Tahiti Infos

A Paris, un camping-car amène douche et dignité aux sans-abri


PARIS, 2 août 2014 (AFP) - Tous les mercredi et vendredi, ils l'attendent. Quand le camping-car blanc et bleu de Mobil'douche sillonne les rues parisiennes, les sans-abri savent qu'ils peuvent y grimper pour se laver, se changer ou boire un café.

"L'été, on transpire, on sent la transpiration, c'est important de prendre une douche". Ce mercredi, Brigitte, 40 ans, a quitté sa place devant le supermarché du XIVe arrondissement où elle fait la manche pour entrer dans le camion garé juste à côté.

Une serviette propre, du savon, et elle profite d'un quart d'heure d'intimité. "Ca fait du bien!", s'exclame-t-elle en sortant, ses cheveux courts encore mouillés, un nouveau t-shirt sur le dos.

Depuis un peu plus de deux ans, Mobil'douche s'est fait connaître des SDF du sud de Paris où ce véhicule ambulant vadrouille. L'idée a germé dans la tête de Ranzika Faïd, chargée de mission au ministère du Travail et bénévole auprès des démunis "depuis vingt ans".

"Tout est venu d'une enquête de BVA commandée par Emmaüs. Les SDF listaient leurs attentes, parmi lesquelles: +rester propre+. Ca a été un déclic", explique Mme Faïd, enfant de la Ddass qui a "toujours été sensible à la précarité".

Elle pense d'abord à un bus mais celui-ci se révélant "trop compliqué à adapter", se rabat sur un camping-car acheté sur Leboncoin.fr et qui a été spécialement aménagé. Avec ses 6,50 m de long, il peut se garer au plus près des personnes dans la rue et complète les bains-douches parisiens, fréquentés par 67% des personnes à la rue, selon une enquête du Samu social de Paris publiée en juillet.

Près de 63% des personnes dormant dans la rue prennent une douche plus d'une fois par semaine, d'après cette étude menée fin 2011.

- "Ca nous fait revivre un peu" -

Le 6 mai 2012 à 20h00, au moment où François Hollande devenait président de la République, "Jo", un sans abri parisien étrennait la Mobil'douche, un souvenir "émouvant" pour la présidente de l'association.

Depuis, Mobil'douche a ses habitués, comme Dominique, 50 ans, barbe grise et casquette.

"Quand le camion passe, ça nous fait revivre un peu", parce que la rue, "c'est très dur quand même", confie-t-il. Certes, il peut aussi se laver "à la dure, avec des bouteilles d'eau" ou fréquenter des structures d'accueil. Mais pour cet homme amputé au genou et muni d'une prothèse, se déplacer n'est pas évident.

"Allez Dom, c'est parti!", l'encourage un copain de galère, tandis que le SDF gravit les marches du camping-car, aidé par un salarié de l'association. Dans la cabine, un siège est installé pour lui permettre de se laver avec plus de facilité. "ça me rend immensément service", résume-t-il. "On reste propre, on reste digne. C'est ça le plus important, c'est rester digne".

Tristan, bénévole pour Mobil'douche, en sait quelque chose. A 24 ans, il a passé huit ans dans la rue. La saleté "ça met un frein au rapport social", explique-t-il. "Moi personnellement, quand je sens fort, j'ai pas envie d'aller voir les gens par exemple" et réciproquement: "Les gens ont peur des maladies".

Même si certains sans-abri ont besoin de plusieurs mois avant de franchir la porte du camping-car pour se laver, "le fait de retrouver cette dignité, ça leur fait du bien, psychologiquement et physiquement", constate le jeune homme.

"On a permis à des gens de retrouver la force de se soigner. Pour ceux qui travaillent, ça leur permet de rester discret, de garder leur emploi. Certains ont retrouvé la force de contacter leur famille", raconte Mme Faïd. "Pour d'autres, le désir renaît. Ils se sont mis en couple. Ils se sentaient de nouveau présentables et se sont dit: c'est possible pour moi aujourd'hui."

Rédigé par () le Samedi 2 Août 2014 à 06:41 | Lu 270 fois