Un portrait du pasteur Chalmers peu avant son tragique décès à Goaribari, où il fut tué et dévoré avec tous ses compagnons.
La petite île de Goaribari, dans le golfe de Papouasie (actuelle Papouasie Nouvelle-Guinée), ne mesure que 47 km2 et quelques mètres carrés supplémentaires de mangroce incertaine, mais elle restera à jamais dans les mémoires à cause des martyrs qui y succombèrent assez tardivement, les faits, d’une rare brutalité, remontant à 1901 seulement.
Dans ce refuge immense, marécageux et très peu accessible, partie intégrante du delta des rivières Omari et Kikori, les visiteurs au tout début du XXe siècle étaient rares dans un environnement il est vrai hostile, celui d'une mangrove à palétuviers. Humidité constante, chaleur poisseuse, insectes piqueurs, fièvres, dysenterie, rien de prédisposait ce bout de terre à être peuplé par des hommes ; c’était pourtant le cas de longue date, les groupes tribaux installés ici (les Kerewo) se protégeant des autres par leur isolement et leur hostilité. Ce qui ne les empêchait pas de se rendre très souvent sur le continent, pour satisfaire à leurs besoins en nourriture, ceux-ci incluant des “cochons longs”, en l'occurrence leurs compatriotes d'autres tribus.
Evidemment, une telle île ne pouvait pas laisser indifférent les missionnaires zélés de l’époque et c'est ainsi que l'un des plus prestigieux d'entre eux, le pasteur James Chalmers, après des décennies passées à évangéliser les coins les plus reculés du vaste océan, tenta, avec l'aide de Dieu pensait-il, d'amener le bonne parole aux Kerewo.
Dans ce refuge immense, marécageux et très peu accessible, partie intégrante du delta des rivières Omari et Kikori, les visiteurs au tout début du XXe siècle étaient rares dans un environnement il est vrai hostile, celui d'une mangrove à palétuviers. Humidité constante, chaleur poisseuse, insectes piqueurs, fièvres, dysenterie, rien de prédisposait ce bout de terre à être peuplé par des hommes ; c’était pourtant le cas de longue date, les groupes tribaux installés ici (les Kerewo) se protégeant des autres par leur isolement et leur hostilité. Ce qui ne les empêchait pas de se rendre très souvent sur le continent, pour satisfaire à leurs besoins en nourriture, ceux-ci incluant des “cochons longs”, en l'occurrence leurs compatriotes d'autres tribus.
Evidemment, une telle île ne pouvait pas laisser indifférent les missionnaires zélés de l’époque et c'est ainsi que l'un des plus prestigieux d'entre eux, le pasteur James Chalmers, après des décennies passées à évangéliser les coins les plus reculés du vaste océan, tenta, avec l'aide de Dieu pensait-il, d'amener le bonne parole aux Kerewo.
La vocation dès l’enfance
Chalmers, né le 4 août 1841 en Ecosse, avait eu un premier contact indirect très jeune avec l'univers du canibalisme : à l'école du dimanche, le catéchisme des protestants, alors qu'il avait passé ses dix ans, le jeune Chalmers écouta un jour religieusement son pasteur, M. Meikle, lisant la lettre d'un missionnaire en poste aux îles Fidji. Dans ce courrier qui avait été publié dans une revue, le missionnaire rendait compte du pouvoir de son ministère de convertir en bons chrétiens des cannibales invétérés. Le pasteur termina sa lecture les larmes aux yeux et lança, en guise de boutade, une phrase dans laquelle, s'adressant à tous les jeunes qui se trouvaient devant lui, il formait le vœu qu'au moins l'un d'entre eux, un jour, suive le chemin de ce missionnaire pour s'en aller, lui aussi, convertir des âmes animistes à la “vraie foi”.
Un conseil qui n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd, James se disant que lui serait justement ce missionnaire lointain dont rêvait son pasteur. D’ailleurs, à la question posée par le pasteur de savoir si dans l’assistance un jeune avait suffisamment la foi pour devenir, lui aussi un missionnaire capable d’aller porter la bonne parole jusqu’à des villages de cannibales, Chalmers fut le seul à lever le doigt et à clamer haut et fort : « moi, oui j’irai, si Dieu le veut ».
Plus tard, il expliqua que cette envie de devenir missionnaire, il l'avait ressentie très jeune et que cet appel avait été plus fort que tout et avait conditionné sa vie d'adulte. L'enfant turbulent, au fil du temps, s'assagit et devint un chrétien actif, engagé dans la vie de sa paroisse ; mais ses parents étaient pauvres et ils n'avaient pas pu lui faire suivre des études dignes de ce nom, rien en tout cas qui eut pu lui permettre de devenir missionnaire.
Un conseil qui n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd, James se disant que lui serait justement ce missionnaire lointain dont rêvait son pasteur. D’ailleurs, à la question posée par le pasteur de savoir si dans l’assistance un jeune avait suffisamment la foi pour devenir, lui aussi un missionnaire capable d’aller porter la bonne parole jusqu’à des villages de cannibales, Chalmers fut le seul à lever le doigt et à clamer haut et fort : « moi, oui j’irai, si Dieu le veut ».
Plus tard, il expliqua que cette envie de devenir missionnaire, il l'avait ressentie très jeune et que cet appel avait été plus fort que tout et avait conditionné sa vie d'adulte. L'enfant turbulent, au fil du temps, s'assagit et devint un chrétien actif, engagé dans la vie de sa paroisse ; mais ses parents étaient pauvres et ils n'avaient pas pu lui faire suivre des études dignes de ce nom, rien en tout cas qui eut pu lui permettre de devenir missionnaire.
Cap sur Sydney en janvier 1866
Grâce à l'aide de son pasteur, il put malgré tout progresser et quand la chance lui fut donnée de commencer des études, il travailla avec un rare acharnement, bien décidé à réussir et à partir ensuite comme missionnaire, au bout du monde. Devenu un colosse, il était certes parfois emporté quand il piquait une grosse colère, mais il avait aussi et surtout de l'énergie à revendre ; et son mariage avec Jane Hercus, le 17 octobre 1865 ne fit que le conforter dans sa vocation. Deux jours après son mariage, Chalmers était ordonné pasteur et le couple ne perdit dès lors pas de temps ; le 4 janvier 1866, il embarqua pour Sydney.
Le 20 mai 1867, Chalmers, envoyé sur le terrain, débarquait à Rarotonga, aux îles Cook, où les habitants transformèrent son nom, Chalmers, en Tamate. Seule déception pour le missionnaire zélé, les Cook étaient déjà bien trop christianisées et civilisées à son goût. Si le travail de Chalmers fut en tout point remarquable, son doigt s'égarait souvent sur les cartes du Pacifique, notamment sur cette zone encore mal définie, grouillante de cannibales disait-on, qu'était la vaste Nouvelle-Guinée.
En mai 1877, il put s'embarquer enfin pour cette terre non chrétienne. Le pays était alors pour ainsi dire inconnu ; les pires informations circulaient sur le compte des indigènes et Chalmers fut enfin au contact de “vrais sauvages”, ignorant tout de Dieu et des bonnes manières, puisque certains se promenaient en portant sur eux les mâchoires inférieures de leurs ennemis… Qui plus est, comme put s'en rendre compte le pasteur très vite, authentiquement cannibales, préférant de loin la chair humaine aux porcs et aux moutons introduits par les Européens. Ils furent parfois agressifs et menaçant envers lui, mais il ne céda jamais à leurs menaces et en imposait par sa taille et sa prestance, n’hésitant pas à monter en décibels quand le besoin d’un rappel à l’ordre se faisait sentir.
Le 20 mai 1867, Chalmers, envoyé sur le terrain, débarquait à Rarotonga, aux îles Cook, où les habitants transformèrent son nom, Chalmers, en Tamate. Seule déception pour le missionnaire zélé, les Cook étaient déjà bien trop christianisées et civilisées à son goût. Si le travail de Chalmers fut en tout point remarquable, son doigt s'égarait souvent sur les cartes du Pacifique, notamment sur cette zone encore mal définie, grouillante de cannibales disait-on, qu'était la vaste Nouvelle-Guinée.
En mai 1877, il put s'embarquer enfin pour cette terre non chrétienne. Le pays était alors pour ainsi dire inconnu ; les pires informations circulaient sur le compte des indigènes et Chalmers fut enfin au contact de “vrais sauvages”, ignorant tout de Dieu et des bonnes manières, puisque certains se promenaient en portant sur eux les mâchoires inférieures de leurs ennemis… Qui plus est, comme put s'en rendre compte le pasteur très vite, authentiquement cannibales, préférant de loin la chair humaine aux porcs et aux moutons introduits par les Européens. Ils furent parfois agressifs et menaçant envers lui, mais il ne céda jamais à leurs menaces et en imposait par sa taille et sa prestance, n’hésitant pas à monter en décibels quand le besoin d’un rappel à l’ordre se faisait sentir.
Veuf, mais pas découragé
Son épouse était aussi héroïque que lui et ne broncha pas face aux pires procovations, comme les invitations reçues pour des repas de chair humaine, petites mesquineries auxquelles les récalcitrants à la bonne parole chrétienne n’hésitaient pas à recourir, histoire de mesurer le degré de patience du missionaire.
Lorsqu'il dut s'absenter plusieurs mois en mission à l'intéreur des terres, il laissa sa femme sous la responsabilité de “ses” sauvages qui furent très flattés et très touchés de la confiance du pasteur et qui, du coup, veillèrent en permanence sur la sécurité de son épouse.
Malheureusement, celle-ci ne résista pas longtemps à ses dures conditions de vie et elle mourut le 20 février 1879. Profondément attristé, mais sûrement pas découragé, Tamate repartit très vite en mission, ne ménageant ni son temps ni sa peine, plus décidé que jamais à convertir ; il parvint ainsi à de spectaculaires résultats, les Papous, convertis, renonçant aux guerres tribales, à la chasse aux têtes et surtout au cannibalisme.
Rappelé en Angleterre par la London Missionary Society, Chalmers profita de son court séjour pour se remarier avec Sarah Eliza « Lizzie »Harrison, qui le suivit à son retour dans le Pacifique où, elle aussi, fut une épouse modèle, appuyant sans réserve le combat de son mari. Celle-ci pourtant décéda à son tour lors de leur séjour sur l'île de Daru, le 25 octobre 1900, ce qui n'entama pas l'enthouisame du pasteur à poursuivre avec acharnement son travail d'évangélisation.
Lorsqu'il dut s'absenter plusieurs mois en mission à l'intéreur des terres, il laissa sa femme sous la responsabilité de “ses” sauvages qui furent très flattés et très touchés de la confiance du pasteur et qui, du coup, veillèrent en permanence sur la sécurité de son épouse.
Malheureusement, celle-ci ne résista pas longtemps à ses dures conditions de vie et elle mourut le 20 février 1879. Profondément attristé, mais sûrement pas découragé, Tamate repartit très vite en mission, ne ménageant ni son temps ni sa peine, plus décidé que jamais à convertir ; il parvint ainsi à de spectaculaires résultats, les Papous, convertis, renonçant aux guerres tribales, à la chasse aux têtes et surtout au cannibalisme.
Rappelé en Angleterre par la London Missionary Society, Chalmers profita de son court séjour pour se remarier avec Sarah Eliza « Lizzie »Harrison, qui le suivit à son retour dans le Pacifique où, elle aussi, fut une épouse modèle, appuyant sans réserve le combat de son mari. Celle-ci pourtant décéda à son tour lors de leur séjour sur l'île de Daru, le 25 octobre 1900, ce qui n'entama pas l'enthouisame du pasteur à poursuivre avec acharnement son travail d'évangélisation.
Tous armés jusqu’aux dents
C’est au service de la LMS, London Missionnary Society que le pasteur Chalmers avait été envoyé dans le Pacifique, à sa demande.
Le 4 avril 1901, à bord du Nieu, il était à l'ancre devant l'île de Goaribari dans le golfe de Papouasie (ouest de Port-Moresby) où, dès le premier contact, il se fit, crut-il, beaucoup d'amis parmi les indigènes entourant le bateau à bord duquel se trouvait un autre jeune missionnaire plein d’entrain, Oliver Tomkins. Du moins était-ce la première impression des deux hommes et de ceux qui les accompagnaient, malgré la réputation sulfureuse des indigènes, qui passaient pour être inaccessibles et très féroces.
L’ambiance, au contraire, était très bonne et si Chalmers parvint non sans mal à faire descendre de son bateau tous ses visiteurs quelque peu encombrants, ce fut avec la promesse de venir à terre dès le lendemain matin afin de répondre à leur invitation. Et en effet, le lendemain, aux aurores, James Chalmers, accompagné d’Oliver Tomkins et d’une dizaine d'autres jeunes désireux de devenir pasteurs, se rendit à terre avant le petit-déjeuner. Ils dirent à l’équipage qu’ils en avaient pour une petite heure, et qu’ils reviendraient à bord pour le sacro-saint « breakfast » avant de retrouner au village entamer leur mission d’évangélisation. Ils espéraient pouvoir réunir la population, ce qui ne fut pas nécessaire, puisque les Kerewo attendaient les visiteurs de pied ferme, tous armés jusqu'aux dents, mais cachant parfaitement bien toute intention hostile.
L’ambiance, au contraire, était très bonne et si Chalmers parvint non sans mal à faire descendre de son bateau tous ses visiteurs quelque peu encombrants, ce fut avec la promesse de venir à terre dès le lendemain matin afin de répondre à leur invitation. Et en effet, le lendemain, aux aurores, James Chalmers, accompagné d’Oliver Tomkins et d’une dizaine d'autres jeunes désireux de devenir pasteurs, se rendit à terre avant le petit-déjeuner. Ils dirent à l’équipage qu’ils en avaient pour une petite heure, et qu’ils reviendraient à bord pour le sacro-saint « breakfast » avant de retrouner au village entamer leur mission d’évangélisation. Ils espéraient pouvoir réunir la population, ce qui ne fut pas nécessaire, puisque les Kerewo attendaient les visiteurs de pied ferme, tous armés jusqu'aux dents, mais cachant parfaitement bien toute intention hostile.
Assommés, découpés, mangés !
A bord du bateau, passé un long moment, les indigènes commencèrent à changer de comportement : il était clair qu’ils savaient parfaitement ce qui allait se passer à terre. Sur le navire, ils devinrent plus agressifs, volant tout ce qu’ils pouvaient emporter, y compris des effets appartenant à Tomkins et à Chalmers avant de s’enfuir à bord de leurs pirogues. Depuis le Nieu, personne n’avait une vue claire de ce qu’il se passait à terre, mais en revanche, le capitaine comprit très vite que les choses se gâtaient lorsqu’il vit des dizaines de guerriers embarquer sur leurs pirogues et se diriger vers son bateau. Il n’eut que le temps de lever l’ancre et de s’éloigner de ces rivages hostiles ; il avait bien saisi à ce moment-là que tout espoir de voir revenir les douze hommes descendus à terre était vain. Il n’avait plus qu’à attendre un très improbable retour de ces derniers et ensuite à aller prévenir le gouverneur du drame très probable qui venait de se jouer.
Que se passa-t-il sur le terrain ? Faute de survivants et de témoins oculaires, on ne peut que se fier aux témoignages recueillis plus tard par les enquêteurs, auprès des villageois qui furent arrêtés et interrogés. A peine les douze religieux avaient-ils mis pied à terre, que les Kerewo les entraînèrent vers le village, dans la grande case commune réservée aux hommes. A l’intérieur, les Papous les assaillirent très rapidement et les massacrèrent sur place à coups de casse-tête. Ils furent immédiatement dépecés et découpés en morceaux ; la viande des « cochons longs » fut donnée aux femmes pour être préparée et mise au four ; les douze malheureux furent mangés le jour même semble-t-il. La scène eut pour cadre le village de Dopima et les os des malheureux martyrs furent ensuite exposés et même portés comme des trophés.
Que se passa-t-il sur le terrain ? Faute de survivants et de témoins oculaires, on ne peut que se fier aux témoignages recueillis plus tard par les enquêteurs, auprès des villageois qui furent arrêtés et interrogés. A peine les douze religieux avaient-ils mis pied à terre, que les Kerewo les entraînèrent vers le village, dans la grande case commune réservée aux hommes. A l’intérieur, les Papous les assaillirent très rapidement et les massacrèrent sur place à coups de casse-tête. Ils furent immédiatement dépecés et découpés en morceaux ; la viande des « cochons longs » fut donnée aux femmes pour être préparée et mise au four ; les douze malheureux furent mangés le jour même semble-t-il. La scène eut pour cadre le village de Dopima et les os des malheureux martyrs furent ensuite exposés et même portés comme des trophés.
Des milliers de crânes !
En 1904, après cette terrible tragédie, une commissioon d'enquête australienne fut mise sur pied pour faire la lumière sur ces agissements. Le juge Christopher Stansfield Robinson en fut le responsable, son premier objectif étant d'arrêter un indigène répondant au surnom de Lake, qui s'était vanté d'avoir pris une part active au massacre et qui surtout, plus tard, refusa toujours de rendre les restes des missionnaires pour que ceux-ci puissent bénéficier d'une sépulture chrétienne.
La commission voulait aussi former un certain nombre de Papous de manière à créer une police indigène sur la grande île.
Malheureusement, les choses ne se passèrent pas comme espéré et une violente querelle opposa ces indigènes aux Australiens ; le ton monta, la violence se déchaîna très vite et finalement huit Papous furent abattus et beaucoup d'autres blessés (aucune victime n'étant à déplorer dans le camp australien).
Durant ce raid de représailles, le révérend Dauncey rapporta un témoignage des mœurs de la population de l'île de Goaribari : dans les maisons des villages qu'il visita avec la troupe, il découvrit, selon ses dires, quatre cents à sept cents crânes humains accrochés dans les cases et environ dix mille crânes dans la grande case commune, le tout ayant été incendié par les Blancs.
Cataloguant la population de l'île comme différente de celle du reste de la Nouvelle-Guinée, les Australiens furent d'autant plus convaincus d'être en face d'une sous-humanité que ces “sauvages” vivaient nus et se couvraient le corps de graisse au lieu de porter des vêtements. On l'aura compris, dans le delta des deux rivières où se trouvait leur petite île, vivre couvert de graisse était le seul moyen de faire face aux morsures permanentes d'insectes et donc la seule option pour éviter les fièvres comme la malaria.
A l'époque, les jugements des Européens, peu portés sur l’ethnologie, étaient très hâtifs et l’on ne s’embarrassait pas de subtilités et de fioritures. De même, le portrait que l’on faisait des indigènes était souvent très caricatural : ainsi ce chiffre de dix mille crânes laisse-t-il quelque peu dubitatif les spécialistes de cette région. Diable ! Trouver dix mille personnes vivantes ne devait déjà pas être une sinécure…
Depuis ce drame à Goaribari, une stèle commémorative, en forme de petite pyramide, a été construite sur place pour rendre hommage aux douze martyrs…
Daniel Pardon
La commission voulait aussi former un certain nombre de Papous de manière à créer une police indigène sur la grande île.
Malheureusement, les choses ne se passèrent pas comme espéré et une violente querelle opposa ces indigènes aux Australiens ; le ton monta, la violence se déchaîna très vite et finalement huit Papous furent abattus et beaucoup d'autres blessés (aucune victime n'étant à déplorer dans le camp australien).
Durant ce raid de représailles, le révérend Dauncey rapporta un témoignage des mœurs de la population de l'île de Goaribari : dans les maisons des villages qu'il visita avec la troupe, il découvrit, selon ses dires, quatre cents à sept cents crânes humains accrochés dans les cases et environ dix mille crânes dans la grande case commune, le tout ayant été incendié par les Blancs.
Cataloguant la population de l'île comme différente de celle du reste de la Nouvelle-Guinée, les Australiens furent d'autant plus convaincus d'être en face d'une sous-humanité que ces “sauvages” vivaient nus et se couvraient le corps de graisse au lieu de porter des vêtements. On l'aura compris, dans le delta des deux rivières où se trouvait leur petite île, vivre couvert de graisse était le seul moyen de faire face aux morsures permanentes d'insectes et donc la seule option pour éviter les fièvres comme la malaria.
A l'époque, les jugements des Européens, peu portés sur l’ethnologie, étaient très hâtifs et l’on ne s’embarrassait pas de subtilités et de fioritures. De même, le portrait que l’on faisait des indigènes était souvent très caricatural : ainsi ce chiffre de dix mille crânes laisse-t-il quelque peu dubitatif les spécialistes de cette région. Diable ! Trouver dix mille personnes vivantes ne devait déjà pas être une sinécure…
Depuis ce drame à Goaribari, une stèle commémorative, en forme de petite pyramide, a été construite sur place pour rendre hommage aux douze martyrs…
Daniel Pardon
Un rôle politique important
James Chalmer fut un pasteur qui eut un rôle éminent dans l’histoire politique de la Nouvelle-Guinée ; en effet, dans le vaste monopoly colonial de la fin du XIXe siècle, les « terres vierges » étaient de plus en plus rares ; Allemands, Français et Anglais se disputaient les dernières terres non colonisées et justement, la très vaste Nouvelle-Guinée présentait de nombreux atouts. Les Hollandais s’étaient rendus mâitres dès 1828 de la partie occidentale de la grande île, l’actuel Irian Jaya indonésien grâce à la Compagnie des Indes orientales ; les Anglais, en novembre 1884, décidèrent pour leur part d’annexer la partie orientale, mais seul le sud tomba dans leur escarcelle puisque les Allemands s’arrogèrent la partie nord (la Terre de l’empereur Guillaume).
La portion anglaise n’était pas la moins intéressante, et d’ailleurs, aujourd’hui, s’y trouve la capitale de la Papouasie Nouvelle-Guinée, Port Moresby. Mais à l’époque, expliquer à des chefs de tribus qu’ils relevaient d’une autorité située bien au-delà des mers n’était pas chose aisée. Si, en Australie, les Anglais prirent possesion de tout le pays sans jamais en référer aux Aborigènes, il était plutôt dans leurs habitudes de signer un accord de cession avec les chefs locaux (comme ils le firent en Nouvelle-Zélande, avec le traité de Waitangi).
« Les avantages du protectorat »
C’est à ce moment-là que Chalmers entra en scène et joua un rôle capital : c’est lui qui était l’Anglais le plus connu et le plus respecté de toute la région, d’autant plus que son travail d’évangélisation s’était soldé par des conversions mais aussi et surtout par une cessation des guerres tribales permanentes, de la chasse aux têtes et des repas cannibales. Le « grand pacificateur » ne pouvait qu’être rassurant vis-à-vis des indigènes et celui qu’ils surnommaient Tamate joua un grand rôle diplomatique pour lisser les résistances.
Le protectorat, sut-il leur expliquer, serait pour eux un atout comme l’avait été leur conversion. Sans même que Londres ne le charge d’une mission officielle, il prit son bâton de pèlerin pour aller expliquer aux tribus les avantages de cette « protection » britannique. Un bateau de guerre anglais fut envoyé sur place et les chefs furent réunis à bord, en grande partie grâce à l’entregent de Chalmers pour une cérémonie officielle de prise de possession, cérémonie qui bénéficia d’un traducteur en la personne du zélé pasteur.
Après cette annexion à l’empire britannique, rendons cette justice à Tamate que d’avoir veillé à ce que les engagements pris par les envoyés de la Couronne soient respectés et que les indigènes n’aient pas à souffrir de mauvais traitements dus à une administration sectaire ou à des colons brutaux.
Bien sûr, Chalmers n’était pas partout et comme toute colonisation, celle de la Nouvelle-Guinée anglaise ne fut pas exempte de bavures, mais du moins Chalmers fit-il tout ce qui était en son pouvoir pour que les Papous soient traités équitablement. Ils avaient trouvé en ce pasteur un avocat dévoué.
La portion anglaise n’était pas la moins intéressante, et d’ailleurs, aujourd’hui, s’y trouve la capitale de la Papouasie Nouvelle-Guinée, Port Moresby. Mais à l’époque, expliquer à des chefs de tribus qu’ils relevaient d’une autorité située bien au-delà des mers n’était pas chose aisée. Si, en Australie, les Anglais prirent possesion de tout le pays sans jamais en référer aux Aborigènes, il était plutôt dans leurs habitudes de signer un accord de cession avec les chefs locaux (comme ils le firent en Nouvelle-Zélande, avec le traité de Waitangi).
« Les avantages du protectorat »
C’est à ce moment-là que Chalmers entra en scène et joua un rôle capital : c’est lui qui était l’Anglais le plus connu et le plus respecté de toute la région, d’autant plus que son travail d’évangélisation s’était soldé par des conversions mais aussi et surtout par une cessation des guerres tribales permanentes, de la chasse aux têtes et des repas cannibales. Le « grand pacificateur » ne pouvait qu’être rassurant vis-à-vis des indigènes et celui qu’ils surnommaient Tamate joua un grand rôle diplomatique pour lisser les résistances.
Le protectorat, sut-il leur expliquer, serait pour eux un atout comme l’avait été leur conversion. Sans même que Londres ne le charge d’une mission officielle, il prit son bâton de pèlerin pour aller expliquer aux tribus les avantages de cette « protection » britannique. Un bateau de guerre anglais fut envoyé sur place et les chefs furent réunis à bord, en grande partie grâce à l’entregent de Chalmers pour une cérémonie officielle de prise de possession, cérémonie qui bénéficia d’un traducteur en la personne du zélé pasteur.
Après cette annexion à l’empire britannique, rendons cette justice à Tamate que d’avoir veillé à ce que les engagements pris par les envoyés de la Couronne soient respectés et que les indigènes n’aient pas à souffrir de mauvais traitements dus à une administration sectaire ou à des colons brutaux.
Bien sûr, Chalmers n’était pas partout et comme toute colonisation, celle de la Nouvelle-Guinée anglaise ne fut pas exempte de bavures, mais du moins Chalmers fit-il tout ce qui était en son pouvoir pour que les Papous soient traités équitablement. Ils avaient trouvé en ce pasteur un avocat dévoué.