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​O Tahiti E présente “Tōtō to pito”


Tahiti, le 27 juin 2023 – “Tōtō to pito, réveille ce cœur qui bat sans arrêt”. La cheffe de troupe de O Tahiti E, veut au travers de son spectacle réveiller son peuple et lui dire, qu’il a une langue, une culture, une histoire, une terre et tout cela fait de lui un peuple. La troupe présente son spectacle en concours jeudi soir à To’ata.
  
“Tōtō to pito”. C’est le thème du spectacle que présente la troupe O Tahiti E jeudi soir en concours pour le Heiva i Tahiti 2023. Un thème qui, selon la cheffe de groupe, Marguerite Lai, est la suite du spectacle “Te Aho Nunui” présenté par sa troupe en 2019 à To’ata. “Après, il n’y a plus eu de Heiva, grâce à Mr Covid. Et lors de ce spectacle, j’ai joué le rôle de cette adulte, de cette personne, de cette grand-mère ou grand-père qui allait partir, qui allait mourir. J’ai transmis ce souffle à ma nièce de sang Tekuriri Montaron, la fille de ma petite sœur et de Manua. Le thème de 2019, c’est la passation du savoir, c’est la vie, et sans le souffle il n’y a plus de vie”, explique Marguerite Lai.   
 

Le lien entre générations

Marguerite Lai affirme que “Tōtō to pito, peut vouloir dire ouvrez-moi la porte. Cela peut aussi être le battement du cœur, et c’est ce qui nous relie à la vie, ainsi qu’aux générations passées et futures. On est tous reliés au niveau du pito [le nombril, NDLR]”. Selon elle, chaque civilisation a sa propre explication quant à “ce trou qu’est le pito”. “Voici mon explication : J’ai été attachée à l’enveloppe de ma mère qui était attachée à sa mère, et ainsi de suite et je continuerai, même si je n’ai pas eu d’enfant. Bien que ces dernières années, où j’ai dansé et dirigé O Tahiti E, je pense que j’ai eu plus d’enfants que vous tous réunis”, souligne Marguerite Lai. La cheffe de troupe ajoute qu’après “ Tōtō to pito” il y a une suite qui est “E pi’i te toto i te toto, le sang appelle le sang. Ma maman me disait souvent, d’être gentille avec les personnes car on ne sait pas si elle est reliée à moi. Je remercie mes ancêtres de ce que je suis”. Pour ce spectacle, les textes ont été écrits par Étienne Raapoto, “un amoureux de son pays, comme nous tous”, précise Marguerite Lai. 

“Je sais quel est le poids sur mes épaules”

La cheffe de troupe de O Tahiti E le souligne avant tout : “ Je n’ai jamais dit que j’allais quitter mon groupe et arrêter le Heiva.” Elle se souvient simplement avoir annoncé vouloir rentrer chez elle aux Tuamotu pour y construire sa “petite maison”“Mon ‘pu fenua’, l’enveloppe qui était dans ma mère et qui était relié à moi a été enterré dans le village de Tiputa à Ra’iroa et avec tout ce qui s’est passé [avec le Covid, NDLR], je n’ai pas pu partir.” Elle précise ensuite qu’avec son groupe, “sa base”, ils ont convenu de faire le Heiva. “À ce moment-là, j’ai su quel est le poids qui allait reposer sur mes épaules. Je vais vous dire une chose : ce poids, s’il repose sur mes épaules, c’est que j’ai accepté.” Est venu, ensuite, le temps pour elle de “se connecter à l’univers”, comme elle l’explique. “Donc j’attends, et là tout arrive. À chaque fois qu’il y a Te Aho Nunui, ou Tōtō to pito, je leur dis ‘Mais vous pensez que je vais faire comment là ?’ Ben, il faut simplement laisser le temps au temps. Et en fait ils ne te laissent jamais de temps.”
 
Comme l’explique Marguerite Lai, depuis son plus jeune âge, cinq principes la guident : “E reo to’u,‘ J’ai une langue’. E parau to’u, ‘J’ai une histoire’. E hiro’a to’u, ‘J’ai une culture’. E fenua to’u, ‘J’ai une terre’. E nuna’a vau, ‘Je suis un peuple’. Ces cinq choses m’ont toujours guidé. Et lorsqu’on décide d’aller au Heiva, on porte tout cela sur ses épaules.”

“Ma langue se perd, ma culture se perd”

Une attitude qui ne retranche en rien que pour la cheffe de troupe de O Tahiti E “le principal, c’est de faire un Heiva joyeux. C’est mon cœur qui bat”. Un cœur qui n’est pas insensible aux changements dus à “la mondialisation (…). C’est à chaque personne de dire ‘Cela je n’en veux pas, ou je prends’. Ce n’est pas aux politiciens de choisir pour nous”. Marguerite Lai fait un triste constat, cependant : “Ma langue se perd, ma culture se perd face à cette mondialisation.” “Nous sommes notre propre joie et notre propre malheur (…). Tōtō to Pito : réveille ce cœur qui bat sans arrêt. Parle ta langue, c’est la base de tout ton amour pour ton pays. Elle raconte que lorsqu’elle rencontre des Polynésiens, “je leur dis ia ora na. Ils me répondent bonjour. Alors que quand je rencontre un Français ou un Européen, ils me répondent ia ora na ! Mais où est l’erreur ?”  
 
Si Marguerite Lai est toujours aussi percutante et engagée, la troupe O Tahiti E fête cette année son quarantième anniversaire.


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun (Photos : Philippe Collignon) le Jeudi 29 Juin 2023 à 15:04 | Lu 3748 fois