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14 ans ferme pour l'oncle incestueux


Tahiti, le 7 juin 2023 - La première session de cour criminelle en Polynésie s'est achevée mercredi avec le procès d'un agriculteur de 39 ans poursuivi pour des viols et des agressions sexuelles commis sur deux de ses nièces alors que ces dernières étaient mineures. L'homme, qui a prétendu qu'il entretenait une histoire d'amour avec l'une des deux victimes, a été condamné à 14 ans de réclusion criminelle. 
 
Après la condamnation, mardi, d'un homme poursuivi pour des violences commises sur sa femme à 12 ans de prison ferme, la cour criminelle s'est penchée mercredi sur le cas d'un agriculteur de 39 ans poursuivi pour des viols commis sur l'une de ses nièces et des agressions sexuelles perpétrées sur une autre de ses nièces. L'individu, jusque-là inconnu de la justice, était également poursuivi pour avoir fait fumer du paka aux deux victimes mineures avant d'abuser d'elles. 
 
C'est à la suite d'un premier signalement émis par une psychologue de la Direction des solidarités, de la famille et de l'égalité (DFSE) que le parquet de Papeete avait ouvert une enquête en juin 2020. La praticienne avait en effet recueilli le témoignage d'une adolescente de 17 ans qui accusait son oncle et voisin de l'avoir violée à deux reprises lorsqu'elle avait 10 puis 13 ans. La mineure avait également indiqué que son agresseur lui avait fait fumer du paka avant de lui imposer des rapports forcés. Un peu moins de deux ans plus tard et alors que l'accusé était sous contrôle judiciaire dans le cadre de cette première affaire, un nouveau signalement avait été transmis à la justice sur des faits d'agressions sexuelles concernant une autre de ses nièces, également mineure. Lors de ses gardes à vue, l'accusé avait reconnu les faits en expliquant notamment qu'il avait vécu une histoire d'amour avec sa première victime. 
 
Érotomanie
 
Lors de l'audience mercredi, l'expert psychologue qui a examiné le quadragénaire dans le cadre de cette affaire a d'ailleurs expliqué que les déclarations selon lesquelles la première victime était amoureuse de son agresseur démontraient que l'accusé souffrait peut-être d'érotomanie. “C'est un trouble caractérisé. Pour lui, elle était à l'origine des faits”. Face à la cour, l'expert a par ailleurs rappelé que l'accusé n'avait jamais eu de rapport sexuel avant de commettre son premier viol. “L'on peut penser qu'il se sentait mal à l'aise avec les femmes et qu'il s'est tourné vers de jeunes enfants car ces derniers sont plus faciles à manipuler.” En l'absence de l'expert psychiatre qui avait examiné l'intéressé, le président de la cour a rappelé que le spécialiste avait relevé un risque de récidive élevé chez l'accusé qu'il avait estimé quasiment incurable. 
 
Interrogée par la cour, la première victime de l'accusé a expliqué qu'elle en voulait beaucoup à la psychologue de la DSFE qui avait signalé les viols commis sur sa personne. La jeune femme, désormais majeure, a assuré qu'elle aurait préféré “oublier”, “mettre un trait sur tout cela” et avoir une “nouvelle vie”. “J'ai vu un grand changement dans ma vie, je n'étais plus la même et je me suis réfugiée dans la nourriture et le paka. Pendant ces instants, je pouvais penser à autre chose.” Entendue à son tour, la seconde victime a elle aussi expliqué qu'elle fumait du paka pour “oublier” même si cela “revient”. Face à ces témoignages, l'accusé s'est montré confus et imprécis en changeant plusieurs fois de version. 
 
“Négation des interdits”
 
Alors que l'accusé encourait une peine maximale de vingt ans de prison, le procureur général, Thomas Pison, a requis 15 ans de réclusion criminelle à son encontre en insistant sur la “gravité” des faits. “Violer, c'est nier l'existence même d'autrui, c'est dénier à l'autre son statut d'humain, c’est-à-dire le priver de la possibilité de faire connaître ses propres sentiments. Et violer une enfant, c'est la négation de tous les interdits”, a-t-il rappelé avant de revenir sur le risque élevé de récidive relevé par les experts. Le procureur général a également profité de ses réquisitions pour rappeler que le parquet général avait demandé à la chancellerie de ne pas instaurer la cour criminelle en Polynésie car cela “prive les citoyens, au nom desquels la justice est rendue, de la connaissance des crimes commis sur leur territoire, du contexte social et humain de l'écosystème dans lequel ils vivent”. 
 
Pour la défense du quadragénaire, Me Solène Rebeyrol a insisté lors de sa plaidoirie sur l'expertise produite par le psychologue qui avait rencontré l'accusé : “La singularité de ce dossier réside dans le rapport de l'expert qui a relevé une érotomanie. Mon client reconnaît des pulsions sexuelles mais dans son esprit, il a eu une relation amoureuse avec sa première victime. Tous les signes étaient déformés pour arriver à une forme d'acceptation.”
 
Après en avoir délibéré durant environ une heure, la cour criminelle a condamné l'accusé à 14 ans de prison assortis d'une peine de sûreté de sept ans. 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 7 Juin 2023 à 20:03 | Lu 2425 fois