plus la performance globale de l’installation va chuter”, indique le spécialiste. Dans le cas contraire, il y a toujours la possibilité d’appliquer une variante au procédé SWAC, avec par exemple un appareil d’appoint ou de stockage. “On étudie aussi les pistes d’optimisation ou les variantes qui permettent d’étendre les limites d’exploitation”. Reste également à consolider ces résultats avec le retour des touristes. Car les premières données ont été récoltées dans les conditions dégradées d’un hôtel fermé tournant au ralenti.

L’affichage en temps réel des valeurs, retransmis au laboratoire de l’UPF, permet aux chercheurs d’analyser la performance du système et d’identifier les améliorations possibles. “En faisant le rapport entre le froid distribué et l’énergie électrique consommée, on a le coefficient de performance qui s’établit en moyenne à 100, mais qui varie entre 20 et plus de 100 en fonction du réseau de distribution”, développe Franck Lucas. A l’inverse, les valeurs d’un système conventionnel plafonnent à 10. Un écart “monstrueux” qu’il s’agit de faire connaître.

Coûts d’investissement dissuasifs

Mais si cette énergie renouvelable est si peu répandue dans le monde, c’est surtout parce qu’elle affiche des coûts d’investissement exorbitants. Mieux vaut être sûr de son amortissement, avant de s’engager. C’est aussi l’objet de cette étude, “de montrer que c’est rentable à terme” reconnaît le chercheur. “A partir des connaissances des performances énergétiques on pourra estimer les performances économiques. Les capteurs pourront faire l’analyse des coûts de fonctionnement, restera à définir l’analyse des coûts d’investissement, et on a des partenaires qui maîtrisent cette approche-là.”

Financé par le Pays et l’Ademe pour un montant de 10 millions de Fcfp, le projet espère pouvoir vanter la contribution du Swac au plan de transition énergétique dans une Polynésie particulièrement dépendante des énergies fossiles, et gourmande en air conditionné. Celle-ci représentant “en moyenne 50% des consommations d’électricité pour les bâtiments de bureaux et 70% pour les salles de classe dans les écoles équipées“ selon l’Observatoire polynésien de l’énergie. Pas de doute pour Franck Lucas, “les conséquences s’annoncent encore plus inquiétantes pour les territoires tropicaux insulaires, avec une surconsommation qu’il faudra compenser par des énergies fossiles“.

Bruno Chevallereau, responsable de projet chez Tahiti Beachcomber SA (TBSA) : “On divise par deux la facture mensuelle”

Aujourd’hui TBSA est convaincu de l’efficacité du Swac ?
“Le premier Swac en service remonte à mars 2006, avant de mettre en place celui de Tetiaroa, qui était une évidence pour des raisons d’acheminement en énergie. Quand le projet de l’UPF s’est présenté, on était convaincu. Et après presque dix ans d’exploitation, c’était nécessaire.”

L’efficacité se ressent sur la facture d’électricité ?
“C’est incomparable. On divise par deux la facture mensuelle par rapport à nos confrères et on s’est même permis d’avoir un froid de confort bien plus important que ce qu’on ferait en temps normal comme climatiser une cuisine par exemple.”

C’est pourquoi vous avez accueillis le projet de l’UPF à bras ouvert ?
“C’est extrêmement intéressant, ils vont nous permettre d’avoir des valeurs bien plus précises, ce qu’on faisait était finalement assez empirique, on se contentait de mesurer les kilowatts injectés dans un bâtiment et les kilowatts froids qui en sortaient. On avait besoin de se faire confirmer par un scientifique des résultats tellement favorables qu’ils en étaient presque pompeux.”

Ce qui va vous permettre d’améliorer votre installation ?
“Ça va nous amener à faire certains réglages, on a déjà échangé avec Gepasud, on va peut-être monter des points de consigne de froid et gagner encore quelques kilowatts.”

L’investissement dans un SWAC reste cependant dissuasif ?
“Il y a quelques années, il fallait y croire. Il est clair que la mise en place de l’installation, pipe y compris, auxquelles s’ajoutent les difficultés maritimes contribuent à des coûts très onéreux, et constituent le plus grand frein à la multiplication de ce type d’équipement.”
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mercredi 5 Mai 2021 à 20:33 | Lu 2615 fois