Tahiti, le 22 octobre 2021 - Il aurait pu, il aurait dû devenir célèbre, au même titre que d’autres Français ayant écumé les Mers du Sud au moment de leur exploration, mais malheureusement pour lui, Nicolas Baudin sombra dans l’oubli à peine enterré à l’île de France (actuelle île Maurice). Son expédition aux Terres Australes, décidée par Bonaparte, avait pourtant d’énormes ambitions scientifiques, au moins autant que la campagne d’Egypte qu’avait menée le “petit Corse”. Malheureusement pour Baudin, peu aimé de ses officiers, il fut écarté de la grande Histoire.
On doit à Nicolas Baudin une découverte importante et à tout le moins la fin d’un malentendu : avant 1800, beaucoup considéraient que l’Australie était composée de deux grandes terres séparées par un bras de mer, erreur que dissipa le Français grâce à une exploration minutieuse des côtes de l’île continent.
Les derniers Acadiens...
Mais avant d’évoquer ses découvertes, revenons un peu en arrière, le 17 février 1754 à Saint-Martin de Ré, sur l’île du même nom ; c’est à cette date que naquit le petit Nicolas d’un père plutôt riche commerçant et dont l’oncle, Jean Peltier Dudoyer, était armateur à Nantes.
Il eut une enfance protégée puisqu’il ne s’engagea qu’en 1769 dans la marine marchande, chez “tonton” ; c’est dire qu’il put étudier jusqu’à l’âge de quinze ans, ce qui était rare à l’époque. En 1774, il passa à la Compagnie française des Indes orientales (créée par Colbert le 27 août 1664). En 1776, il s’engagea au sein du régiment de Pondichéry puis participa en 1768 à la guerre d’indépendance des États-Unis, avant de revenir travailler sur les bateaux de Peltier Dudoyer. Ses missions étaient parfois teintées d’originalité, sinon d’exotisme ; ainsi transporta-t-il les derniers Acadiens de Nantes à la Nouvelle-Orléans.
Isle de France, Haïti, cap de Bonne Espérance, Baudin bourlingua tant et tant que lorsque l’Autriche décida de monter une vaste expédition d’exploration en Asie, il décrocha le titre de capitaine de la marine impériale en janvier 1792 (mais l’expédition en question tourna court du fait de contraintes météorologiques ; les navires essuyèrent deux cyclones avant de faire demi-tour).
On doit à Nicolas Baudin une découverte importante et à tout le moins la fin d’un malentendu : avant 1800, beaucoup considéraient que l’Australie était composée de deux grandes terres séparées par un bras de mer, erreur que dissipa le Français grâce à une exploration minutieuse des côtes de l’île continent.
Les derniers Acadiens...
Mais avant d’évoquer ses découvertes, revenons un peu en arrière, le 17 février 1754 à Saint-Martin de Ré, sur l’île du même nom ; c’est à cette date que naquit le petit Nicolas d’un père plutôt riche commerçant et dont l’oncle, Jean Peltier Dudoyer, était armateur à Nantes.
Il eut une enfance protégée puisqu’il ne s’engagea qu’en 1769 dans la marine marchande, chez “tonton” ; c’est dire qu’il put étudier jusqu’à l’âge de quinze ans, ce qui était rare à l’époque. En 1774, il passa à la Compagnie française des Indes orientales (créée par Colbert le 27 août 1664). En 1776, il s’engagea au sein du régiment de Pondichéry puis participa en 1768 à la guerre d’indépendance des États-Unis, avant de revenir travailler sur les bateaux de Peltier Dudoyer. Ses missions étaient parfois teintées d’originalité, sinon d’exotisme ; ainsi transporta-t-il les derniers Acadiens de Nantes à la Nouvelle-Orléans.
Isle de France, Haïti, cap de Bonne Espérance, Baudin bourlingua tant et tant que lorsque l’Autriche décida de monter une vaste expédition d’exploration en Asie, il décrocha le titre de capitaine de la marine impériale en janvier 1792 (mais l’expédition en question tourna court du fait de contraintes météorologiques ; les navires essuyèrent deux cyclones avant de faire demi-tour).
Nicolas Baudin, oublié de l’Histoire, car ce n’est pas lui qui rédigea le récit de son expédition mais deux hommes qui le haïssaient.
L’Australie dans la mire
La situation étant redevenue plus sereine en France après les écarts de la Révolution, Baudin, qui avait l’avantage de ne pas être noble, se vit nommer chef d’une expédition scientifique dans les Antilles, de 1796 à 1798.
Le 4 août 1798, il fut officiellement réintégré au sein de la marine française (on ne disait plus “la Royale” évidemment) et il soumit très vite à Bonaparte, alors Premier Consul, le projet d’une vaste expédition en Australie, dont les ambitions devraient être égales, au moins, à l’expédition en Egypte du même Premier Consul. Car Baudin était un malin : en 1800, les contours de l’Australie, la Nouvelle-Hollande, étaient très mal connus et pour un certain nombre de géographes, cette terre était en réalité coupée en deux grandes parties au niveau du golfe de Carpentarie. Ce qui signifiait que si l’expédition confirmait cette supposition, il n’y aurait qu’à laisser aux Britanniques la partie est de l’Australie, les Français pouvant à bon compte annexer la partie ouest.
Sur le papier, l’affaire était bigrement séduisante, mais malheureusement, à vouloir trop bien faire, on finit par se prendre les pieds dans le tapis : c’est ce qui se passa lorsque les deux corvettes réquisitionnées pour le voyage, le Géographe et le Naturaliste (capitaine Hamelin) héritèrent d’une bien trop importante brochette de scientifiques et savants de tout poil ; ils étaient ainsi vingt-trois, supposés couvrir tous les domaines des sciences : peintres et dessinateurs pour les illustrations, mais aussi géographes, astronomes, botanistes, zoologistes, minéralogistes, botanistes... Bref une foule de spécialistes, certains aguerris il est vrai, mais d’autres ignorant tout de la pratique et surtout des contraintes d’un voyage en mer de plusieurs années.
La situation étant redevenue plus sereine en France après les écarts de la Révolution, Baudin, qui avait l’avantage de ne pas être noble, se vit nommer chef d’une expédition scientifique dans les Antilles, de 1796 à 1798.
Le 4 août 1798, il fut officiellement réintégré au sein de la marine française (on ne disait plus “la Royale” évidemment) et il soumit très vite à Bonaparte, alors Premier Consul, le projet d’une vaste expédition en Australie, dont les ambitions devraient être égales, au moins, à l’expédition en Egypte du même Premier Consul. Car Baudin était un malin : en 1800, les contours de l’Australie, la Nouvelle-Hollande, étaient très mal connus et pour un certain nombre de géographes, cette terre était en réalité coupée en deux grandes parties au niveau du golfe de Carpentarie. Ce qui signifiait que si l’expédition confirmait cette supposition, il n’y aurait qu’à laisser aux Britanniques la partie est de l’Australie, les Français pouvant à bon compte annexer la partie ouest.
Sur le papier, l’affaire était bigrement séduisante, mais malheureusement, à vouloir trop bien faire, on finit par se prendre les pieds dans le tapis : c’est ce qui se passa lorsque les deux corvettes réquisitionnées pour le voyage, le Géographe et le Naturaliste (capitaine Hamelin) héritèrent d’une bien trop importante brochette de scientifiques et savants de tout poil ; ils étaient ainsi vingt-trois, supposés couvrir tous les domaines des sciences : peintres et dessinateurs pour les illustrations, mais aussi géographes, astronomes, botanistes, zoologistes, minéralogistes, botanistes... Bref une foule de spécialistes, certains aguerris il est vrai, mais d’autres ignorant tout de la pratique et surtout des contraintes d’un voyage en mer de plusieurs années.
Les trajets des bateaux de l’expédition de Baudin ; en explorant toute la partie sud et ouest de l’Australie, Baudin démontra que l’île-continent n’était pas formée de deux îles distinctes comme beaucoup le croyaient.
6 000 km de côtes à cartographier
Polytechnique, le Museum d’Histoire naturelle, l’Académie des Sciences, chacun y alla de son contingent de chercheurs aussi inexpérimentés qu’indisciplinés, tous ayant bien entendu une feuille de route à tenir, fut-ce au mépris des exigences de la navigation. Jusqu’à la toute jeune Société des observateurs de l’homme (société savante créée en 1799 et qui disparaîtra en 1804) qui avait préparé un programme très riche en termes d’anthropologie, de sociologie, d’ethnographie, de religions, de mythologies, de savoirs et de techniques.
Encore une fois, Baudin avait voulu charger la barque pour susciter l’intérêt de Bonaparte, il n’y réussit que trop, car il devait également revenir à bon port avec six milles kilomètres de côtes cartographiés en détail, côtes de l’Australie certes, mais aussi de la Tasmanie et de la Nouvelle-Guinée.
Polytechnique, le Museum d’Histoire naturelle, l’Académie des Sciences, chacun y alla de son contingent de chercheurs aussi inexpérimentés qu’indisciplinés, tous ayant bien entendu une feuille de route à tenir, fut-ce au mépris des exigences de la navigation. Jusqu’à la toute jeune Société des observateurs de l’homme (société savante créée en 1799 et qui disparaîtra en 1804) qui avait préparé un programme très riche en termes d’anthropologie, de sociologie, d’ethnographie, de religions, de mythologies, de savoirs et de techniques.
Encore une fois, Baudin avait voulu charger la barque pour susciter l’intérêt de Bonaparte, il n’y réussit que trop, car il devait également revenir à bon port avec six milles kilomètres de côtes cartographiés en détail, côtes de l’Australie certes, mais aussi de la Tasmanie et de la Nouvelle-Guinée.
Autoritaire et très dur
Les deux bateaux quittèrent le port du Havre le 19 octobre 1800, cap sur l’océan Indien avant le Pacifique. Dès les premiers jours, le caractère ombrageux de Baudin se révéla, au plus vif déplaisir de ses passagers et de ses officiers. Il n’aimait pas les civils, il était autoritaire, très dur avec l’équipage et devint de très mauvaise humeur quand il se rendit compte, très vite, que le Naturaliste avait bien du mal à suivre le Géographe, ce qui ne facilita pas la marche de l’expédition.
Les premiers éclats intervinrent dès l’escale aux Canaries, les scientifiques refusant que Baudin leur imposa un emploi du temps.
Au large de l’Afrique, Baudin, idée stupide, décida de longer les côtes au lieu de demeurer en plein Atlantique : résultat de ce mauvais calcul, quatre mois de retard dus à l’absence de vent au niveau de l’équateur. C’était la “pétole” totale que des tempêtes vinrent péniblement égayer ; du coup Baudin décida de ne pas faire escale au Cap, en Afrique du Sud, et parvint finalement à l’île Maurice (Îsle de France) à la mi-mars 1801, le scorbut frappant durement les deux navires.
A peine à l’ancre, une dizaine de savants quittèrent le bord, bien décidés à n’y point revenir, exaspérés par le caractère de Baudin, digne, selon eux, de celui du capitaine Bligh... Des matelots et même des officiers en profitèrent également pour déserter !
Les deux bateaux quittèrent le port du Havre le 19 octobre 1800, cap sur l’océan Indien avant le Pacifique. Dès les premiers jours, le caractère ombrageux de Baudin se révéla, au plus vif déplaisir de ses passagers et de ses officiers. Il n’aimait pas les civils, il était autoritaire, très dur avec l’équipage et devint de très mauvaise humeur quand il se rendit compte, très vite, que le Naturaliste avait bien du mal à suivre le Géographe, ce qui ne facilita pas la marche de l’expédition.
Les premiers éclats intervinrent dès l’escale aux Canaries, les scientifiques refusant que Baudin leur imposa un emploi du temps.
Au large de l’Afrique, Baudin, idée stupide, décida de longer les côtes au lieu de demeurer en plein Atlantique : résultat de ce mauvais calcul, quatre mois de retard dus à l’absence de vent au niveau de l’équateur. C’était la “pétole” totale que des tempêtes vinrent péniblement égayer ; du coup Baudin décida de ne pas faire escale au Cap, en Afrique du Sud, et parvint finalement à l’île Maurice (Îsle de France) à la mi-mars 1801, le scorbut frappant durement les deux navires.
A peine à l’ancre, une dizaine de savants quittèrent le bord, bien décidés à n’y point revenir, exaspérés par le caractère de Baudin, digne, selon eux, de celui du capitaine Bligh... Des matelots et même des officiers en profitèrent également pour déserter !
Les cales à demi vides...
Le 25 avril, Baudin repartit ; il espérait se voir doter d’un troisième bateau lors de cette escale, mais il n’obtint rien. Pressé, il mit les voiles à peine dix jours après avoir jeté ses ancres, malgré le manque évident de ravitaillement. Le gouverneur d’alors, Anne-Joseph-Hippolyte de Maurès de Malartic (qui mourut d’une congestion cérébrale le 28 juillet 1800), à défaut de lui fournir un navire, lui aurait pourtant volontiers confié plus de vivres, mais Baudin préféra filer au plus vite. Du coup, les cales à demi vides, il ne pouvait respecter les consignes, à savoir filer droit sur la Tasmanie.
Il préféra viser la côte ouest et nord de l’Australie, décidé à se ravitailler au Timor.
Le 27 mai, les deux bateaux français étaient au cap Leeuwin (un peu moins de trois cents kilomètres au sud de l’actuelle ville de Perth). Une brève escale dans la baie du Géographe, une semaine, ne permit de trouver ni eau ni vivres, tandis que les hommes d’équipage se heurtaient à l’hostilité des Aborigènes. Le 9 juin, les bateaux se perdirent de vue. Ils ne firent leur jonction que trois mois plus tard, au Timor.
Baudin continua donc seul, découvrit l’embouchure de la Swan River (où s’est bâtie Perth) puis mouilla ses ancres dans Shark Bay, située au beau milieu de la côte ouest de l’Australie. Le 11 juillet, impatient, Baudin donnait l’ordre du départ et continua sa lente remontée au nord : Terre de Witt, cap Murat, archipel Dampier, archipel Bonaparte, Baudin parvint au Timor le 18 août, Hamelin, à bord du Naturaliste, n’y parvenant qu’un mois plus tard.
Le 25 avril, Baudin repartit ; il espérait se voir doter d’un troisième bateau lors de cette escale, mais il n’obtint rien. Pressé, il mit les voiles à peine dix jours après avoir jeté ses ancres, malgré le manque évident de ravitaillement. Le gouverneur d’alors, Anne-Joseph-Hippolyte de Maurès de Malartic (qui mourut d’une congestion cérébrale le 28 juillet 1800), à défaut de lui fournir un navire, lui aurait pourtant volontiers confié plus de vivres, mais Baudin préféra filer au plus vite. Du coup, les cales à demi vides, il ne pouvait respecter les consignes, à savoir filer droit sur la Tasmanie.
Il préféra viser la côte ouest et nord de l’Australie, décidé à se ravitailler au Timor.
Le 27 mai, les deux bateaux français étaient au cap Leeuwin (un peu moins de trois cents kilomètres au sud de l’actuelle ville de Perth). Une brève escale dans la baie du Géographe, une semaine, ne permit de trouver ni eau ni vivres, tandis que les hommes d’équipage se heurtaient à l’hostilité des Aborigènes. Le 9 juin, les bateaux se perdirent de vue. Ils ne firent leur jonction que trois mois plus tard, au Timor.
Baudin continua donc seul, découvrit l’embouchure de la Swan River (où s’est bâtie Perth) puis mouilla ses ancres dans Shark Bay, située au beau milieu de la côte ouest de l’Australie. Le 11 juillet, impatient, Baudin donnait l’ordre du départ et continua sa lente remontée au nord : Terre de Witt, cap Murat, archipel Dampier, archipel Bonaparte, Baudin parvint au Timor le 18 août, Hamelin, à bord du Naturaliste, n’y parvenant qu’un mois plus tard.
Kangaroo Island au sud de l’Australie : déserte lorsque Baudin y passa, elle est aujourd’hui très touristique.
Des femmes “pas trop repoussantes”
Les Hollandais, à Kupang, furent d’une extrême courtoisie et accueillirent fort bien ces deux équipages que le scorbut n’avait pas épargnés. Tout le monde se refit une santé et Baudin repartit le 13 novembre, pour revenir sur ses pas en longeant la côte ouest puis sud de l’Australie jusqu’aux eaux de la Tasmanie alors appelée île Van Diemen. Le 13 janvier, les deux bateaux découvrirent le cap le plus au sud-ouest de la Tasmanie où ils séjournèrent trois mois. Ils étaient alors seuls ; et pour cause, les Britanniques n’avaient encore implanté aucun établissement, aucun comptoir commercial, aucun bagne non plus (ce qu’ils ne tarderont pas à faire, en 1833, à Port Arthur).
L’île était mal connue et Baudin en fit un tour complet, jalonnant son périple de noms français qui ont d’ailleurs souvent été conservés : canal d’Entrecasteaux, île Bruni, péninsule Tasman, île Maria, péninsule Freycinet, île Schouten.
En Tasmanie, les marins trouvèrent de l’eau en abondance, des Aborigènes plutôt accueillants, en tous les cas pas hostiles et leurs femmes furent jugées “pas trop repoussantes”. On comprendra le sens de l’euphémisme. Malgré tout, le zoologiste Maugé décéda à l’île Maria et le géographe Boulanger disparut avec sa chaloupe.
Les Hollandais, à Kupang, furent d’une extrême courtoisie et accueillirent fort bien ces deux équipages que le scorbut n’avait pas épargnés. Tout le monde se refit une santé et Baudin repartit le 13 novembre, pour revenir sur ses pas en longeant la côte ouest puis sud de l’Australie jusqu’aux eaux de la Tasmanie alors appelée île Van Diemen. Le 13 janvier, les deux bateaux découvrirent le cap le plus au sud-ouest de la Tasmanie où ils séjournèrent trois mois. Ils étaient alors seuls ; et pour cause, les Britanniques n’avaient encore implanté aucun établissement, aucun comptoir commercial, aucun bagne non plus (ce qu’ils ne tarderont pas à faire, en 1833, à Port Arthur).
L’île était mal connue et Baudin en fit un tour complet, jalonnant son périple de noms français qui ont d’ailleurs souvent été conservés : canal d’Entrecasteaux, île Bruni, péninsule Tasman, île Maria, péninsule Freycinet, île Schouten.
En Tasmanie, les marins trouvèrent de l’eau en abondance, des Aborigènes plutôt accueillants, en tous les cas pas hostiles et leurs femmes furent jugées “pas trop repoussantes”. On comprendra le sens de l’euphémisme. Malgré tout, le zoologiste Maugé décéda à l’île Maria et le géographe Boulanger disparut avec sa chaloupe.
Rencontre avec Flinders
La mission accomplie, Baudin jugea qu’il était temps de revenir sur les côtes méridionales de l’Australie : toute cette zone fut pompeusement baptisée Terre Napoléon et le 18 avril, le Géographe, ayant perdu de vue le Naturaliste, crut le retrouver en voyant des voiles sur l’horizon : surprise, il s’agissait de Matthew Flinders, explorateur britannique qui, peu ou prou, était chargé de la même mission que Baudin. Flinders arrivait de l’ouest et les deux capitaines sympathisèrent sans pouvoir être d’un grand secours l’un pour l’autre, tous les deux souffrant du manque de vivres frais.
Du coup, sachant qu’il n’allait plus découvrir grand-chose après Flinders, Baudin mit le cap à l’ouest et reconnut les deux golfes de Spencer et de Saint-Vincent ainsi que l’île Kangourou (au sud-ouest d’Adélaïde). Baudin mouilla ses ancres à Port Lincoln ; sur place, la situation vira au cauchemar ; peu d’eau (croupie), presque plus de vivres, marins et savants tous atteints du scorbut, Baudin lui-même très malade... La situation exigeait du chef de l’expédition qu’il se décida à naviguer au plus vite vers la colonie britannique de Port Jackson (Sydney) pour sauver ses équipages. Sur place, les Anglais furent courtois et laissèrent les Français reprendre des forces.
La mission accomplie, Baudin jugea qu’il était temps de revenir sur les côtes méridionales de l’Australie : toute cette zone fut pompeusement baptisée Terre Napoléon et le 18 avril, le Géographe, ayant perdu de vue le Naturaliste, crut le retrouver en voyant des voiles sur l’horizon : surprise, il s’agissait de Matthew Flinders, explorateur britannique qui, peu ou prou, était chargé de la même mission que Baudin. Flinders arrivait de l’ouest et les deux capitaines sympathisèrent sans pouvoir être d’un grand secours l’un pour l’autre, tous les deux souffrant du manque de vivres frais.
Du coup, sachant qu’il n’allait plus découvrir grand-chose après Flinders, Baudin mit le cap à l’ouest et reconnut les deux golfes de Spencer et de Saint-Vincent ainsi que l’île Kangourou (au sud-ouest d’Adélaïde). Baudin mouilla ses ancres à Port Lincoln ; sur place, la situation vira au cauchemar ; peu d’eau (croupie), presque plus de vivres, marins et savants tous atteints du scorbut, Baudin lui-même très malade... La situation exigeait du chef de l’expédition qu’il se décida à naviguer au plus vite vers la colonie britannique de Port Jackson (Sydney) pour sauver ses équipages. Sur place, les Anglais furent courtois et laissèrent les Français reprendre des forces.
Sauver les collections
La mortalité avait été effrayante au cours du périple (loin d’être terminé) et Baudin, pessimiste, n’excluait pas une fin tragique. Or il ne pouvait se résoudre à prendre le risque de perdre les collections déjà amassées à bord des bateaux ; il décida de toutes les charger sur le Naturaliste et de renvoyer celui-ci en France par la route de l’océan Indien, dans l’idée de sauver ce qui pouvait l’être.
On le sait, Baudin n’avait pas un caractère facile et il avait peur que cette mission, si elle se finissait mal, n’entraîne sa disgrâce, surtout s’il n’en ramenait rien de tangible. Hamelin prit donc la route du retour tandis que Baudin acheta sur place une petite goélette, la Casuarinaqui ne demandait pas un équipage très nombreux et qui était rapide et maniable.
Les trois navires quittèrent Port Jackson le 18 novembre en direction de l’île King, dans le détroit de Bass (séparant l’Australie du sud de la Tasmanie). Hamelin prit la route du retour tandis que Baudin et ses deux navires, à partir du 10 décembre, recommencèrent à explorer la terre Napoléon et la Terre de Nuyts (en plus clair, toute la côte sud de l’île-continent). Petit à petit, ils revinrent sur les sites qu’ils avaient commencé à explorer au début de leur voyage, bouclant ainsi leur exploration de l’Australie, qui formait une seule et même île, une île continent, certes, mais une île et non pas deux comme beaucoup le pensaient...
La mortalité avait été effrayante au cours du périple (loin d’être terminé) et Baudin, pessimiste, n’excluait pas une fin tragique. Or il ne pouvait se résoudre à prendre le risque de perdre les collections déjà amassées à bord des bateaux ; il décida de toutes les charger sur le Naturaliste et de renvoyer celui-ci en France par la route de l’océan Indien, dans l’idée de sauver ce qui pouvait l’être.
On le sait, Baudin n’avait pas un caractère facile et il avait peur que cette mission, si elle se finissait mal, n’entraîne sa disgrâce, surtout s’il n’en ramenait rien de tangible. Hamelin prit donc la route du retour tandis que Baudin acheta sur place une petite goélette, la Casuarinaqui ne demandait pas un équipage très nombreux et qui était rapide et maniable.
Les trois navires quittèrent Port Jackson le 18 novembre en direction de l’île King, dans le détroit de Bass (séparant l’Australie du sud de la Tasmanie). Hamelin prit la route du retour tandis que Baudin et ses deux navires, à partir du 10 décembre, recommencèrent à explorer la terre Napoléon et la Terre de Nuyts (en plus clair, toute la côte sud de l’île-continent). Petit à petit, ils revinrent sur les sites qu’ils avaient commencé à explorer au début de leur voyage, bouclant ainsi leur exploration de l’Australie, qui formait une seule et même île, une île continent, certes, mais une île et non pas deux comme beaucoup le pensaient...
Une fin peu glorieuse
L’expédition de Baudin ne se termina pas lorsque le Naturaliste reprit le chemin du retour. Longer la Terre Napoléon et la Terre de Nuyts n’était pas une petite affaire, d’autant que Baudin avait décidé d’en faire un relevé détaillé. Il explora quelques îles (Saint-François et Saint-Pierre, l’archipel de la Recherche), redécouvrit le port du roi George, nommé par Vancouver, là où se dresse aujourd’hui la petite ville d’Albany.
Un long calvaire interrompu
En mars 1803, les Français étaient toujours à la peine et après avoir revu la baie du Géographe, ils firent encore quelques découvertes dont le port Leschenault (actuel Bunbury Harbour). Suivirent Shark Bay, la Terre de Witt, décidément totalement stérile, et enfin le 6 mai, ce fut le retour tant espéré au Timor : autant l’avouer, les équipages de la petite Casuarina et du Geographe étaient dans un état lamentable, sauf le naturaliste François Peron qui, dit-on, aidé par des indigènes il est vrai, parvint à capturer un crocodile d’eau salée (un “salt water”) long de six mètres, destiné au Museum d’histoire naturelle de Paris.
Baudin, littéralement hanté par sa mission, alors qu’il était très faible, décida le 3 juin de continuer son long calvaire jusqu’au détroit de Torres, mais il fut obligé de faire demi-tour après le golfe de Bonaparte. C’était une folie que de ne pas rester un peu plus longtemps au Timor, mais Baudin n’était peut-être pas dupe de ses chances de revoir la France quelle que soit sa décision : il était en effet atteint de phtisie, comprenez de tuberculose, et, sauf miracle, il n’avait guère d’espoir, mal nourri et mal soigné à bord d’un bateau à l’inconfort certain, de revoir sa terre natale.
Baudin, littéralement hanté par sa mission, alors qu’il était très faible, décida le 3 juin de continuer son long calvaire jusqu’au détroit de Torres, mais il fut obligé de faire demi-tour après le golfe de Bonaparte. C’était une folie que de ne pas rester un peu plus longtemps au Timor, mais Baudin n’était peut-être pas dupe de ses chances de revoir la France quelle que soit sa décision : il était en effet atteint de phtisie, comprenez de tuberculose, et, sauf miracle, il n’avait guère d’espoir, mal nourri et mal soigné à bord d’un bateau à l’inconfort certain, de revoir sa terre natale.
Mort dans l’indifférence
Ce baroud d’honneur en direction du détroit de Torres fut suivi d’une longue traversée de l’océan Indien. Baudin était si malade qu’il demeura alité la majeure partie du temps, confiant le commandement à Louis-Henri de Freycinet, qui ancra à Port-Louis (île Maurice) le 7 août. Baudin fut expédié à terre où son agonie, dans l’indifférence générale, se termina le 16 septembre. Le Geographe ne revit le port de Lorient, avec les survivants d’une expédition tragique, que le 25 mars 1804. Le pire, en quelque sorte, était à venir pour Nicolas Baudin, enterré à Maurice, mais qui eut encore à subir l’affront suprême : il ne risquait pas de publier le compte-rendu de ce voyage et ce sont donc François Peron, puis à la mort de celui-ci, Louis de Freycinet, qui s’attelèrent à cette mission.
Outre une carte détaillée du contour précis de l’Australie, publiée en 1807, les collections ramenées comme les pièces d’ethnologie furent bien plus conséquentes que ce que les prédécesseurs Anglais et Français de Baudin avaient pu recueillir, mais les deux auteurs, François Peron et Louis de Freycinet, décidés à envoyer Baudin aux oubliettes, ne le citèrent jamais dans leurs travaux et publications.
Outre une carte détaillée du contour précis de l’Australie, publiée en 1807, les collections ramenées comme les pièces d’ethnologie furent bien plus conséquentes que ce que les prédécesseurs Anglais et Français de Baudin avaient pu recueillir, mais les deux auteurs, François Peron et Louis de Freycinet, décidés à envoyer Baudin aux oubliettes, ne le citèrent jamais dans leurs travaux et publications.
Sauvée par Joséphine
180 000 échantillons (faune et flore), deux mille cinq cents espèces découvertes, le naturaliste Cuvier célèbrera avec emphase l’importance majeure de cette expédition autour de l’Australie. Mais en 1804, Bonaparte avait d’autres chats à fouetter qu’à s’occuper de science naturelle. Il était loin le temps de l’expédition en Egypte... Surprenant en revanche, ce fut son épouse, Joséphine, qui recueillit une partie des collections vivantes, entendez des plantes surtout, qu’elle acclimata à la Malmaison.
François Peron, désespérant de voir ses recherches reconnues à leur juste valeur, résuma son travail devant l’Académie des Sciences ; son rapport plut beaucoup puisqu’il en devint membre dès 1805. Mais malheureusement pour lui, il décéda en 1810 à l’âge de trente-cinq ans de la tuberculose, cette même tuberculose qui avait emporté son ennemi juré, Nicolas Baudin.
1814 sonna la fin de l’Empire : la Restauration ne voulait pas travailler à la gloire d’une expédition lancée par Napoléon Bonaparte, et, plus royaliste que le roi, les mandarins de la science d’alors préférèrent s’attarder sur les résultats de l’expédition de l’Anglais Flinders que Baudin avait rencontré devant les côtes australiennes. Le géographe Conrad Malte-Brun lança le bouchon encore plus loin en évoquant “Sur le plagiat impérial” la maigreur et le manque d’intérêt des découvertes de l’expédition Baudin.
François Peron, désespérant de voir ses recherches reconnues à leur juste valeur, résuma son travail devant l’Académie des Sciences ; son rapport plut beaucoup puisqu’il en devint membre dès 1805. Mais malheureusement pour lui, il décéda en 1810 à l’âge de trente-cinq ans de la tuberculose, cette même tuberculose qui avait emporté son ennemi juré, Nicolas Baudin.
1814 sonna la fin de l’Empire : la Restauration ne voulait pas travailler à la gloire d’une expédition lancée par Napoléon Bonaparte, et, plus royaliste que le roi, les mandarins de la science d’alors préférèrent s’attarder sur les résultats de l’expédition de l’Anglais Flinders que Baudin avait rencontré devant les côtes australiennes. Le géographe Conrad Malte-Brun lança le bouchon encore plus loin en évoquant “Sur le plagiat impérial” la maigreur et le manque d’intérêt des découvertes de l’expédition Baudin.
Des écrits...
Le Géographe et le Naturaliste sur le journal de Nicolas Baudin, qui ne fut publié en Australie qu’en 1974.
L’odyssée de l’expédition Baudin, malgré le décès de son leader, eut bien entendu des suites en termes d’édition.
Soutenu par Cuvier, François Péron édita en 1807 la première partie de Voyage aux Terres Australes (deux tomes). Cette narration fut accompagnée d’un Atlas historique.
François Péron décédé en 1810, Louis-Claude de Freycinet, ancien capitaine de la Casuarina, publia en 1812 l’Atlas de navigation, suivi en 1815 d’un volume de Navigation et Géographie. En 1816, il publia la suite du Voyage aux Terres Australes. Ce Louis-Claude de Freycinet ne doit pas être confondu avec l’homme qui prit la tête de l’expédition après le décès de Nicolas Baudin, à savoir Louis-Henri de Freycinet (ils étaient frères).
Pour les férus d’histoire, signalons toutefois qu’en 1974, une maison d’édition australienne a publié le journal de Nicolas Baudin, ce qui a permis de situer le personnage avec plus de précision (The journal of Post Captain Nicolas Baudin, Commander-in-Chief of the Corvettes Géographe and Naturaliste ; assigned by order of the government to a voyage of discovery). On y apprend que Baudin n’était pas le monstre de sévérité décrit par ses ennemis (Peron et de Freycinet).
Quant à la Royale, la marine française donc, elle tira une leçon majeure de cette mission marquée par les querelles de personnes : désormais, elle n’embarquerait plus, pour les voyages d’exploration, que des scientifiques militaires. Les civils resteront à terre...
Soutenu par Cuvier, François Péron édita en 1807 la première partie de Voyage aux Terres Australes (deux tomes). Cette narration fut accompagnée d’un Atlas historique.
François Péron décédé en 1810, Louis-Claude de Freycinet, ancien capitaine de la Casuarina, publia en 1812 l’Atlas de navigation, suivi en 1815 d’un volume de Navigation et Géographie. En 1816, il publia la suite du Voyage aux Terres Australes. Ce Louis-Claude de Freycinet ne doit pas être confondu avec l’homme qui prit la tête de l’expédition après le décès de Nicolas Baudin, à savoir Louis-Henri de Freycinet (ils étaient frères).
Pour les férus d’histoire, signalons toutefois qu’en 1974, une maison d’édition australienne a publié le journal de Nicolas Baudin, ce qui a permis de situer le personnage avec plus de précision (The journal of Post Captain Nicolas Baudin, Commander-in-Chief of the Corvettes Géographe and Naturaliste ; assigned by order of the government to a voyage of discovery). On y apprend que Baudin n’était pas le monstre de sévérité décrit par ses ennemis (Peron et de Freycinet).
Quant à la Royale, la marine française donc, elle tira une leçon majeure de cette mission marquée par les querelles de personnes : désormais, elle n’embarquerait plus, pour les voyages d’exploration, que des scientifiques militaires. Les civils resteront à terre...
À lire
Pour les collectionneurs de livres anciens :
- François Peron (récit achevé par Louis-Claude de Freycinet) Voyages de découvertes aux Terres Australes sur les corvettes Le Géographe, Le Naturaliste et la goélette Le Casuarina pendant les années 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804 (2 volumes in-4 complétés par un grand atlas.
- Jules Verne : Les Grands navigateurs du XVIIIe siècle (1879).
- R. Bouvier, E. Maynial : Une Aventure dans les mers australes. L’expédition du commandant Baudin (1947).
- J.-P. Faivre : Nicolas Baudin, explorateur de l’Australie, 1800-1803 (1975).