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À Hao, la vanille paumotu c'est pour bientôt


Hao, le 3 octobre 2022 – Débuté en 2018, le projet du collectif Haoroagai vanilla, de cultiver la vanille à Hao et Amanu, arrive à l'étape de la concrétisation. La semaine dernière, près de 400 lianes sont arrivées sur l’atoll. Le début d'une aventure pour les porteurs de projet qui ambitionnent déjà de produire, à terme, une vanille labélisée.
 
C'est en 2018, lorsque le gouvernement a annoncé qu'il souhaitait doubler la production de vanille sur le territoire, que le collectif Haoroagai vanilla a vu le jour à Hao. À l’époque, Tearii Te Moana Alpha, alors ministre du Développement des ressources primaires, avait lancé une opération de distribution de kits d’ombrières livrés clé en main aux porteurs de projet. Le collectif, composé d'une quinzaine de membres, était très intéressé par la perspective de produire de la vanille et trouver ainsi une alternative au coprah. Après réception de leurs kits, ils se sont lancés dans l'aventure et comptent aujourd’hui sept serres à Hao et trois à Amanu, l’atoll voisin. À noter qu'en parallèle, deux particuliers avaient d’ores et déjà misé sur l'or noir en lançant leur propre exploitation à leurs frais à Hao.
 
Avant d'en arriver là et de lancer le processus, le potentiel de l'atoll pour accueillir des cultures de vanille à grande échelle avait été évalué. Ainsi, une première serre pilote a été mise en place en 2018 par l’établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) Vanille en partenariat avec la commune. Deux ans après, les objectifs fixés ont tous été atteints et les résultats des premières récoltes ont démontré qu’une telle culture était réalisable sous ces latitudes.

De la motivation et des partenaires
 
Au vu des résultats de la serre pilote, des ambitions gouvernementales et de la motivation locale, le collectif, par la voix de son leader Renaud Fleury, a alors lancé, en février 2020, des démarches pour l’obtention de serres de vanille auprès de l’Epic Vanille. Il a également frappé à la porte de services publics tels que la circonscription des Tuamotu-Gambier, le Service de l'emploi, de la formation et de l'insertion professionnelle (Sefi), la Direction de l'agriculture (DAG) et l’Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), partenaires financiers incontournables.
 
En février 2021, Tearii Te Moana Alpha, alors en visite sur l’atoll des Tuamotu, avait rencontré les membres du collectif Haoroagai vanilla et leur avait affirmé son soutien au projet. En juillet, nouvelle étape avec la validation par l’Epic Vanille de dix serres de vanille pour Hao et Amanu. Le Sefi a lui aussi joué un rôle prépondérant via son dispositif d'insertion par la création ou la reprise d'activité (Icra) en validant, en mars dernier, les dossiers de certains des porteurs de projet.
 
400 lianes plantées

Un long chemin parcouru, donc, depuis 2018 pour arriver à un premier aboutissement, la semaine dernière, avec la livraison, le 25 septembre, de près de 400 lianes de la variété dite vanilla tahitensis, escortées par la directrice de l’Epic Vanille Emma Maraea et son directeur technique Hareau Brotherson. Dès le lendemain, les futurs producteurs de vanille du collectif ont été réunis à la mairie du village de Otepa pour une journée de formation articulée autour de deux axes : d'une part, la fabrication d’engrais bio à base de poisson et de produits naturels qui servira à cultiver la vanille, et, d'autre part, la distribution des lianes à chaque producteur ayant bénéficié d’une serre. À cette occasion, une formation personnalisée sur site, sur la manière de planter ces précieuses lianes, leur a été dispensée.

Lire aussi : https://www.tahiti-infos.com/La-vanille-un-espoir-pour-Hao_a206292.html

 

Renaud Fleury, responsable du collectif Haoroagai vanilla : "On a le droit d’avoir de l’ambition pour notre atoll"
 
Pourquoi avez-vous pris le leadership de ce collectif ?
 
"Dans un premier temps, parce qu'il fallait aider les Paumotu dans les démarches administratives, et avec mon activité professionnelle, j’ai acquis pas mal d’aisance dans ce domaine-là. Mais il a fallu tout réunir et c’est surtout cela qui nous a permis de faire aboutir ce projet. On avait laide du Pays, la volonté politique, on avait lAdie, on avait l'Icra, donc il fallait aligner les étoiles et c’était parti ! Ça a été compliqué, il a fallu convaincre le ministre, il a fallu prouver à tous que c’était possible et ils ont tous suivi."
 
Que représente cette arrivée des précieuses lianes de vanille ?
 
"Cest la finalité de linstallation des serres, mais cest surtout le début de la production de la vanille de Hao, (…) On va devenir producteur, Hao sera producteur d’ici trois à quatre ans. Il l’est déjà avec des petits producteurs déjà installés, mais le gros arrive et il faudra compter, à l’avenir, sur Hao."
 
Comment qualifier le parcours jusqu’à présent ?
 
"Très compliqué ! Cest-à-dire que même si on a tous les organismes à disposition qui sont une chance énorme, pour les Tuamotu, cest très, très compliqué. On ne peut pas se déplacer à Tahiti, il faut comprendre les papiers, il y a la lenteur administrative et même s'il y a une volonté politique derrière, ça a été un très, très long combat, mais il ne faut rien lâcher !"
 
Quelle est l’ambition du collectif ?
 
"C'est premièrement de faire en sorte que la vanille pousse. Nous allons également nous réunir prochainement pour faire des engrais bio ensemble. Dans six mois, il y aura les conseillers techniques de l’Epic vanille qui vont nous faire un suivi jusqu’à pratiquement la greffe des premières fleurs et la production des gousses. Aussi, Emma Maraea nous a annoncé hier qu’on aurait une formation de préparateur de vanille d’ici deux ou trois ans. Et la future étape, et non des moindres, c’est de promouvoir. Une fois que notre vanille sera produite, séchée et prête à la vente, il faudra la promouvoir comme il se doit avec une spécificité paumotu. Et on peut même parler de label, même si ça risque de ne pas plaire à tout le monde. On a le droit d’avoir de l’ambition pour notre atoll."
 
 
Ce projet peut-il être un modèle pour d'autres ?
 
"Il faut se regrouper, être une force collective et là, on va vous entendre. Les institutions ne se déplacent pas pour une seule personne, mais ensemble, on peut y arriver. Je voudrais également remercier les trois piliers de cette aventure, à savoir Tearii Alpha, Emma Maraea et Yseult Butcher- Ferry, la tāvana de Hao. Pour finir, je dirais que des projets alternatifs au coprah, il y en a plein aux Tuamotu, il faut s’en donner les moyens. Il n’y a pas que la vanille. Par exemple, le lagon est inexploité, c’est juste aberrant !"

Emma Maraea, directrice de l’Epic vanille : "Au départ, beaucoup n'y croyaient pas"
 
Que pensez-vous de ce projet du collectif Haoroagai ?
 
"C’est une bonne initiative pour Hao, ce sont des personnes qui ont eu une idée ensemble. Ils ont pensé à se regrouper pour être plus fort, car au départ, beaucoup ne croyaient pas en la possibilité que la vanille puisse pousser à Hao. Mais nous, l’établissement Vanille de Tahiti, on a cru en ce projet et c’est d’ailleurs pour cela qu’ils ont obtenu leurs aides. (…) Nous sommes là aujourd’hui pour mettre en place les lianes et dans deux ans, on verra les résultats de ces porteurs de projet. Je remercie d’ailleurs Renaud Fleury qui était à l’initiative avec toutes ces personnes autour de lui et qui ont cru au développement de ce produit phare de la Polynésie et je suis contente d’être là à donner ce savoir-faire aux Paumotu."
 
La serre pilote a-t-elle été déterminante pour la suite ?
 
"Effectivement, il y a quatre ans, nous avons mis en place cette ombrière pilote en partenariat avec la commune, et elle a porté ses fruits. D’une part, parce que c’est déjà la deuxième récolte qui est d’ailleurs très abondante, et d’autre part, car elle a fait des émules puisque deux personnes de l’atoll sont déjà très bien lancées dans cette filière. Elles sont un exemple aujourd’hui pour tous ceux de l’atoll qui vont se lancer dans l’aventure et en particulier nos dix porteurs de projet."
 
Que pensez-vous de l’ambition affichée du collectif de viser un label ?
 
"C'est un très bon objectif puisqu'il y a deux ans, nous avons décidé de prôner une vanille de qualité. Le bio viendra, mais dans la loi du Pays, il est bien stipulé que c’est de la vanille de qualité de Tahiti que l’on va pouvoir exporter et le projet de ce collectif est très bien accueilli par l’établissement Vanille de Tahiti. On les encourage d’ailleurs à montrer l’exemple à tous les agriculteurs qui existent en Polynésie française."

Rédigé par Teraumihi Tane le Lundi 3 Octobre 2022 à 16:16 | Lu 1256 fois