Tahiti Infos

5 ans ferme pour le chauffard de Paea


Tahiti, le 12 novembre 2024 - En 2020, à Paea, un accident de la route avait coûté la vie à une fillette âgée d’à peine 5 ans. Son père, au volant du scooter, avait été gravement blessé après avoir été percuté par une voiture dont le conducteur a été condamné, mardi en correctionnelle, à cinq ans de prison ferme assortis d’un mandat de dépôt.
 
Le drame avait suscité beaucoup d’émotion dans les quartiers Cadousteau et Orofero à Paea en janvier 2020. Une fillette de 5 ans, Hayley, avait perdu la vie lors d’un accident de la route impliquant une voiture et un deux-roues. Les secours n’avaient pas réussi à la réanimer après la chute. Ce mardi matin, trois hommes étaient jugés au tribunal correctionnel : le père de la victime qui conduisait le deux-roues (absent lors de l’audience), le conducteur du véhicule ainsi que l’homme qui avait prêté le véhicule.
 
Délit de fuite
 
Le tribunal est revenu sur les circonstances du drame qui a eu lieu vers 20 heures. Le père sous l’emprise de l’alcool et du cannabis avait décidé d’emmener sa fille manger une crêpe non loin de chez lui. Pour s’y rendre, il a enfourché son scooter, installé sa fille debout devant lui, placé son propre casque sur la tête de l’enfant affirmant ne pas en avoir d’autre, et pris la route. Son engin n’avait pas de feu avant, arrière ni feu de stop. Seuls les clignotants fonctionnaient comme l’a reconnu le père. Il était poursuivi pour homicide involontaire, circulation de véhicule avec visibilité insuffisante, transport non autorisé de passager, conduite d’un cyclomoteur sans casque homologué et transport d’un enfant de moins cinq sans siège adapté.
 
La virée nocturne a tourné court. Le deux-roues a été percuté par un véhicule au PK 21,9 face à la servitude Orofero. Le père a été blessé, la fillette est décédée des suites de ses blessures. Le conducteur qui ne possédait pas le permis et qui était sous l’emprise de l’alcool, du cannabis et de l’ice a préféré rentrer chez lui. Il a dit vouloir dans un premier temps déplacer son véhicule qui gênait puis être ensuite aller prévenir sa femme. Un appel à témoins a dû être lancé pour le retrouver. L’interpellation a eu lieu deux jours plus tard.
 
Il était poursuivi pour homicide involontaire avec au moins deux circonstances aggravantes, blessures involontaires avec au moins deux circonstances aggravantes, non-assistance à personne en danger, transport et cession non-autorisé de stupéfiants, usage illicite de stupéfiants, refus de priorité.
 
Le propriétaire de la voiture, qui avait l’habitude de mettre son engin à disposition en échange de doses d’ice a appris ultérieurement le drame. Il a rapporté à la barre avoir eu peur et ne pas savoir quoi faire et a reconnu avoir menti. Il était poursuivi pour complicité d’homicide involontaire, complicité de blessures involontaires et complicité de conduite d’un véhicule sans permis puisqu’il connaissait la situation de l’emprunteur.
 
Demande de requalification
 
Lors de l’audience, mardi, le procureur a regretté n’avoir vu “aucune compassion à l’endroit des deux victimes de la part du conducteur et du propriétaire du véhicule. Au regard de la gravité objectivedu drame, et rappelant que le conducteur risquait une peine de 10 ans de prison, il a requis 6 ou 7 ans de prison assortis d’un mandat de dépôt à la barre ainsi qu’une amende de 20 000 francs pour le refus de priorité.
 
Pour le propriétaire il a demandé une requalification des faits en indiquant que l’individu s’était rendu coupable d’un homicide volontaire et non d’une simple complicité. “On ne peut plus tolérer ce genre de choses. Je ne m’habituerai jamais à voir le corps d’une gamine sur une table d’autopsie”, a-t-il asséné avant de marteler que “quand la prévention a échoué, il faut sévir”. Il a requis 5 ans dont 3 ans de sursis probatoire, l’obligation de suivre des soins, l’annulation de son permis, un mandat de dépôt à la barre.
 
Enfin, cinq ans de prison dont trois avec sursis ont été requis contre le père de la fillette dont le taux d’alcool dans le sang était “édifiant” (1,76 g par litre selon les analyses toxicologiques). “Il était fin bourré, comme on dit ici. Mais ce n’est pas tout : pris de remords, il aurait dû venir à la barre, s’excuser. Il n’est pas là. Il est absent et il faut en tenir compte”, a estimé le représentant du ministère public.
 
Restée “sans voix”
 
Les avocats de la défense ne sont pas revenus sur les faits, incontestables, reconnaissant la peine et la souffrance de la famille mais ont appelé à une peine “plus juste”. “Celles requises me glacent le sang”, a répété l’avocat du conducteur. Selon lui, la justice doit sanctionner certes mais également favoriser la réinsertion. “On sait que la répression seule ne fonctionne pas !” L’avocate du propriétaire s’est quant à elle dite “sans voix” face à une demande de requalification “pas justifiée” : “Mon client a de l’empathie. Il est sensible”, a-t-elle assuré. “Il n’est plus l’homme qu’il a été. Il a un travail, une nouvelle compagne. Il a suivi des soins pour se libérer de la consommation de drogue. Il ne faut pas se tromper de juridiction ! Les peines requises valent pour des trafiquants de drogue, des personnes ayant entraîné volontairement la mort. Il doit payer en proportion de ce qu’il a fait réellement.”
 
Après en avoir délibéré, le tribunal a prononcé les condamnations à l’encontre des trois prévenus. Le conducteur a écopé de 5 ans de prison ferme avec mandat de dépôt et a été condamné à payer 4 millions de francs à la mère de la victime, 1,6 million à son frère, 1,6 million à chacun des grands-parents maternels et 200 000 francs à l’oncle et la même somme à sa tante. Le propriétaire dont l’accusation a été requalifiée en homicide involontaire a été condamné à 18 mois de sursis et le père de la fillette à 3 ans de prison dont deux avec sursis probatoire.
 

Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 12 Novembre 2024 à 19:23 | Lu 332 fois