Tahiti le 11 septembre 2023 - Le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales a dévoilé ses premières feuilles et ses conclusions le mois dernier. Le Journal officiel de la République française en a publié l'intégralité le 7 septembre, avec des passages entiers sur la situation en Polynésie française.
Pour remédier au “problème historique” de la vie chère dans les territoires d'outre-mer, l'État doit engager un plan de “déchoquage économique et social”, plaide la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
“Lorsque le patient est en état d'arrêt cardiaque, il n'est plus temps de prendre des mesures palliatives”, écrit le rapporteur Johnny Hajjar, député du groupe socialiste à l'initiative de cette commission créée en février 2023.
Présidée par Guillaume Vuilletet (Renaissance), cette commission a été chargée de trouver des solutions pour réduire les inégalités entre l'Hexagone et les territoires d'outre-mer, où la vie est plus chère, alors que l'écart des prix (de 10,3 à 15,8%) s'est accentué de 2015 à 2022, selon une étude de l'Insee publiée mi-juillet.
Les prix sont plus élevés de “manière exorbitante en ce qui concerne l'alimentaire” et de nombreux autres biens et services dans ces territoires, où “80% de l'approvisionnement de la distribution provient d'Europe et en particulier de l'Hexagone”, rappellent les députés.
Pour remédier au “problème historique” de la vie chère dans les territoires d'outre-mer, l'État doit engager un plan de “déchoquage économique et social”, plaide la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
“Lorsque le patient est en état d'arrêt cardiaque, il n'est plus temps de prendre des mesures palliatives”, écrit le rapporteur Johnny Hajjar, député du groupe socialiste à l'initiative de cette commission créée en février 2023.
Présidée par Guillaume Vuilletet (Renaissance), cette commission a été chargée de trouver des solutions pour réduire les inégalités entre l'Hexagone et les territoires d'outre-mer, où la vie est plus chère, alors que l'écart des prix (de 10,3 à 15,8%) s'est accentué de 2015 à 2022, selon une étude de l'Insee publiée mi-juillet.
Les prix sont plus élevés de “manière exorbitante en ce qui concerne l'alimentaire” et de nombreux autres biens et services dans ces territoires, où “80% de l'approvisionnement de la distribution provient d'Europe et en particulier de l'Hexagone”, rappellent les députés.
Les propositions
Face à cette dépendance, la commission émet une série de propositions. Outre un dispositif de ports francs ou des leviers pour favoriser la production ultramarine, plusieurs de ces propositions visent à lever “la grande opacité” du secteur de la grande distribution et à instaurer plus de transparence dans le mécanisme de formation des prix.
Dans son rapport, la commission suggère d'engager une négociation d'un an maximum avec les grands groupes de distribution ultramarins “afin d'obtenir une baisse de l'ordre de 10 à 20% des prix sur la majorité de leurs références, par diminution des marges de l'ensemble des acteurs de la chaîne de distribution”.
La commission plaide aussi pour que soit garantie la publicité des comptes en prévoyant leur transmission automatique aux autorités chargées de la concurrence. En cas de non-respect, une “peine dissuasive” tomberait, “déterminée en pourcentage du chiffre d'affaires, d'au moins 1% de celui-ci”.
Elle propose également de conditionner toute opération de concentration, qui aboutirait à ce qu'un acteur économique détienne plus de 20% du chiffre d'affaires d'un marché ultramarin, à une enquête qui démontrerait l'intérêt pour le consommateur de cette opération de concentration.
La commission propose enfin “un grand plan d’investissement productif”, comportant des moyens financiers “exceptionnels” pendant au moins dix ans pour “susciter un choc d'activité” et “inciter” à l'investissement privé.
Dans son rapport, la commission suggère d'engager une négociation d'un an maximum avec les grands groupes de distribution ultramarins “afin d'obtenir une baisse de l'ordre de 10 à 20% des prix sur la majorité de leurs références, par diminution des marges de l'ensemble des acteurs de la chaîne de distribution”.
La commission plaide aussi pour que soit garantie la publicité des comptes en prévoyant leur transmission automatique aux autorités chargées de la concurrence. En cas de non-respect, une “peine dissuasive” tomberait, “déterminée en pourcentage du chiffre d'affaires, d'au moins 1% de celui-ci”.
Elle propose également de conditionner toute opération de concentration, qui aboutirait à ce qu'un acteur économique détienne plus de 20% du chiffre d'affaires d'un marché ultramarin, à une enquête qui démontrerait l'intérêt pour le consommateur de cette opération de concentration.
La commission propose enfin “un grand plan d’investissement productif”, comportant des moyens financiers “exceptionnels” pendant au moins dix ans pour “susciter un choc d'activité” et “inciter” à l'investissement privé.
Un lourd secret des affaires
En écho aux déclarations du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, qui avait dû lire le rapport avant de prendre l'avion pour la Polynésie, le poussant à faire des déclarations sur l'agriculture locale ou sur les relations commerciales internationales, le rapport expose en fait un principe clair. “Des facteurs historiques continuent d’avoir des effets majeurs, comme le principe de l’Exclusif ou Pacte colonial qui consistait à interdire aux colonies toute relation commerciale avec l’étranger. L’éloignement de la [France d’outre-mer], évoqué à l’envi, n’est que l’écho de cette politique qui l’a détournée de son environnement pour n’échanger qu’avec la métropole, alors que des marchés importants sont beaucoup plus proches comme les États-Unis pour les Antilles et la Polynésie française [ou] l’Afrique du Sud pour La Réunion (…).”
Un constat couplé à un autre, que l'État peine à entendre. En Polynésie française, le niveau de prix est plus élevé qu’en France hexagonale : “Les derniers résultats datent de 2016 et concluent à des prix plus élevés de 39% en Polynésie française. (...) Parallèlement, le niveau de vie est moins élevé en Polynésie française qu’en Hexagone, selon l’enquête du budget de familles de l’Insee : Le revenu médian mensuel par unité de consommation a été estimé à 905 euros en Polynésie française ; il était de 1 692 euros en métropole, soit un écart de 46,5%. Cet écart s’explique, pour partie, par le marché de l’emploi. En Polynésie française, le taux d’emploi est plus faible qu’en métropole : 53% contre 68%. De plus, l’allocation chômage n’existe pas en Polynésie : si l’on est sans emploi, on ne bénéficie d’aucun revenu au titre du chômage.”
Évidemment, pour tenter de trouver des leviers de solutions à ces problèmes, encore faut-il que les grandes enseignes jouent le jeu de l'enquête, ce qui n'a pas été le cas. “Les auditions ont mis en avant l’opposition entre le secret des affaires et le contrôle des prix, des marges et des revenus, pourtant essentiel, ainsi qu’il a été dit, à la compréhension de la cherté de la vie outre-mer. Faute de pouvoirs adéquats, les organismes tels que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) ou encore les Observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) demandant l’accès à des données sur les prix et les marges se sont vu opposer le secret des affaires”, constate avec dépit la commission d'enquête.
Un constat couplé à un autre, que l'État peine à entendre. En Polynésie française, le niveau de prix est plus élevé qu’en France hexagonale : “Les derniers résultats datent de 2016 et concluent à des prix plus élevés de 39% en Polynésie française. (...) Parallèlement, le niveau de vie est moins élevé en Polynésie française qu’en Hexagone, selon l’enquête du budget de familles de l’Insee : Le revenu médian mensuel par unité de consommation a été estimé à 905 euros en Polynésie française ; il était de 1 692 euros en métropole, soit un écart de 46,5%. Cet écart s’explique, pour partie, par le marché de l’emploi. En Polynésie française, le taux d’emploi est plus faible qu’en métropole : 53% contre 68%. De plus, l’allocation chômage n’existe pas en Polynésie : si l’on est sans emploi, on ne bénéficie d’aucun revenu au titre du chômage.”
Évidemment, pour tenter de trouver des leviers de solutions à ces problèmes, encore faut-il que les grandes enseignes jouent le jeu de l'enquête, ce qui n'a pas été le cas. “Les auditions ont mis en avant l’opposition entre le secret des affaires et le contrôle des prix, des marges et des revenus, pourtant essentiel, ainsi qu’il a été dit, à la compréhension de la cherté de la vie outre-mer. Faute de pouvoirs adéquats, les organismes tels que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) ou encore les Observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) demandant l’accès à des données sur les prix et les marges se sont vu opposer le secret des affaires”, constate avec dépit la commission d'enquête.
L'ouverture à la concurrence pour aider
La volonté de l'Autorité de la concurrence de travailler pour les Polynésiens, a rebours de quelques économistes aigris locaux, est soulignée par le document produit par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Cette dernière appelle même de ses vœux à suivre l'analyse de sa présidente, Johanne Peyre, qui explique que “à mon sens, la façon la plus rapide et efficace pour favoriser une baisse des prix est d’ouvrir à la concurrence”.
Des propos malheureusement barrés par l'assertion du ministre de l'Économie, Bruno Lemaire, expliquant pour sa part dans ce même rapport que “l’étroitesse du marché local et la barrière naturelle constituée par l’éloignement géographique ne favorisent pas la concurrence, [et] on y trouve donc des marchés très concentrés, avec des situations facilitées de collusion”.
Un regret de la commission
Dans le corps du rapport, la commission regrète la suppression du dispositif d’injonction structurelle et de la prohibition des accords exclusifs d’importation qui figuraient dans le code de la concurrence jusque 2018 en Polynésie française. Elle maintient que la justification donnée à ces suppressions “est peu satisfaisante”, s’associant aux propos tenus par Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, qui expliquait que le retrait de ces dispositions “ne [laisse] pratiquement aucune chance d’agir sur la structure actuelle des marchés pour les rendre plus concurrentiels”.
Le professeur Walid Chaiehloudj, professeur en droit privé et expert en droit de la concurrence, a lui aussi exprimé sa surprise face à ce “retour en arrière” en Polynésie française : “Avoir la possibilité de réprimer directement un accord exclusif d’importation est très important en termes de charge de la preuve. Cela nous permet aussi de sanctionner rapidement des opérateurs qui bloquent la concurrence intra-marque, c’est-à-dire la concurrence entre produits identiques”, explique-t-il.
Une analyse partagée localement par l'Autorité polynésienne de la concurrence. “Il s’agissait pourtant d’un outil préventif intéressant, qui supprimait une incitation à la captation de la marge, augmentait la pression concurrentielle de la part du fournisseur ou de l’importateur et incitait ce dernier à se dépasser et à répercuter une partie de sa marge sur le prix de vente pour rester compétitif. On nous oppose souvent que les exclusivités. (…) Il est sûr que cette suppression n’incite pas les opérateurs à baisser les prix et que cela ne va pas dans le sens d’une ouverture à la concurrence.”
Le groupe Wane “sous pression”
Auditionné par la commission d'enquête, le groupe Wane, qui détient plus de 50% des hypermarchés et supermarchés de Polynésie, a sa petite idée sur les raisons du fort coût de la vie en Polynésie française. Leur démonstration en quatre points a été présentée à la commission.
L’insularité et l’éloignement tout d'abord qui font que 72% des produits proposés dans les magasins sont des produits importés auxquels il faut ajouter les “frais d’approche” et le réacheminement vers les îles. La deuxième raison est liée à l’étroitesse du marché de la Polynésie française, la troisième serait la fiscalité indirecte (TVA et octrois de mer).
Enfin, la dernière raison serait, selon Jean-Luc Jaumouillé, directeur administratif et financier du groupe, liée aux mesures protectionnistes en place depuis plusieurs années au profit de filières locales comme la taxe sur le développement local (TDL).
Lors de son audition, le directeur administratif et financier du groupe en a profité pour tordre le cou à une information selon laquelle le groupe Wane représenterait 12% du PIB polynésien. “Une information évoquée de façon récurrente depuis 2017, totalement erronée, publiée par un média local (Dixit, NDLR). Nous avons fait ce calcul. Sur les cinq dernières années, le poids du groupe dans le PIB polynésien est en moyenne de 2,5%”, affirme le représentant du groupe.
De plus, Stéphanie Ducerf, la responsable du service juridique du groupe, a préféré revenir sur d'autres chiffres, affirmant que le groupe Wane détient, à Tahiti, “une part de marché de 36%” et 33% sur l'ensemble de la Polynésie, et que son groupe subit “la pression concurrentielle” des supérettes sans enseigne.