Portrait de Franck (Francis) Jardine, dans la décennie 1880-1890. Il était devenu un respectable notable dans sa région et, en prime, il découvrit un trésor qui le rendit riche !
Tahiti, le 9 janvier 2020 - La colonisation de l’Océanie ne se fit pas sans une extrême violence dans certaines régions. Ce fut le cas dans le nord-est de l’Australie où Franck (Francis) Lascelles Jardine réussit une expédition nord-sud de dix mois sur 1 931 km, du 11 octobre 1864 au 2 mars 1865. Cette odyssée fut considérée comme un exploit à l’époque, mais elle coûta la vie à deux cents Aborigènes environ, Jardine se vantant d’en avoir lui-même tué la bagatelle de quarante-sept. Autre temps, autres moeurs…
Le Far North Queensland, entendez la partie nord-est de l’Australie, avec sa vaste péninsule du cap York, fut longtemps une sorte de no man’s land pour les Européens installés sur l’île continent. Le climat tropical n’était pas favorable, la faune sauvage (insectes et serpents notamment) dangereuse, les distances colossales et surtout les indigènes extrêmement hostiles et, accessoirement, réputés cannibales.
Le nord coupé du sud
Ces derniers ont des circonstances atténuantes puisqu’ils avaient eu l’occasion de comprendre, lorsque les Blancs sinstallèrent dans le Queensland, que ces derniers, inexorablement, les chassaient de leurs terres pour y pratiquer élevage et agriculture. Entre les maladies importées (une simple grippe pouvait décimer des clans entiers) et la confiscation de leur espace vital, l’homme blanc était devenu l’ennemi à abattre et surtout à confiner sur les terres où il s’était déjà installé.
Oui mais voilà… Le Far North Queensland présentait une étrange particularité géograghique : sa partie sud avait été colonisée, non sans mal, et l’extrême pointe nord de la péninsule d’York était devenue un point de chute incontournable pour les navires sllonnant le golfe de Carpentrie et la mer de Corail. Or, pour les ravitailler, il fallait de la viande, donc du bétail et des colons afin de mettre en valeur le bout de cette péninsule. Mais entre le port le plus au nord, Somerset, et le Queensland “civilisé”, la ville de Rockhampton, aucune jonction n’avait été faite, aucune route n’avait été ouverte, malgré quelques reconnaissances demeurées sans suite.
Dix “cowboys” sur une piste vierge
Terre de toutes les promesses, le Far North Queensland avait déjà fait l’objet de deux expéditions, en 1844-1845 par Ludwig Leichhardt et en 1848 par Edmund B. Kennedy (qui y perdit la vie, à trente ans).
C’est en 1859 qu’avait été créé l’Etat du Queensland, séparé de la Nouvelle Galles du Sud. Son premier gouverneur, sir George Bowen, recommanda de faire de Somerset, à l’extrême pointe nord de l’Australie, une base de ravitaillement et une colionie de peuplement, relais indispensable sur le détroit de Torres entre le nord du Pacifique et le sud du pays. Il nomma sur place comme premier résident John Jardine qui avait déjà eu des responsabilités importantes à Rockhampton. Un détachement de marines y fut envoyé la même année, mais la situation de Thursday Island, proche de Somerset, fut jugée meilleure et c’est là que les autorités australiennes décidèrent de construire un port, notamment pour les navires pêchant les holothuries, les nacres et les perles (du bivalve Pinctada maxima).
Pour John Jardine, l’idée était bonne mais un tel port nécessitait de proposer du ravitaillement et seules des installations sur le Cap York lui-même, autour de Somerset, pouvaient répondre à ces besoins. Il suggéra donc à sa hiérarchie de monter une expédition conduite par ses deux fils, Fracis (ou Franck), né le 28 août 1841, alors âgé de vingt-trois ans et Alick, né en 1843, vingt et un ans, pour amener à Somerset un troupeau de bêtes à partir desquelles un élevage permettrait d’alimenter le port de Thusday Island.
L’idée fut immédiatement approuvée sachant, encore une fois, qu’il n’y avait aucune route, aucun chemin, aucune piste entre Somerset et le sud…
Face aux éléments naturels et aux Aborigènes
Les deux frères Jardine étaient de vrais bushmen parfaitement conscients des risques qu’une telle aventure leur faisait prendre ; ils avaient encore en mémoire la fin tradique de l’expédition de Kennedy en 1848 et n’avaient donc pas une approche romantique de leur future odyssée. Ils savaient qu’ils avaient la possibilité de mettre le cap au nord en se rapprochant, si besoin, des quelques ports ouverts sur les côtes du Queensland, mais il savaient aussi que toute la péninsule du cap York, sur plus de cinq cents kilomètres, était totalement vierge. Au total, ils avaient devant eux presque deux mille kilomètres à couvrir…
Les deux frères rassemblèrent quarante-deux chevaux et s’en furent à Carpentaria Downs, dernier point habité, d’où ils s’élancèrent vers le nord. L’expédition était ainsi composée : Franck Lescelles Jar-
dine, Alick Jardine, Archibald J. Richardson, E. Scrutton, R. N.
Binney, A. Cowderoy et quatre Aborigènes nommés Eulah, Peter, Sambo et Barney (au total dix personnes). Ils emportaient avec eux quatre mois de vivre dont six cents kilos de farine et allaient pousser devant eux deux cent cinquante têtes de bétail (taureaux et vaches).
Il fallait ajouter à tous ces maux la température : 40° la journée et une très forte humidité. A cause du soleil, les « cowboys » australiens souffraient d’ophtalmie. Enfin, cerise sur le gâteau, un feu de brousse détruisit la moitié de leurs provisions.
Les Abos qui les suivaient voyaient leurs rangs s’étoffer au fur et à mesure des terres traversées. Eux aussi avaient faim et firent tout, la nuit, pour disperser chevaux et bétail ; ainsi dès le 30 novembre 1860, manquait-il déjà trente bovins, pas perdus pour tout le monde...
La progression se poursuivit, lente, entre taons, moustiques et mouches, par milliers, alors que les attaques et les vols de bétail se multipliaient. Un moment isolé, Alick Jardine faillit lui-même finir sous les coups de ses assaillants. Le 27 novembre 1864, une lance passa à quelques centimètres du visage de Franck.
La caravane, épuisée, avait réussi à passer sur la côte ouest de la péninsule australienne ; le régime, pour les hommes, était devenu spartiate, mais le long du golfe de Carpentrie, ils parvinrent à améliorer l’ordinaire avec la chair de quelques requins et même, à regret, avec celle d’un de leurs taureaux qu’ils durent se résoudre à abattre tant ils étaient tenaillés par la faim. Chevaux et bovidés tombaient, morts d’épuisement et de faim. Là où ils avançaient, les arbres portaient les marques de récentes inondations, à plus de deux mètres du sol. La saison des pluies n’était plus loin et le risque de submersion bien réel ; ils n’auraient dans la plaine, le long du golfe où ils se trouvaient, aucune chance de s’en sortir vivants. Ils devaient changer de cap et revenir vers l’est, loin des zones inondables.
La mer, enfin !
Le 16 décembre, un mulet chargé de très nombreux outils, indispensables pour établir les campements, disparut avec tout son chargement. Les hommes se retrouvaient presque aussi démunis que leurs adversaires Aborigènes. En s’engageant dans le lit de la rivière Mitchell, ils trouvèrent des provisions inattendues : wallabies, pigeons, canards... Mais c’est à ce moment-là que leurs ennemis déclenchèrent une bataille qui aurait pu être fatale à l’expédition. Les pertes des agresseurs furent très importantes ; ces derniers suivaient les Blancs depuis plus de six cents kilomètres et devaient, eux aussi, être épuisés. D’où ce fatal baroud d’honneur.
De l’autre côté de la rivière Mitchell, le sol était pauvre en herbe et l’eau était rare, sauf lors de violentes averses qui mettaient en danger la colonne. Les Aborigènes maintenaient la pression, désorganisant sans cesse le troupeau. Le 17 janvier 1865, il ne restait plus que quinze chevaux sur les quarante-deux emmenés. La suite du calvaire se poursuivit alors que la petite troupe approchait de la mer. Le 20 janvier 1865, cette mer, ils la virent en montant sur un arbre ; la délivrance était pourtant encore loin puisque ce ne fut qu’à la fin du mois d’avril que les frères Jardine parvinrent en terre amie, accueillis d’abord par des Aborigènes amicaux qui avaient été envoyés par leur père, John Jardine, à la rencontre de la colonne pour lui porter aide et assistance.
Parvenus à Somerset, les convoyeurs se comptèrent : dans un état de fatigue extrême, dans un état de santé et de sous-nutrition très grand, ils étaient dix, comme ils furent dix à se lancer dans cette odyssée. Tous avaient survécu.
Mais il leur restait seulement douze chevaux et cinquante bovins, ce qui fut toutefois suffisant pour qu’un élevage soit lancé à la pointe la plus septentrionale de l’Australie, à Somerset, afin de pouvoir, entre autres, approvisionner en viande les bateaux de passage ou travaillant dans la région du détroit de Torres.
A l’époque, personne ne songea à accorder la moindre valeur au fait que deux cents Aborigènes hostiles avaient péri, dont quarante-sept, selon ses dires, de la main de Kranck Jardine. En revanche, l’aventure fut saluée comme un exploit et à ce titre, la Société royale de Géographie récompensa les deux frères en les faisant compagnons de leur société et en leur remettant la Murchison Medal en 1886...
Le Far North Queensland, entendez la partie nord-est de l’Australie, avec sa vaste péninsule du cap York, fut longtemps une sorte de no man’s land pour les Européens installés sur l’île continent. Le climat tropical n’était pas favorable, la faune sauvage (insectes et serpents notamment) dangereuse, les distances colossales et surtout les indigènes extrêmement hostiles et, accessoirement, réputés cannibales.
Le nord coupé du sud
Ces derniers ont des circonstances atténuantes puisqu’ils avaient eu l’occasion de comprendre, lorsque les Blancs sinstallèrent dans le Queensland, que ces derniers, inexorablement, les chassaient de leurs terres pour y pratiquer élevage et agriculture. Entre les maladies importées (une simple grippe pouvait décimer des clans entiers) et la confiscation de leur espace vital, l’homme blanc était devenu l’ennemi à abattre et surtout à confiner sur les terres où il s’était déjà installé.
Oui mais voilà… Le Far North Queensland présentait une étrange particularité géograghique : sa partie sud avait été colonisée, non sans mal, et l’extrême pointe nord de la péninsule d’York était devenue un point de chute incontournable pour les navires sllonnant le golfe de Carpentrie et la mer de Corail. Or, pour les ravitailler, il fallait de la viande, donc du bétail et des colons afin de mettre en valeur le bout de cette péninsule. Mais entre le port le plus au nord, Somerset, et le Queensland “civilisé”, la ville de Rockhampton, aucune jonction n’avait été faite, aucune route n’avait été ouverte, malgré quelques reconnaissances demeurées sans suite.
Dix “cowboys” sur une piste vierge
Terre de toutes les promesses, le Far North Queensland avait déjà fait l’objet de deux expéditions, en 1844-1845 par Ludwig Leichhardt et en 1848 par Edmund B. Kennedy (qui y perdit la vie, à trente ans).
C’est en 1859 qu’avait été créé l’Etat du Queensland, séparé de la Nouvelle Galles du Sud. Son premier gouverneur, sir George Bowen, recommanda de faire de Somerset, à l’extrême pointe nord de l’Australie, une base de ravitaillement et une colionie de peuplement, relais indispensable sur le détroit de Torres entre le nord du Pacifique et le sud du pays. Il nomma sur place comme premier résident John Jardine qui avait déjà eu des responsabilités importantes à Rockhampton. Un détachement de marines y fut envoyé la même année, mais la situation de Thursday Island, proche de Somerset, fut jugée meilleure et c’est là que les autorités australiennes décidèrent de construire un port, notamment pour les navires pêchant les holothuries, les nacres et les perles (du bivalve Pinctada maxima).
Pour John Jardine, l’idée était bonne mais un tel port nécessitait de proposer du ravitaillement et seules des installations sur le Cap York lui-même, autour de Somerset, pouvaient répondre à ces besoins. Il suggéra donc à sa hiérarchie de monter une expédition conduite par ses deux fils, Fracis (ou Franck), né le 28 août 1841, alors âgé de vingt-trois ans et Alick, né en 1843, vingt et un ans, pour amener à Somerset un troupeau de bêtes à partir desquelles un élevage permettrait d’alimenter le port de Thusday Island.
L’idée fut immédiatement approuvée sachant, encore une fois, qu’il n’y avait aucune route, aucun chemin, aucune piste entre Somerset et le sud…
Face aux éléments naturels et aux Aborigènes
Les deux frères Jardine étaient de vrais bushmen parfaitement conscients des risques qu’une telle aventure leur faisait prendre ; ils avaient encore en mémoire la fin tradique de l’expédition de Kennedy en 1848 et n’avaient donc pas une approche romantique de leur future odyssée. Ils savaient qu’ils avaient la possibilité de mettre le cap au nord en se rapprochant, si besoin, des quelques ports ouverts sur les côtes du Queensland, mais il savaient aussi que toute la péninsule du cap York, sur plus de cinq cents kilomètres, était totalement vierge. Au total, ils avaient devant eux presque deux mille kilomètres à couvrir…
Les deux frères rassemblèrent quarante-deux chevaux et s’en furent à Carpentaria Downs, dernier point habité, d’où ils s’élancèrent vers le nord. L’expédition était ainsi composée : Franck Lescelles Jar-
dine, Alick Jardine, Archibald J. Richardson, E. Scrutton, R. N.
Binney, A. Cowderoy et quatre Aborigènes nommés Eulah, Peter, Sambo et Barney (au total dix personnes). Ils emportaient avec eux quatre mois de vivre dont six cents kilos de farine et allaient pousser devant eux deux cent cinquante têtes de bétail (taureaux et vaches).
Le 11 octobre 1864, le départ officiel fut donné de Carpentaria Downs Station. La progression était lente, bien entendu, d’autant que plusieurs rivières, plus ou moins bien identifiées, étaient à franchir ; les hommes remarquèrent vite qu’ils n’étaient pas seuls sur la piste, des Aborigènes suivant leur progression à distance. Près de la Mitchell River et d’Alice River, ils furent victimes d’une première attaque par une forte troupe d’Aborigènes leur envoyant leurs lances avec des propulseurs, se tenant ainsi à plus de soixante mètres de leurs cibles. Personne ne fut ni tué ni blessé dans la caravane, mais le ton était donné pour la suite du voyage qui ne fut qu’une lutte contre les éléments naturels et contre les Aborigènes. Rivière Coleman, rivière Edwards, Christmas Creek (25 décembre 1864), rivière Holroyd, ruisseau du Nouvel An (1er janvier 1865) ; ruisseau Kinlock, rivière South Coen, rivière Archer, rivière Batavia, rivière Jardine... La liste des étapes est interminable : marécages, mangroves le long de la côte, vase, escarpements basaltiques, ou granitiques, tous les reliefs leur étaient hostiles, tout comme leur « escorte » aborigène.
Taons, moustiques et mouches
A Parallel Creek, ils furent une cinquantaine à se frotter à l’expédition, armés de lances et de haches de pierre. Les convoyeurs, avec horreur, découvrirent, après les avoir mis en déroute, des restes humains en train de griller sur un feu. Restes d’un ami décédé et mangé ou restes d’un ennemi sacrifié ? Personne ne sut, mais le territoire était décidément plus qu’hostile au convoi. Taons, moustiques et mouches
Il fallait ajouter à tous ces maux la température : 40° la journée et une très forte humidité. A cause du soleil, les « cowboys » australiens souffraient d’ophtalmie. Enfin, cerise sur le gâteau, un feu de brousse détruisit la moitié de leurs provisions.
Les Abos qui les suivaient voyaient leurs rangs s’étoffer au fur et à mesure des terres traversées. Eux aussi avaient faim et firent tout, la nuit, pour disperser chevaux et bétail ; ainsi dès le 30 novembre 1860, manquait-il déjà trente bovins, pas perdus pour tout le monde...
La progression se poursuivit, lente, entre taons, moustiques et mouches, par milliers, alors que les attaques et les vols de bétail se multipliaient. Un moment isolé, Alick Jardine faillit lui-même finir sous les coups de ses assaillants. Le 27 novembre 1864, une lance passa à quelques centimètres du visage de Franck.
La caravane, épuisée, avait réussi à passer sur la côte ouest de la péninsule australienne ; le régime, pour les hommes, était devenu spartiate, mais le long du golfe de Carpentrie, ils parvinrent à améliorer l’ordinaire avec la chair de quelques requins et même, à regret, avec celle d’un de leurs taureaux qu’ils durent se résoudre à abattre tant ils étaient tenaillés par la faim. Chevaux et bovidés tombaient, morts d’épuisement et de faim. Là où ils avançaient, les arbres portaient les marques de récentes inondations, à plus de deux mètres du sol. La saison des pluies n’était plus loin et le risque de submersion bien réel ; ils n’auraient dans la plaine, le long du golfe où ils se trouvaient, aucune chance de s’en sortir vivants. Ils devaient changer de cap et revenir vers l’est, loin des zones inondables.
La mer, enfin !
Le 16 décembre, un mulet chargé de très nombreux outils, indispensables pour établir les campements, disparut avec tout son chargement. Les hommes se retrouvaient presque aussi démunis que leurs adversaires Aborigènes. En s’engageant dans le lit de la rivière Mitchell, ils trouvèrent des provisions inattendues : wallabies, pigeons, canards... Mais c’est à ce moment-là que leurs ennemis déclenchèrent une bataille qui aurait pu être fatale à l’expédition. Les pertes des agresseurs furent très importantes ; ces derniers suivaient les Blancs depuis plus de six cents kilomètres et devaient, eux aussi, être épuisés. D’où ce fatal baroud d’honneur.
De l’autre côté de la rivière Mitchell, le sol était pauvre en herbe et l’eau était rare, sauf lors de violentes averses qui mettaient en danger la colonne. Les Aborigènes maintenaient la pression, désorganisant sans cesse le troupeau. Le 17 janvier 1865, il ne restait plus que quinze chevaux sur les quarante-deux emmenés. La suite du calvaire se poursuivit alors que la petite troupe approchait de la mer. Le 20 janvier 1865, cette mer, ils la virent en montant sur un arbre ; la délivrance était pourtant encore loin puisque ce ne fut qu’à la fin du mois d’avril que les frères Jardine parvinrent en terre amie, accueillis d’abord par des Aborigènes amicaux qui avaient été envoyés par leur père, John Jardine, à la rencontre de la colonne pour lui porter aide et assistance.
Parvenus à Somerset, les convoyeurs se comptèrent : dans un état de fatigue extrême, dans un état de santé et de sous-nutrition très grand, ils étaient dix, comme ils furent dix à se lancer dans cette odyssée. Tous avaient survécu.
Mais il leur restait seulement douze chevaux et cinquante bovins, ce qui fut toutefois suffisant pour qu’un élevage soit lancé à la pointe la plus septentrionale de l’Australie, à Somerset, afin de pouvoir, entre autres, approvisionner en viande les bateaux de passage ou travaillant dans la région du détroit de Torres.
A l’époque, personne ne songea à accorder la moindre valeur au fait que deux cents Aborigènes hostiles avaient péri, dont quarante-sept, selon ses dires, de la main de Kranck Jardine. En revanche, l’aventure fut saluée comme un exploit et à ce titre, la Société royale de Géographie récompensa les deux frères en les faisant compagnons de leur société et en leur remettant la Murchison Medal en 1886...
Une princesse et un trésor
La résidence des Jardine à Somerset, là où ils réussirent à conduire leur troupeau de bétail après une odyssée qui fut jugée comme étant une prouesse à l’époque.
Francis, devenu Franck pour tout le monde, décida de demeurer à Somerset dont il devint la figure dominante jusqu’à son décès en 1919. En avril 1868, il fut nommé inspecteur de police à Somerset avec le titre de magistrat. En 1869, il devint greffier de district, puis juge au tribunal de simple police, inspecteur de police et responsable du bureau de poste.
En 1873, il fit sensation dans la petite colonie blanche locale et même dans tout le Queensland puisqu’il rencontra une jeune samoane, Sana Solia Sofala (circa 1856- 1923), fort jolie fille qu’il épousa. Elle avait, dans son pays, un titre de princesse, mais elle choisit de vivre dans ce coin reculé de l’Australie du nord avec son époux à qui elle donna quatre enfants.
Enfin et surtout, il se lança dans la pêche aux holothuries et aux huîtres perlières et c’est grâce à cette activité déjà très lucrative en elle-même qu’il parvint à mettre la main sur un surprenant trésor : en 1891, alors qu’il était à la tête d’une petite flottille de bateaux, il apprit par l’un de ses capitaines qu’une épave gisait sur un récif corallien. Le capitaine Samuel Rowe, du Lancaster Lass, ramena divers objets de l’épave, dont soixante-douze kilos de dollars espagnols, d’une valeur de six cents livres sterling. Début d’une belle pêche puisqu’au total, Jardine en tira six mille six cents livres sterling, une fortune à l’époque (les monnaies espagnoles, des pièces de huit, étaient datées de 1713 à 1823).
Riche, célèbre, respecté dans tout le Queensland, personnage incontournable de Somerset, Franck Jardine contracta la lèpre qui l’emporta le 17 mars 1919. Il repose aujourd’hui au Somerset Graves, un site historique classé de la région, aux côtés de son épouse, Sana Solia.
En 1873, il fit sensation dans la petite colonie blanche locale et même dans tout le Queensland puisqu’il rencontra une jeune samoane, Sana Solia Sofala (circa 1856- 1923), fort jolie fille qu’il épousa. Elle avait, dans son pays, un titre de princesse, mais elle choisit de vivre dans ce coin reculé de l’Australie du nord avec son époux à qui elle donna quatre enfants.
Enfin et surtout, il se lança dans la pêche aux holothuries et aux huîtres perlières et c’est grâce à cette activité déjà très lucrative en elle-même qu’il parvint à mettre la main sur un surprenant trésor : en 1891, alors qu’il était à la tête d’une petite flottille de bateaux, il apprit par l’un de ses capitaines qu’une épave gisait sur un récif corallien. Le capitaine Samuel Rowe, du Lancaster Lass, ramena divers objets de l’épave, dont soixante-douze kilos de dollars espagnols, d’une valeur de six cents livres sterling. Début d’une belle pêche puisqu’au total, Jardine en tira six mille six cents livres sterling, une fortune à l’époque (les monnaies espagnoles, des pièces de huit, étaient datées de 1713 à 1823).
Riche, célèbre, respecté dans tout le Queensland, personnage incontournable de Somerset, Franck Jardine contracta la lèpre qui l’emporta le 17 mars 1919. Il repose aujourd’hui au Somerset Graves, un site historique classé de la région, aux côtés de son épouse, Sana Solia.
À lire
Plus aucun habitant à Somerset
L’une des premières installations des Jardine lorsqu’ils décidèrent de développer le troupeau de bovidés qu’ils avaient réussi à conduite jusqu’à Somerset.
Si la pointe formée par le cap York en Australie septentrionale est réputée pour ses réserves naturelles et autres parcs nationaux, elle est à peu près vide de population ; sa surface est de cent trente-sept mille kilomètres carrés (plus vaste que la Grèce, par exemple), mais elle n’est peuplée que par dix-huit mille personnes réparties en petits bourgs le long de la route qui remonte la péninsule du sud au nord. Le village de Somerset, qui servit de base à la famille Jardine, ne comptait plus un seul habitant au dernier recensement de 2011.
La péninsule est soumise à un climat tropical dépendant de la mousson (saison pluvieuse de novembre à avril), comme la proche Nouvelle-Guinée, et ses sols érodés, anciens et très peu fertiles ne se prêtent pas à des activités agricoles (sans compter les ravages occasionnés par les cyclones).
Sur place, à Somerset, les touristes qui ont le courage de monter jusque-là, peuvent encore admirer les ruines de Somerset Homestead, créée par John Jardine, le père de Franck, ainsi que le cimetière de Somerset Graves contenant, entre autres, les dépouilles de Franck et de son épouse samoane. Une plaque commémore également la tragique expédition d’Edmund B. Kennedy qui eut lieu en 1848.
Du sud au nord, les visiteurs passeront les bourgs de Lakeland, Laura, Cooktown (1 336 habitants, sur la côte est), Coen, Archer River Roadhouse, Lockhart River (côte est), Weipa (côte ouest) et enfin Bamaga à l’extrême nord, peuplés majoritairement par des Aborigènes du détroit de Torres (1 164 habitants au recensement de 2016, dont 957 Aborigènes du continent ou des îles).
La péninsule est soumise à un climat tropical dépendant de la mousson (saison pluvieuse de novembre à avril), comme la proche Nouvelle-Guinée, et ses sols érodés, anciens et très peu fertiles ne se prêtent pas à des activités agricoles (sans compter les ravages occasionnés par les cyclones).
Sur place, à Somerset, les touristes qui ont le courage de monter jusque-là, peuvent encore admirer les ruines de Somerset Homestead, créée par John Jardine, le père de Franck, ainsi que le cimetière de Somerset Graves contenant, entre autres, les dépouilles de Franck et de son épouse samoane. Une plaque commémore également la tragique expédition d’Edmund B. Kennedy qui eut lieu en 1848.
Du sud au nord, les visiteurs passeront les bourgs de Lakeland, Laura, Cooktown (1 336 habitants, sur la côte est), Coen, Archer River Roadhouse, Lockhart River (côte est), Weipa (côte ouest) et enfin Bamaga à l’extrême nord, peuplés majoritairement par des Aborigènes du détroit de Torres (1 164 habitants au recensement de 2016, dont 957 Aborigènes du continent ou des îles).
Dix Kokoberrin tués
Le 16 décembre 1864, les frères Jardine et certains de leurs hommes se trouvèrent attaqués par des Aborigènes aujourd’hui identifiés, le clan des Kokoberrin. Ceux-ci, sans véritable raison estiment certains historiens, provoquèrent les hommes blancs qui ne menaçaient en aucun cas la tribu ; ils ne faisaient que passer sur les terres des Kokoberrin et les Jardine, plusieurs fois, en repérant des groupes d’indigènes, avaient d’ailleurs pris soin de changer de route pour éviter tout contact.
L’attaque du 16 décembre 1864 se solda par neuf ou dix morts du côté des Kokoberrin, aucun membre de l’expédition n’étant blessé.
Il est évidemment difficile de porter un jugement catégorique sur les responsabilités des uns et des autres, mais la lecture de l’événement montre que ne mettre en accusation qu’un seul parti (les Aborigènes ou les Blancs) est par trop réducteur. Reste que le commentaire laissé par un des frères Jardine révèle que la vie d’un Abo à l’époque n’avait pas grande valeur puisque le seul regret exprimé est que tous les dix membres de l’expédition n’aient pas été présents pour que la leçon donnée aux assaillants soit plus percutante encore...
Quant à la comptabilité morbide de ce périple, deux cents Aborigènes tués selon les frères Jardine, dont quarante-sept par le seul Franck, elle illustre l’antagonisme des deux rivaux, les autochtones et les Européens.
L’attaque du 16 décembre 1864 se solda par neuf ou dix morts du côté des Kokoberrin, aucun membre de l’expédition n’étant blessé.
Il est évidemment difficile de porter un jugement catégorique sur les responsabilités des uns et des autres, mais la lecture de l’événement montre que ne mettre en accusation qu’un seul parti (les Aborigènes ou les Blancs) est par trop réducteur. Reste que le commentaire laissé par un des frères Jardine révèle que la vie d’un Abo à l’époque n’avait pas grande valeur puisque le seul regret exprimé est que tous les dix membres de l’expédition n’aient pas été présents pour que la leçon donnée aux assaillants soit plus percutante encore...
Quant à la comptabilité morbide de ce périple, deux cents Aborigènes tués selon les frères Jardine, dont quarante-sept par le seul Franck, elle illustre l’antagonisme des deux rivaux, les autochtones et les Européens.