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​Shanghai se déconfine, mais le mal est déjà fait pour les PME


Photo : HECTOR RETAMAL / AFP.
Photo : HECTOR RETAMAL / AFP.
Hangzhou, Chine | AFP | 1er juin 2022 – “Une pente très raide” : étranglés par les restrictions sanitaires, contraints de licencier pour survivre, les patrons de PME chinoises voient dans l'actuel déconfinement de Shanghai davantage une petite bouffée d'oxygène temporaire qu'un soulagement durable.
 
Grâce à son port, l'un des plus importants au monde, la capitale économique chinoise tient une place stratégique dans les chaînes d'approvisionnement. Son rayonnement profite à une multitude d'usines et de petites entreprises de la région, qui travaillent pour le compte de multinationales, comme le constructeur automobile Tesla ou le géant informatique Apple. La mise sous cloche totale de la métropole début avril a porté un coup rude à l'activité locale et fragilise, par ricochet, la croissance de la seconde économie mondiale.
 
Des milliers de PME tentent depuis de survivre, à l'image de celle de M. Zhou, qui produit du textile à la périphérie de Shanghai. Le propriétaire, qui ne souhaite pas donner son nom complet et insiste pour que son entreprise ne soit pas identifiée, a vu ses commandes s'évaporer à cause du confinement. Les ventes sont sur “une pente très raide”, indique l'entrepreneur installé dans la dynamique province du Zhejiang (est), qui borde Shanghai. “Je vais devoir licencier des gens”, affirme-t-il à l'AFP, en quête désespérée de clients.
 
“Encore du chemin”
 
En dépit d'un faible nombre de cas positifs comparé à nombre d'autres pays, la Chine continue à appliquer une stratégie sanitaire zéro Covid. Elle consiste notamment à imposer quarantaines et confinements dès l'apparition de quelques cas. Fermement défendue par le président Xi Jinping, cette politique a de lourdes répercussions sur l'économie, avec nombre de commerces fermés, des usines qui fonctionnent au ralenti et des chaînes de production très perturbées. “Je ne sais pas combien le confinement m'a fait perdre”, déclare à l'AFP Xu Xuebing, patron du fournisseur de bois Sam Wood, basé à Shanghai.
Le confinement de la plus grande ville de Chine a exacerbé les difficultés et mis davantage sous pression les chaînes d'approvisionnement. Que ce soient “les usines en aval, les vendeurs ou les entreprises, tout le monde est touché”, relève M. Xu.
Avant même la mise sous cloche de Shanghai, l'activité manufacturière en Chine était déjà tombée en mars à son niveau le plus bas depuis deux ans, lésée par des confinements dans le nord-est, bastion de l'industrie automobile, et dans la métropole technologique de Shenzhen (sud).
 
La levée progressive du confinement à Shanghai, entamée mercredi, ne sera pas forcément synonyme de reprise immédiate, prévient l'analyste Zhaopeng Xing, de la banque ANZ. Si la mobilité à l'intérieur de Shanghai a été rétablie, “les restrictions demeurent pour se déplacer à l'extérieur de la ville”, ce qui pénalise les échanges, relève-t-il. Sur le papier, “la réouverture est bonne pour les marchés” mais dans les faits “il y a encore beaucoup de chemin à parcourir”, estime M. Xing.
 
“Tenir”
 
Pour nombre d'économistes, le principal obstacle à la reprise est la poursuite de la politique zéro Covid et donc le risque de nouvelles restrictions dès l'apparition de cas. “Les incertitudes sont mauvaises pour la confiance des entreprises”, prévient l'analyste Peiqian Liu, de la banque d'affaires NatWest Markets. Un manque de visibilité qui sera un frein aux nouvelles embauches dans les PME, estime l'économiste Iris Pang, de la banque ING. Le taux de chômage des jeunes en milieu urbain a atteint en avril 18,2%, selon le Bureau national des statistiques (BNS).
Le ralentissement économique met en péril l'objectif de croissance d'environ 5,5% fixé par Pékin, dans une année politiquement sensible qui devrait voir Xi Jinping être reconduit à la tête du Parti communiste chinois (PCC) à l'automne.
Menacé par une croissance atone, le pouvoir multiplie ces dernières semaines les mesures de soutien à l'économie. Malgré tout, cela pourrait ne pas suffire pour un rebond au troisième trimestre, avertit l'économiste de Natixis, Gary Ng. Dans la Chine zéro Covid, la survie l'emporte désormais sur les profits pour les petits entrepreneurs. “Je n'ai pas besoin de gagner plus d'argent que mes concurrents. Mais dans cette période difficile, je dois tenir plus longtemps qu'eux”, résume M. Zhou, le fabricant de textile.

Rédigé par AFP le Mercredi 1 Juin 2022 à 17:09 | Lu 465 fois