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12 ans ferme pour un enfer conjugal


Tahiti, le 6 juin 2023 - Un homme de 39 ans a été jugé mardi par la cour criminelle pour avoir violé, menacé et séquestré son ex-compagne. Au terme d'une journée de débats, l'accusé a été condamné à douze ans de réclusion criminelle tel que cela avait été requis par l'avocat général. 
 
La première session de cour criminelle en Polynésie s'est ouverte mardi matin au palais de justice de Papeete avec le procès d'un homme de 39 ans poursuivi pour des faits de viols, de séquestration et de menaces de mort commis entre février 2020 et novembre 2021 sur son ex-compagne qui a longuement témoigné sur son calvaire.
 
Cette affaire, particulièrement marquante du fait de son extrême violence, avait débuté au matin du 4 novembre 2021 lorsque les gendarmes avaient été appelés à intervenir à Paea dans la maison d'un couple connu pour des disputes sur fond d'alcoolisation massive. Appelés en renfort par les policiers municipaux de la commune, les militaires avaient constaté sur place que l'accusé menaçait sa concubine avec un couteau et ce, alors qu'il avait “cadenassé” leur maison afin qu'elle ne puisse pas en sortir. Au terme d'un peu moins de deux heures de négociations, l'homme avait finalement été interpellé. Entendue par les gendarmes, sa compagne avait expliqué qu'elle était régulièrement victime de violences, de menaces et qu'elle avait été violée à trois reprises par l'accusé. Une semaine auparavant, l'homme avait essayé de la noyer sur la plage devant plusieurs témoins. 
 
“Fragilité narcissique”
 
Six mois après l'entrée en vigueur de la loi qui prévoit désormais que les crimes punis de vingt ans de prison et moins soient jugés par des magistrats professionnels et non par un jury populaire, l'accusé a donc été présenté mardi devant la cour criminelle composée de cinq magistrats professionnels. Tel qu'il en est d'usage en matière criminelle, la cour a tout d'abord abordé la personnalité de l'intéressé, un homme décrit comme travailleur qui a déjà été condamné et incarcéré pour plusieurs épisodes de violences conjugales. Entendue en qualité de témoin, l'ex-compagne de l'accusé a ensuite fait état à la barre du calvaire que lui avait fait subir ce dernier au cours de leur relation en relatant notamment un viol commis avec une barre à mine. 
 
Selon l'experte psychiatre, l'accusé est un homme qui souffre d'une grande “fragilité narcissique” doublée d'une “absence d'empathie” révélatrice de traits de personnalité “antisociaux”. À la barre, le médecin a expliqué que le trentenaire ne pouvait pas être pris en charge sur le “plan psychiatrique” mais qu'il devait être “cadré” en prenant l'exemple d'une intégration dans l'armée. Une analyse qui a passablement agacé l'avocate de l'accusé, Me Karina Chouini. 
 
“Survie”
 
Au terme de la matinée, la parole a été donnée à la victime qui a longuement expliqué à la barre qu'elle s'était mise en couple avec l'accusé après avoir quitté son mari. “On a sombré dans l'alcool, on en buvait partout”, a-t-elle ainsi expliqué avant d'évoquer sa vie cabossée par la violence et la précarité car “on ne parle pas de vie mais de survie, surtout pour des personnes défavorisées”. Le président de la cour a d'ailleurs rappelé que la victime avait été hospitalisée par le passé car elle souffrait d'une sévère dépression et d'un état de stress post-traumatique. Pour sa défense, Me Temanava Bambridge a dénoncé l'état d’“emprise totale” dans lequel se trouvait sa cliente : “Dans ces cas, on ne peut pas réagir. Ces personnes culpabilisent et s'excusent d'être victimes.”
 
Même dénonciation de cet état d'emprise du côté de l'avocat général qui a succédé à Me Temanava Bambridge pour rappeler que l'accusé, qui a tenté de noyer la victime, aurait pu être poursuivi pour “tentative de meurtre” devant la cour d'assises. Considérant que même si elle est “critiquée”, la prison est un “mal nécessaire”, le représentant du ministère public a requis 12 ans de prison ferme à l'encontre de l'accusé car on ne peut “tolérer que des femmes meurent à cause d'hommes comme lui”. 
 
Face à l'extrême gravité des faits reprochés à son client, Me Karina Chouini, a, quant à elle, assuré lors de sa plaidoirie qu'“il n'y a pas de bourreau sans victime” et qu'elle ne comprenait pas que l'on “revienne vers son bourreau” quand on est “victime de violence”. Après en avoir délibéré, la cour a suivi les réquisitions de l'avocat général en condamnant l'accusé à 12 ans de réclusion criminelle. 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 6 Juin 2023 à 19:39 | Lu 1904 fois