Le naufrage de l’Antelope vu à travers une illustration de l’époque. La goélette avait visité l’Amérique du Sud, la Nouvelle-Guinée, les Philippines et Macao avant de se faire drosser sur un récif de l’île d’Ulong aux Palaos, le 10 août 1783.
Tahiti, le 30 juillet 2021 - Dans les années 1830, en France, on désignait l’archipel des Palaos, en Micronésie, sous le nom de Péliou (Pelew Islands en Anglais). Dans la nuit du 10 août 1783, une goélette de trois cents tonneaux, l’Antelope, battant pavillon britannique, s’éventra sur des récifs de Ulong, près de l’île de Koror, dans l’archipel des Palaos. Pour le capitaine Henri Wilson, ce fut la fin de son voyage exploratoire et commercial pour le compte de l’United East India Company et le début d’une singulière aventure de trois mois au cœur d’une tribu indigène loin d’être hostile. Avec le recul, les historiens considèrent même que ce naufrage et ce qui s’en suivit pendant plusieurs mois contribuèrent à modifier la société micronésienne d’alors...
L’Antelope était parti de Macao le 21 juillet 1783 pour un voyage certes d’exploration, mais également pour remplir ses cales de marchandises, notamment d’holothuries (les fameuses “bêches de mer” comme on les appelait à l’époque). Cette année-là, Grande-Bretagne et Hollande étaient en guerre (pour la quatrième fois !) et les routes directes depuis l’océan Indien vers la Chine étaient interdites aux Anglais. Il fallait donc aux navires battant pavillon de l’Union Jack faire un détour par le sud, un “passage oriental” supposé éviter les tempêtes de mousson. A moins de rentrer par le cap Horn...
L’Antelope était parti de Macao le 21 juillet 1783 pour un voyage certes d’exploration, mais également pour remplir ses cales de marchandises, notamment d’holothuries (les fameuses “bêches de mer” comme on les appelait à l’époque). Cette année-là, Grande-Bretagne et Hollande étaient en guerre (pour la quatrième fois !) et les routes directes depuis l’océan Indien vers la Chine étaient interdites aux Anglais. Il fallait donc aux navires battant pavillon de l’Union Jack faire un détour par le sud, un “passage oriental” supposé éviter les tempêtes de mousson. A moins de rentrer par le cap Horn...
Henry Wilson connut son heure de gloire à son retour à Londres, avec le prince Lee Boo qu’il avait amené depuis le royaume de Koror.
La goélette empalée sur le récif
L’Antelope suivit les consignes, plein sud, mais dériva trop à l’est, au point de se retrouver sur la côte nord de la Nouvelle-Guinée. Après une escale de deux jours et un accrochage avec les indigènes près des îles Scouten, Wilson reprit la mer, cap à l’ouest.
A bord, une vingtaine de matelots, seize Chinois, un médecin, un chirurgien, quelques officiers (dont le frère et le fils du capitaine Wilson). On peut le constater à la lecture de ces quelques informations, il ne s’agissait pas d’une barcasse emmenant des beachcombers mais bien d’une expédition officielle fort bien préparée et dotée de moyens en hommes comme en matériels.
Manque de chance, dès le départ de Macao et pendant plus d’un mois, l’équipage eut à lutter contre une météo exécrable et une mer qui l’était tout autant ; d’où cette dérive vers la Nouvelle-Guinée, dérive qu’il fallait corriger.
Alors que les marins espéraient un retour au calme, le 9 août, le temps devint pire encore, le navire ingouvernable, avec pour conséquence de le voir drossé sur les récifs d’une île inconnue dans la nuit du 10 août. Empalé sur un récif, comme coupé en deux, le gaillard d’avant de l’Antelope offrit un refuge à l’équipage. Au matin, le beau temps revint et un marin aperçut une terre. La délivrance certes, mais aussi la crainte de tomber sur des indigènes hostiles...
L’Antelope suivit les consignes, plein sud, mais dériva trop à l’est, au point de se retrouver sur la côte nord de la Nouvelle-Guinée. Après une escale de deux jours et un accrochage avec les indigènes près des îles Scouten, Wilson reprit la mer, cap à l’ouest.
A bord, une vingtaine de matelots, seize Chinois, un médecin, un chirurgien, quelques officiers (dont le frère et le fils du capitaine Wilson). On peut le constater à la lecture de ces quelques informations, il ne s’agissait pas d’une barcasse emmenant des beachcombers mais bien d’une expédition officielle fort bien préparée et dotée de moyens en hommes comme en matériels.
Manque de chance, dès le départ de Macao et pendant plus d’un mois, l’équipage eut à lutter contre une météo exécrable et une mer qui l’était tout autant ; d’où cette dérive vers la Nouvelle-Guinée, dérive qu’il fallait corriger.
Alors que les marins espéraient un retour au calme, le 9 août, le temps devint pire encore, le navire ingouvernable, avec pour conséquence de le voir drossé sur les récifs d’une île inconnue dans la nuit du 10 août. Empalé sur un récif, comme coupé en deux, le gaillard d’avant de l’Antelope offrit un refuge à l’équipage. Au matin, le beau temps revint et un marin aperçut une terre. La délivrance certes, mais aussi la crainte de tomber sur des indigènes hostiles...
Tout en participant aux batailles contre les ennemis du roi de Koror, Wilson mit très vite en chantier une plus petite goélette à partir de l’épave de l’Antelope.
Accueil plus que cordial
Pas le temps de se poser mille questions, il fallait sauver ce qui pouvait l’être grâce aux chaloupes qui amenèrent à terre les armes, la poudre, les balles, des vivres, des voiles, du bois, tout ce qui pouvait être utile à des naufragés pour tenter de survivre. Matthias Wilson, le frère du capitaine, fut envoyé le premier à terre afin de reconnaître les lieux. Il n’y avait pas âme qui vive, le transbordement des hommes et de leur équipement pouvait commencer, d’autant qu’une petite plage accueillante et abritée s’offrait aux rescapés.
Après une bonne nuit de repos, le capitaine retourna à son navire afin de voir s’il pouvait, d’une manière ou d’une autre, le remettre à flot. Il en conclut que c’était possible, mais au terme de lourds et longs travaux.
Pendant ce temps, à terre, grande panique : les matelots chargés de trouver de l’eau douce avaient repéré “des Noirs dans plusieurs chaloupes”, en réalité des Micronésiens à la peau ambrée dans deux petites pirogues.
Au grand étonnement de Wilson, à terre, les nouveaux venus enlacèrent les Anglais en leur souhaitant la bienvenue. Du coup, on leur offrit du thé et des gâteaux et c’est ainsi que s’établit le premier contact entre les habitants de l’archipel des Palaos et des Européens.
Un des indigènes parlait malais, comme un des membres d’équipage de l’Antelope, ce qui permit à Wilson de savoir qu’il était sur l’île de Ouroulong (Ulong Island aujourd’hui), partie du royaume du roi de Corror (Koror), Abba-Thoulé.
Deux frères du roi, dont Arra Kouker (nous en reparlerons), se trouvaient parmi les huit indigènes présents et ils invitèrent un officier à se rendre au village du roi dans l’île de Corror afin de fixer les modalités de leur séjour. Ce fut Matthias Wilson qui fut chargé de cette ambassade et qui prit soin de noter le plus de choses possibles concernant la vie et les mœurs de ses hôtes.
Pas le temps de se poser mille questions, il fallait sauver ce qui pouvait l’être grâce aux chaloupes qui amenèrent à terre les armes, la poudre, les balles, des vivres, des voiles, du bois, tout ce qui pouvait être utile à des naufragés pour tenter de survivre. Matthias Wilson, le frère du capitaine, fut envoyé le premier à terre afin de reconnaître les lieux. Il n’y avait pas âme qui vive, le transbordement des hommes et de leur équipement pouvait commencer, d’autant qu’une petite plage accueillante et abritée s’offrait aux rescapés.
Après une bonne nuit de repos, le capitaine retourna à son navire afin de voir s’il pouvait, d’une manière ou d’une autre, le remettre à flot. Il en conclut que c’était possible, mais au terme de lourds et longs travaux.
Pendant ce temps, à terre, grande panique : les matelots chargés de trouver de l’eau douce avaient repéré “des Noirs dans plusieurs chaloupes”, en réalité des Micronésiens à la peau ambrée dans deux petites pirogues.
Au grand étonnement de Wilson, à terre, les nouveaux venus enlacèrent les Anglais en leur souhaitant la bienvenue. Du coup, on leur offrit du thé et des gâteaux et c’est ainsi que s’établit le premier contact entre les habitants de l’archipel des Palaos et des Européens.
Un des indigènes parlait malais, comme un des membres d’équipage de l’Antelope, ce qui permit à Wilson de savoir qu’il était sur l’île de Ouroulong (Ulong Island aujourd’hui), partie du royaume du roi de Corror (Koror), Abba-Thoulé.
Deux frères du roi, dont Arra Kouker (nous en reparlerons), se trouvaient parmi les huit indigènes présents et ils invitèrent un officier à se rendre au village du roi dans l’île de Corror afin de fixer les modalités de leur séjour. Ce fut Matthias Wilson qui fut chargé de cette ambassade et qui prit soin de noter le plus de choses possibles concernant la vie et les mœurs de ses hôtes.
Un portrait du roi Abba-Thoulé, qui régnait sur l’archipel de Koror et qui sut admirablement tirer parti de la présence des Anglais.
Fraternisation désintéressée ?
Nous ne nous étendrons pas sur la réception des Anglais par le roi local Abba-Thoulé (identifié aujourd’hui sous le nom d’Ibedul), portant le titre de rupak. Lui seul portait une hache de fer qu’il avait obtenu du Malais qu’une désertion ou un naufrage avait amené sur l’île.
L’harmonie régna très vite entre les deux groupes, les Micronésiens n’hésitant pas à prêter main forte aux Britanniques qui avaient décidé de réparer complètement leur navire afin de le remettre à l’eau et de pouvoir ainsi poursuivre leur route. Était-ce une fraternisation désintéressée ? Était-ce, au contraire, une attitude calculée de la part des chefs ? Nous penchons pour cette hypothèse, compte tenu de la suite des événements, à savoir quatre “guerres” gagnées par Abba-Thoulé grâce à l’aide des Britanniques disposant d’armes à feu.
Les trois mois de séjour des naufragés, au vu des conflits au sein desquels ils jouèrent un rôle majeur, furent en effet bien remplis : Raa-Kouk, frère du roi, et Li Bou (appelé aujourd’hui Lee Boo), son fils, après trois ou quatre semaines de présence étrangère, se rendirent auprès du capitaine Wilson pour lui expliquer qu’ils allaient entrer en guerre contre leurs voisins et qu’au titre de leur amitié et de l’hospitalité qu’ils avaient reçus, ils souhaitaient que Wilson leur prête quatre de ses hommes armés pour aller affronter leurs rivaux.
Dans l’histoire du Pacifique et de sa découverte, très rares sont les capitaines ayant décidé de participer à des guerres locales, mais Wilson n’était pas en position de force et décida non pas de fournir quatre homes, mais cinq, avec son frère Matthias à leur tête. La première “guerre” contre l’île ou la cité d’Artingall ne dura pas longtemps : deux flottilles de pirogues se firent face et bien entendu, les ennemis d’en face ignoraient tout de la présence de Britanniques disposant d’armes autrement plus efficaces que des lances ou des frondes.
Nous ne nous étendrons pas sur la réception des Anglais par le roi local Abba-Thoulé (identifié aujourd’hui sous le nom d’Ibedul), portant le titre de rupak. Lui seul portait une hache de fer qu’il avait obtenu du Malais qu’une désertion ou un naufrage avait amené sur l’île.
L’harmonie régna très vite entre les deux groupes, les Micronésiens n’hésitant pas à prêter main forte aux Britanniques qui avaient décidé de réparer complètement leur navire afin de le remettre à l’eau et de pouvoir ainsi poursuivre leur route. Était-ce une fraternisation désintéressée ? Était-ce, au contraire, une attitude calculée de la part des chefs ? Nous penchons pour cette hypothèse, compte tenu de la suite des événements, à savoir quatre “guerres” gagnées par Abba-Thoulé grâce à l’aide des Britanniques disposant d’armes à feu.
Les trois mois de séjour des naufragés, au vu des conflits au sein desquels ils jouèrent un rôle majeur, furent en effet bien remplis : Raa-Kouk, frère du roi, et Li Bou (appelé aujourd’hui Lee Boo), son fils, après trois ou quatre semaines de présence étrangère, se rendirent auprès du capitaine Wilson pour lui expliquer qu’ils allaient entrer en guerre contre leurs voisins et qu’au titre de leur amitié et de l’hospitalité qu’ils avaient reçus, ils souhaitaient que Wilson leur prête quatre de ses hommes armés pour aller affronter leurs rivaux.
Dans l’histoire du Pacifique et de sa découverte, très rares sont les capitaines ayant décidé de participer à des guerres locales, mais Wilson n’était pas en position de force et décida non pas de fournir quatre homes, mais cinq, avec son frère Matthias à leur tête. La première “guerre” contre l’île ou la cité d’Artingall ne dura pas longtemps : deux flottilles de pirogues se firent face et bien entendu, les ennemis d’en face ignoraient tout de la présence de Britanniques disposant d’armes autrement plus efficaces que des lances ou des frondes.
Cette gravure est intéressante car elle montre ce qui fut sans doute la digue d’Artingall avant sa destruction par les forces d’Abba-Thoullé.
Le bruit effroyable des fusils
Après une tentative d’apaisement par le biais de deux ambassades, le face-à-face commença et dès les meurtrières premières décharges de fusils des Anglais, ce fut la consternation et la panique dans les pirogues visées. Les cadavres se multipliaient sans que les hommes ne comprennent pourquoi et comment la mort s’abattait sur eux, sinon à cause du bruit effroyable des fusils. Bien vite mis en déroute, les adversaires d’Abba-Thoulé prirent la fuite à toute rame en emportant les cadavres de leurs guerriers. La première guerre dans laquelle Wilson s’impliqua n’avait pas duré bien longtemps...
Après un retour triomphal dans sa capitale, après des festivités et surtout la tenue d’un grand conseil des anciens, le même Abba-Thoulé, deux jours après sa première victoire, revint vers les Britanniques demandant dix hommes pour retourner achever leurs ennemis.
“Les ennemis de mes amis sont mes ennemis”. Fort de l’adage, Wilson donna son feu vert pour cette seconde expédition tout en demandant quand même, cette fois-ci, pourquoi cet état de conflit. Abba-Thoulé expliqua que lors d’une fête donnée à Artingall, son frère et deux de ses chefs avaient été tués et que les meurtriers avaient été protégés. D’où cette vengeance jugée légitime.
Vers le 10 septembre, Wilson et ses hommes étant retournés à Ouroulong, une ambassade vint demander le renfort promis. Ce fut encore Matthias Wilson qui fut placé à la tête de cette troupe de dix marins et il fit à son retour un récit détaillé de cette nouvelle bataille qui coûta apparemment fort cher en vies humaines. Cette fois-ci, Abba-Thoulé alignait plus de deux cents pirogues pour attaquer Artingall.
Après une tentative d’apaisement par le biais de deux ambassades, le face-à-face commença et dès les meurtrières premières décharges de fusils des Anglais, ce fut la consternation et la panique dans les pirogues visées. Les cadavres se multipliaient sans que les hommes ne comprennent pourquoi et comment la mort s’abattait sur eux, sinon à cause du bruit effroyable des fusils. Bien vite mis en déroute, les adversaires d’Abba-Thoulé prirent la fuite à toute rame en emportant les cadavres de leurs guerriers. La première guerre dans laquelle Wilson s’impliqua n’avait pas duré bien longtemps...
Après un retour triomphal dans sa capitale, après des festivités et surtout la tenue d’un grand conseil des anciens, le même Abba-Thoulé, deux jours après sa première victoire, revint vers les Britanniques demandant dix hommes pour retourner achever leurs ennemis.
“Les ennemis de mes amis sont mes ennemis”. Fort de l’adage, Wilson donna son feu vert pour cette seconde expédition tout en demandant quand même, cette fois-ci, pourquoi cet état de conflit. Abba-Thoulé expliqua que lors d’une fête donnée à Artingall, son frère et deux de ses chefs avaient été tués et que les meurtriers avaient été protégés. D’où cette vengeance jugée légitime.
Vers le 10 septembre, Wilson et ses hommes étant retournés à Ouroulong, une ambassade vint demander le renfort promis. Ce fut encore Matthias Wilson qui fut placé à la tête de cette troupe de dix marins et il fit à son retour un récit détaillé de cette nouvelle bataille qui coûta apparemment fort cher en vies humaines. Cette fois-ci, Abba-Thoulé alignait plus de deux cents pirogues pour attaquer Artingall.
Un bain de sang de deux heures
Là encore, deux ambassades se rencontrèrent pour tenter d’éviter le conflit mais les guerriers d’Artingall ne voulurent céder sur aucun point. Au son de la conque, les flottilles s’avancèrent l’une en face de l’autre, chaque rupak disposant, bien caché, d’un Anglais dans sa pirogue. Au terme d’une manœuvre, Abba-Thoulé (qui avait fait semblant de fuir pour inciter ses adversaires à se détacher du rivage) réussit à prendre en tenaille les forces adverses qui ne pouvaient plus reculer. Et dès que le face-à-face s’engagea, les Britanniques ouvrirent le feu “et tuèrent beaucoup de monde” nous dit Matthias Wilson. Encore une fois, les vaincus ne comprenaient pas de quoi mourraient leurs hommes les plus braves, puisqu’ils voyaient certes des trous dans le corps des tués, mais aucun trait, aucune flèche, aucun javelot. Le massacre fut important et finalement, les vaincus purent rejoindre vaille que vaille les plages d’Artingall alors que les troupes d’Abba-Thoulé s’emparaient lors de cette fuite de six pirogues appartenant à leurs adversaires et de neuf prisonniers.
Le choc fut violent, le bilan terrible, mais cette seconde guerre ne dura pas plus de deux heures. Après une démonstration de force autour d’Artingall, Abba-Thoulé regagna son île de Péliou où il fit mettre à mort ses prisonniers, malgré les protestations des Britanniques désireux d’éviter ce nouveau bain de sang.
Fort de ce deuxième succès, Abba-Thoulé ne fut pas long à réclamer une nouvelle fois l’aide des Anglais cette fois-ci pour soumettre complètement Artingall.
Là encore, deux ambassades se rencontrèrent pour tenter d’éviter le conflit mais les guerriers d’Artingall ne voulurent céder sur aucun point. Au son de la conque, les flottilles s’avancèrent l’une en face de l’autre, chaque rupak disposant, bien caché, d’un Anglais dans sa pirogue. Au terme d’une manœuvre, Abba-Thoulé (qui avait fait semblant de fuir pour inciter ses adversaires à se détacher du rivage) réussit à prendre en tenaille les forces adverses qui ne pouvaient plus reculer. Et dès que le face-à-face s’engagea, les Britanniques ouvrirent le feu “et tuèrent beaucoup de monde” nous dit Matthias Wilson. Encore une fois, les vaincus ne comprenaient pas de quoi mourraient leurs hommes les plus braves, puisqu’ils voyaient certes des trous dans le corps des tués, mais aucun trait, aucune flèche, aucun javelot. Le massacre fut important et finalement, les vaincus purent rejoindre vaille que vaille les plages d’Artingall alors que les troupes d’Abba-Thoulé s’emparaient lors de cette fuite de six pirogues appartenant à leurs adversaires et de neuf prisonniers.
Le choc fut violent, le bilan terrible, mais cette seconde guerre ne dura pas plus de deux heures. Après une démonstration de force autour d’Artingall, Abba-Thoulé regagna son île de Péliou où il fit mettre à mort ses prisonniers, malgré les protestations des Britanniques désireux d’éviter ce nouveau bain de sang.
Fort de ce deuxième succès, Abba-Thoulé ne fut pas long à réclamer une nouvelle fois l’aide des Anglais cette fois-ci pour soumettre complètement Artingall.
Plus de dix mille soldats japonais furent tués à Péléliou (Peleliu), l’île qui, au début du XIXe siècle, s’était rendue sans combattre au roi de Koror.
15 hommes armés du tonnerre
Pour cette troisième campagne, le roi demanda quinze hommes “armés du tonnerre” et un pierrier. Wilson accepta à la condition que si prisonniers il y avait, ils lui fussent livrés et non pas mis à mort. Cette fois-ci, la flotte qui partit de Péliou était encore plus importante mais du côté d’Artingall, aucun canot ne fut mis à l’eau. Les généraux Raa-Khouk et Arra-Kouker débarquèrent, le roi demeurant sur sa pirogue pour coordonner l’attaque.
Cette fois-ci, ce furent les cases, transformées en fortins, qui firent les frais des agresseurs ; ceux-ci parvinrent à les incendier et les Britanniques de leur côté, grâce à un feu nourri tuèrent “un très grand nombre” d’adversaires, de leur propre aveu. Artingall perdit les six pirogues laissées à terre, des cases importantes et surtout une sorte de digue. En prime, les vainqueurs emportèrent à Péliou la pierre plate sacrée sur laquelle le roi d’Artingall tenait conseil. Si le bilan humain fut très lourd côté assaillis, les assaillants de leur côté perdirent au moins deux hommes dont le fils du général Raa-Kouk et un autre valeureux chef ; sans compter quarante à cinquante blessés dont plusieurs moururent peu de jours après leur retour à Péliou.
Du côté des naufragés qui n’étaient pas engagés dans ces conflits, on travaillait d’arrache-pied pour remettre à flot le bateau et Abba-Thoulé, qui se tenait informé savait qu’il ne disposerait pas de ces troupes britanniques ad vitam aeternam. A peine l’île d’Artingall soumise que le roi se mit en tête d’aller combattre d’autres rivaux, ceux de l’île de Péléliou. Abba-Thoulé exigeait, semble-t-il, que les chefs de cette île lui restituent deux Malais qu’ils lui auraient volés après le naufrage de leur bateau (Abba-Thoulé en avait déjà un parmi ses troupes). Il s’agissait là d’une grande expédition et pour ce faire, trois cents pirogues furent mobilisées, organisées en trois divisions. Wilson, qui voulait achever son chantier et repartir au plus vite, fournit à nouveau un contingent d’hommes armés qui partirent de leur camp le 27 octobre pour en revenir le 31, mission accomplie.
Pour cette troisième campagne, le roi demanda quinze hommes “armés du tonnerre” et un pierrier. Wilson accepta à la condition que si prisonniers il y avait, ils lui fussent livrés et non pas mis à mort. Cette fois-ci, la flotte qui partit de Péliou était encore plus importante mais du côté d’Artingall, aucun canot ne fut mis à l’eau. Les généraux Raa-Khouk et Arra-Kouker débarquèrent, le roi demeurant sur sa pirogue pour coordonner l’attaque.
Cette fois-ci, ce furent les cases, transformées en fortins, qui firent les frais des agresseurs ; ceux-ci parvinrent à les incendier et les Britanniques de leur côté, grâce à un feu nourri tuèrent “un très grand nombre” d’adversaires, de leur propre aveu. Artingall perdit les six pirogues laissées à terre, des cases importantes et surtout une sorte de digue. En prime, les vainqueurs emportèrent à Péliou la pierre plate sacrée sur laquelle le roi d’Artingall tenait conseil. Si le bilan humain fut très lourd côté assaillis, les assaillants de leur côté perdirent au moins deux hommes dont le fils du général Raa-Kouk et un autre valeureux chef ; sans compter quarante à cinquante blessés dont plusieurs moururent peu de jours après leur retour à Péliou.
Du côté des naufragés qui n’étaient pas engagés dans ces conflits, on travaillait d’arrache-pied pour remettre à flot le bateau et Abba-Thoulé, qui se tenait informé savait qu’il ne disposerait pas de ces troupes britanniques ad vitam aeternam. A peine l’île d’Artingall soumise que le roi se mit en tête d’aller combattre d’autres rivaux, ceux de l’île de Péléliou. Abba-Thoulé exigeait, semble-t-il, que les chefs de cette île lui restituent deux Malais qu’ils lui auraient volés après le naufrage de leur bateau (Abba-Thoulé en avait déjà un parmi ses troupes). Il s’agissait là d’une grande expédition et pour ce faire, trois cents pirogues furent mobilisées, organisées en trois divisions. Wilson, qui voulait achever son chantier et repartir au plus vite, fournit à nouveau un contingent d’hommes armés qui partirent de leur camp le 27 octobre pour en revenir le 31, mission accomplie.
Un massacre cette fois évité
Une île proche de Péléliou fut la première cible ; ses habitants avaient eu le temps de l’évacuer avant l’arrivée des attaquants ; ceux-ci brûlèrent les cases, ravagèrent les plantations d’ignames et coupèrent un grand nombre de cocotiers. Le surlendemain, deux rupaks de Péléliou vinrent à la rencontre des troupes ennemies qui avaient installé leur camp sur une petite île déserte. Ils revinrent avec trois chefs de Péléliou qui parlementèrent longuement avec Abba-Thoulé. Il faut croire que le pillage de la première île et la présence de renforts étrangers fit forte impression puisque cette fois-ci, la paix fut conclue sans effusion de sang, les chefs de Péléliou acceptant les conditions de ceux de Péliou. Arra-Kouker, avec un fort contingent, se rendit le lendemain à Péléliou pour entériner cette paix.
Il se trouve que lorsque Abba-Thoulé revint à Péliou, il était accompagné du grand chef de Péléliou qui se trouvait être son frère. Les Anglais ne comprirent jamais le sens précis de cette démarche dans la mesure où ce chef livra dix femmes à Abba-Thoulé en plus des deux Malais réclamés.
La quatrième guerre dans laquelle les hommes de Wilson se trouvèrent engagés se termina donc par le simple pillage d’une petite île, sans qu’aucun combat n’ait été nécessaire ; il est vrai que la nouvelle des trois expéditions victorieuses d’Abba-Thoulé sur Altingall avait fait le tour de l’archipel et que les gens de Péléliou préférèrent ne pas tenter le diable et les “hommes qui possédaient le tonnerre”…
Une île proche de Péléliou fut la première cible ; ses habitants avaient eu le temps de l’évacuer avant l’arrivée des attaquants ; ceux-ci brûlèrent les cases, ravagèrent les plantations d’ignames et coupèrent un grand nombre de cocotiers. Le surlendemain, deux rupaks de Péléliou vinrent à la rencontre des troupes ennemies qui avaient installé leur camp sur une petite île déserte. Ils revinrent avec trois chefs de Péléliou qui parlementèrent longuement avec Abba-Thoulé. Il faut croire que le pillage de la première île et la présence de renforts étrangers fit forte impression puisque cette fois-ci, la paix fut conclue sans effusion de sang, les chefs de Péléliou acceptant les conditions de ceux de Péliou. Arra-Kouker, avec un fort contingent, se rendit le lendemain à Péléliou pour entériner cette paix.
Il se trouve que lorsque Abba-Thoulé revint à Péliou, il était accompagné du grand chef de Péléliou qui se trouvait être son frère. Les Anglais ne comprirent jamais le sens précis de cette démarche dans la mesure où ce chef livra dix femmes à Abba-Thoulé en plus des deux Malais réclamés.
La quatrième guerre dans laquelle les hommes de Wilson se trouvèrent engagés se termina donc par le simple pillage d’une petite île, sans qu’aucun combat n’ait été nécessaire ; il est vrai que la nouvelle des trois expéditions victorieuses d’Abba-Thoulé sur Altingall avait fait le tour de l’archipel et que les gens de Péléliou préférèrent ne pas tenter le diable et les “hommes qui possédaient le tonnerre”…
Le jeune prince Li-Bou (orthographié Lee-Boo par les Anglais) voulut absolument partir avec Wilson ; Il découvrit les charmes de l’Angleterre mais malheureusement, il mourut de la variole le 27 décembre 1784.
Le fils du roi à Londres
Au terme d’environ trois mois de séjour, les marins de l’Antelope avaient remis en état de naviguer leur goélette et annoncèrent donc à leurs hôtes qu’ils allaient quitter leur île d’Oroulong. Abba-Thoulé, voyant se réaliser ce qu’il craignait le plus, fit tout pour retenir les naufragés. Il leur avait déjà offert Oroulong, il leur décerna de titres de chefs et offrit même à Wilson de devenir le rupak le plus important de son royaume ; celui-ci accepta mais expliqua qu’il ne pouvait malgré tout pas rester. Le 12 novembre 1783, l’Antelupe prenait le large, laissant le pavillon britannique flotter sur Oroulong.
Raa-Kouk et Arra-Kouker, sur leurs pirogues, accompagnèrent le voilier, Wilson offrant à Abba-Thoulé deux fusils et les outils ayant servi à la remise en état de son navire. Le frère du roi, Raa-Kouk, demanda à monter à bord et à partir avec les Anglais ce qu’Abba-Thoulé refusa lui signifiant qu’en cas de décès, c’est lui, Raa-Kouk, qui devenait roi. En revanche, Li Bou, second fils du roi, fit des pieds et des mains pour partir, ce que le roi accepta après bien des hésitations.
Côté Anglais, un seul homme demanda à rester, un marin nommé Maden Blanchart ; Wilson refusa d’abord, puis finit par céder, et par la suite, personne ne sut ce que cet homme était devenu.
Li-Bou, quant à lui, apprit les bases de la langue anglaise durant le long voyage qui le mena d’abord à Macao où il suscita la curiosité puis à Londres où le prince fut logé chez le capitaine. Il adorait monter à cheval et plus encore se promener en calèche où, disait-il, “on marchait assis”.
Au terme d’environ trois mois de séjour, les marins de l’Antelope avaient remis en état de naviguer leur goélette et annoncèrent donc à leurs hôtes qu’ils allaient quitter leur île d’Oroulong. Abba-Thoulé, voyant se réaliser ce qu’il craignait le plus, fit tout pour retenir les naufragés. Il leur avait déjà offert Oroulong, il leur décerna de titres de chefs et offrit même à Wilson de devenir le rupak le plus important de son royaume ; celui-ci accepta mais expliqua qu’il ne pouvait malgré tout pas rester. Le 12 novembre 1783, l’Antelupe prenait le large, laissant le pavillon britannique flotter sur Oroulong.
Raa-Kouk et Arra-Kouker, sur leurs pirogues, accompagnèrent le voilier, Wilson offrant à Abba-Thoulé deux fusils et les outils ayant servi à la remise en état de son navire. Le frère du roi, Raa-Kouk, demanda à monter à bord et à partir avec les Anglais ce qu’Abba-Thoulé refusa lui signifiant qu’en cas de décès, c’est lui, Raa-Kouk, qui devenait roi. En revanche, Li Bou, second fils du roi, fit des pieds et des mains pour partir, ce que le roi accepta après bien des hésitations.
Côté Anglais, un seul homme demanda à rester, un marin nommé Maden Blanchart ; Wilson refusa d’abord, puis finit par céder, et par la suite, personne ne sut ce que cet homme était devenu.
Li-Bou, quant à lui, apprit les bases de la langue anglaise durant le long voyage qui le mena d’abord à Macao où il suscita la curiosité puis à Londres où le prince fut logé chez le capitaine. Il adorait monter à cheval et plus encore se promener en calèche où, disait-il, “on marchait assis”.
Emporté par la variole
Habillé à l’anglaise, mais gardant ses longs cheveux, il suivit des cours dans une école où il apprit à lire et à écrire, annonçant qu’à son retour à Péliou, il ouvrirait lui aussi une école.
Passionné par tout ce qui lui semblait utile, il conservait avec soin graines et noyaux pour tenter d’acclimater ces plantes chez lui à son retour. Malheureusement, la mort le faucha quelques mois après son arrivée : la variole (on parlait alors de la petite vérole) l’emporta le 27 décembre 1784 dans la maison d’Henry Wilson à Paradise Row.
Dans le cimetière de St Mary's, Rotherhithe, se dresse la tombe de Lee Boo, premier insulaire des Palaos à avoir visité la Grande-Bretagne. La tombe et son inscription ont été payées par la Compagnie des Indes orientales la “United East India Company”. Sur l’inscription gravée dans la pierre figure cet hommage au fils du roi qui accueillit si bien les naufragés : “comme témoignage d'estime pour le traitement humain et aimable offert par son père à l'équipage de leur navire l'Antelope, capitaine Wilson, qui a fait naufrage au large de cette île dans la nuit du 9 août 1783”.
Habillé à l’anglaise, mais gardant ses longs cheveux, il suivit des cours dans une école où il apprit à lire et à écrire, annonçant qu’à son retour à Péliou, il ouvrirait lui aussi une école.
Passionné par tout ce qui lui semblait utile, il conservait avec soin graines et noyaux pour tenter d’acclimater ces plantes chez lui à son retour. Malheureusement, la mort le faucha quelques mois après son arrivée : la variole (on parlait alors de la petite vérole) l’emporta le 27 décembre 1784 dans la maison d’Henry Wilson à Paradise Row.
Dans le cimetière de St Mary's, Rotherhithe, se dresse la tombe de Lee Boo, premier insulaire des Palaos à avoir visité la Grande-Bretagne. La tombe et son inscription ont été payées par la Compagnie des Indes orientales la “United East India Company”. Sur l’inscription gravée dans la pierre figure cet hommage au fils du roi qui accueillit si bien les naufragés : “comme témoignage d'estime pour le traitement humain et aimable offert par son père à l'équipage de leur navire l'Antelope, capitaine Wilson, qui a fait naufrage au large de cette île dans la nuit du 9 août 1783”.
Une collection unique
Le British Museum possède une magnifique collection d’objets, comme ce bol en bois incrusté de nacre, en provenance de la collection ramenée par le capitaine Wilson.
Le capitaine Wilson avait vécu une aventure jugée extraordinaire à l’époque, au milieu de “bons sauvages” accueillants, si amicaux qu’il ramena à Londres le fils du roi des Palaos. Mais il ne ramena pas qu’un homme : sur place, Wilson avait récolté un grand nombre d’objets, une collection ethnique aujourd’hui détenue par le British Museum.
De cette épopée à l’autre bout du monde et des récits ramenés par les deux frères Wilson, un auteur inspiré, George Keate, écrivit un ouvrage en 1788 (“An Account of the Pelew Islands, situated in the Western part of the Pacific Ocean), où il mit en exergue le mythe du bon sauvage qu’un dénommé Jean-Jacques Rousseau avait déjà développé en d’autres lieux et d’autres temps…
Le livre connut un très gros succès à tel point qu’entre 1789 et 1850, plus de vingt rééditions en anglais et une douzaine en d’autres langues ont été publiées.
De cette épopée à l’autre bout du monde et des récits ramenés par les deux frères Wilson, un auteur inspiré, George Keate, écrivit un ouvrage en 1788 (“An Account of the Pelew Islands, situated in the Western part of the Pacific Ocean), où il mit en exergue le mythe du bon sauvage qu’un dénommé Jean-Jacques Rousseau avait déjà développé en d’autres lieux et d’autres temps…
Le livre connut un très gros succès à tel point qu’entre 1789 et 1850, plus de vingt rééditions en anglais et une douzaine en d’autres langues ont été publiées.
Des tablettes écrites ?
Les indigènes de Koror savaient-ils lire et écrire ? Au moins leur élite ? En tous les cas, la description de tablettes en bois permettant à un chef d’entonner des chants répétés par ses sujets pose la question. Sur notre illustration, une tablette rongo rongo de l’île de Pâques, officiellement la seule île du vaste Pacifique où une écriture existait.
On sait que la seule écriture reconnue comme telle dans le Pacifique pré Européen est celle de l’île de Pâques, le rongo rongo, proche des hiéroglyphes dans son style. Les anciens Pascuans gravaient des planchettes, voire des bâtons, parfois d’autres objets en bois, en y inscrivant des signes compris d’eux seuls. Depuis, jamais personne n’est parvenu à déchiffrer cette mystérieuse écriture, malgré d’innombrables travaux menés sur ce sujet.
Or, lorsque l’on relit les témoignages de l’aventure des naufragés de l’Antelope, on reste interloqué par une description précise de “lecture” faite par les Micronésiens d’Ulong Island.
Voici ce texte dû à la plume de Matthias Wilson, frère du capitaine de l’Antelope ; c’est lui qui séjourna le premier avec les indigènes de Palau et c’est lui qui consigna les us et coutumes de cette peuplade : “Raa-Kouk (ndlr : frère du roi de Péliou) présenta une ligne, ou plutôt une planchette, que prit un autre rupak (chef) assis à quelque distance. Celui-ci chanta un couplet, accompagné des autres insulaires, excepté de Ra-Kopuk et du jeune prince. Ils répétèrent deux fois le refrain, et les naturels qui étaient dans la tente voisine le répétèrent à leur tour en chœur. Raa-Kouk présenta une autre planchette, avec laquelle ils chantèrent de la même manière et l’on continua ainsi les dix ou douze couplets. Ils se parlaient dans les intervalles, et parurent faire entendre que les chanteurs n’avaient pas bien pris les différents tons”.
Il est donc clair, à la lecture de ces quelques lignes, qu’en Micronésie, sur une île où aucun homme blanc n’avait jamais abordé avant les naufragés de l’Antelope, des indigènes étaient capables de se servir de planchettes pour chanter, des planchettes sur lesquelles, bien évidemment, devaient figurer des signes dont Wilson malheureusement ne dit pas un mot.
Apparemment, ce sont les chefs qui détenaient ces planchettes et qui les “lisaient” pour entonner un couplet ou un refrain que les autres assistants reprenaient en chœur. On se trouve là devant un bien énigmatique comportement des Micronésiens de l’archipel des Palaos qui semblaient se comporter exactement de la même manière que les Pascuans le faisaient, puisque à Rapa Nui, seule une élite savait “lire” les tablettes rongo rongo...
Or, lorsque l’on relit les témoignages de l’aventure des naufragés de l’Antelope, on reste interloqué par une description précise de “lecture” faite par les Micronésiens d’Ulong Island.
Voici ce texte dû à la plume de Matthias Wilson, frère du capitaine de l’Antelope ; c’est lui qui séjourna le premier avec les indigènes de Palau et c’est lui qui consigna les us et coutumes de cette peuplade : “Raa-Kouk (ndlr : frère du roi de Péliou) présenta une ligne, ou plutôt une planchette, que prit un autre rupak (chef) assis à quelque distance. Celui-ci chanta un couplet, accompagné des autres insulaires, excepté de Ra-Kopuk et du jeune prince. Ils répétèrent deux fois le refrain, et les naturels qui étaient dans la tente voisine le répétèrent à leur tour en chœur. Raa-Kouk présenta une autre planchette, avec laquelle ils chantèrent de la même manière et l’on continua ainsi les dix ou douze couplets. Ils se parlaient dans les intervalles, et parurent faire entendre que les chanteurs n’avaient pas bien pris les différents tons”.
Il est donc clair, à la lecture de ces quelques lignes, qu’en Micronésie, sur une île où aucun homme blanc n’avait jamais abordé avant les naufragés de l’Antelope, des indigènes étaient capables de se servir de planchettes pour chanter, des planchettes sur lesquelles, bien évidemment, devaient figurer des signes dont Wilson malheureusement ne dit pas un mot.
Apparemment, ce sont les chefs qui détenaient ces planchettes et qui les “lisaient” pour entonner un couplet ou un refrain que les autres assistants reprenaient en chœur. On se trouve là devant un bien énigmatique comportement des Micronésiens de l’archipel des Palaos qui semblaient se comporter exactement de la même manière que les Pascuans le faisaient, puisque à Rapa Nui, seule une élite savait “lire” les tablettes rongo rongo...
Quelles sont ces îles ?
Dans les récits recueillis une fois Wilson de retour à Londres, il est essentiellement question de cinq îles ou cités, Péliou, Corror, Artingall, Péléliou et Oroulong. Ces noms ne correspondent pas du tout aux appellations modernes, et nous avons eu parfois quelques difficultés à les localiser.
- Péliou : cette appellation francisée désigne l’archipel appelé par les Anglais Pelew, qui devint Palau (sous la domination allemande, puis japonaise), Belau (proche de la prononciation locale) puis enfin Palaos à l’époque moderne. Il s’agit d’une petite république indépendante depuis 1994, située au nord-ouest de la Nouvelle-Guinée. Ce pays est découpé en seize États dispersés sur plusieurs centaines d’îles.
- Corror désigne Koror Islands, un archipel comprenant de nombreuses petites îles et qui est l’un des seize États formant la République des Palaos. Koror mesure 65 km2.
- Oroulong correspond à l’actuelle île d’Ulong, dans l’État de Koror. Elle a été orthographiée Aulong et Oroolong. La petite île est difficile d’accès mais elle a la réputation d’être l’un des plus beaux spots de plongée sous-marine du monde.
- L’île ou la petite cité d’Artingall serait l’actuelle Ngatelngal, possiblement aujourd’hui Melekeok.
- L’île de Péléliou est l’actuelle Peleliu, un des seize États membres de la République des Palaos. L’île principale ne mesure que 13 km2 et elle est peuplée d’environ cinq cents habitants (ce qui est quand même minuscule pour un État…). Peleliu fut le théâtre d’une féroce bataille entre Américains et Japonais durant la Guerre du Pacifique : une boucherie inutile selon beaucoup d’officiers supérieurs : 65 % des soldats américains furent mis hors de combat (1 794 morts, 8 010 blessés), presque tous les soldats nippons furent tués (10 695 morts, 202 furent faits prisonniers).