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100 millions de francs pour dératiser six îles de Polynésie et sauver les oiseaux


Le Chevalier des Tuamotu - Photo Steve Cranwell
Le Chevalier des Tuamotu - Photo Steve Cranwell
PAPEETE, le 1er juin 2015. L'association Manu, en partenariat avec des associations d'envergure mondiale, vient de lancer un très gros projet en Polynésie. Pour presque 100 millions Fcfp de budget et avec une équipe internationale de 30 personnes mobilisées dans les îles pendant un mois, ce sont six atolls des Tuamotu et des Gambier qui seront restaurés et délivrés des rats et autres espèces invasives.


800 000 euros (95.5 millions de Fcfp) pour tuer des rats ça peut sembler beaucoup, mais c'est pourtant nécessaire. C'est le projet titanesque, qui a commencé cette semaine, mené par Manu, BirdLife International et Island Conservation pour sauver plusieurs espèces d'oiseaux endémiques des atolls de Polynésie.

Car en matière de préservation des espèces menacées, il faut parfois prendre le taureau par les cornes pour sauver une lignée avant qu'il ne soit trop tard. Et justement, aux Tuamotu (les îles Actéon plus précisément) et aux Gambier, six espèces d'oiseaux endémiques ainsi qu'une quinzaine d'espèces d'oiseaux marins qui viennent y nicher sont en danger.

En effet, les oiseaux introduits, le rat noir, les lapins, et les chats sauvages sont en train de rapidement les exterminer, et si rien n'est fait il sera bientôt trop tard pour restaurer ces îles dans leur biodiversité originelle.

C'est pourquoi l'ONG BirdLife International et Island Conservation (de Nouvelle Zélande) se sont mobilisés avec l'association polynésienne. 800 000 euros ont été offerts pour restaurer six îles de Polynésie. Pour réunir cette somme, la Communauté Européenne, Island Conservation (USA), la fondation américaine Packard, le laboratoire BELL (USA), BirdLife international, la Pacific Development and conservation Trust de Nouvelle Zélande, Fonds Biomes (WWF) et de nombreux donateurs privés ont uni leurs forces.

Un hélicoptère et un an d'interdiction de pêche

L'hélicoptère lors de ses derniers tests la semaine dernière - Photo Luc Franc de Ferrière
L'hélicoptère lors de ses derniers tests la semaine dernière - Photo Luc Franc de Ferrière
Un hélicoptère sera mobilisé pour répandre le raticide sur les îles. Sur chacune des îles, une équipe au sol surveillera le déroulement des opérations. 600 kg de riz et des tonnes de vivres ont été embarqués pour permettre à 27 personnes de rester un mois sur place, du 4 juin au 4 juillet.

A l'issue du traitement, les îles seront interdites à la pêche pendant un an. Poisson, crabes et crustacés ne seront pas impactés par le traitement, mais ne seront plus consommables. Une décision qui a été prise avec les habitants, et qui est acceptée.

Plus tard, quand les îles seront libérées de ces espèces introduites et des zones tampons effectuées, il sera temps de réintroduire les plantes qui les peuplaient avant l'arrivée des lapins et autres arbres invasifs, puis de surveiller l'évolution des populations d'oiseaux, voire même d'en réintroduire certaines. Ainsi, les Chevalier des Tuamotu ("titi" en paumotu) et les Gallicolombe érythroptère ("Tutururu") pourraient revenir à Vahanga et Tenarunga.

Les oiseaux et les locaux grands gagnants

Pour les populations locales, la récolte du coprah sera assurée, le risque de leptospirose diminuera et une nouvelle activité éco-touristique pourrait apparaitre… De quoi accepter ce traitement très lourd pour leurs îles.

Jean Kapé, le vice-président de la SOP Manu, insiste : "La Polynésie française est constamment en train de perdre nombre de ses oiseaux indigènes, moins de 50 Tutururu sont encore présents à l’échelle mondiale. À moins que des mesures immédiates soient prises pour éliminer ces prédateurs introduits des quelques îles où les Tutururu survivent encore, ces oiseaux uniques seront perdus pour toujours. Nous voulons faire en sorte que cet oiseau très spécial ne perdure pas seulement sur des photographies et des timbres-poste."

Don Stewart, le directeur de BirdLife International pour le Pacifique ajoute que "en plus des oiseaux menacés comme le "Tutururu" et le "Titi", ces îles abritent plus de trois-quarts de tous les oiseaux de mer qui se reproduisent en Polynésie française et l’élimination des rats contribuera également à sauvegarder ce "capital oiseau de mer. Rarement avons-nous la chance d'avoir un tel impact sur la conservation des oiseaux et d'autres composantes de la biodiversité insulaire à travers un seul et même projet".

Une équipe internationale

Avec l’appui d’experts de Nouvelle-Zélande où ces techniques ont été expérimentées depuis plus de 40 ans, des biologistes de Polynésie Française, de la Réunion, des Fidji, des États-Unis, du Canada et d’Australie, accompagnés d’habitants des Actéon et des Gambier, vont passer au moins un mois sur chacune des six îles traitées.

Ils vont éliminer tous les rats et mener des recherches sur le Tutururu (Alopecoenas erythropterus) et le Chevalier des Tuamotu ou "Titi" (Prosobonia parvirostris) deux des oiseaux polynésiens les plus menacées.

Gallicolombe érythroptère©Jean Kape
Gallicolombe érythroptère©Jean Kape

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 1 Juin 2015 à 14:54 | Lu 1600 fois