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​L’affaire Diémert-Tuheiava évoquée jusqu’à Strasbourg


Stéphane Diémert, le 5 décembre 2013 à l'assemblée de la Polynésie française.
Stéphane Diémert, le 5 décembre 2013 à l'assemblée de la Polynésie française.
Tahiti, le 20 avril 2023 - Après avoir attaqué en diffamation le représentant Richard Tuheiava pour des propos tenus à Tarahoi en juillet 2013, l’ex-président du Haut-conseil de la Polynésie française, Stéphane Diémert, avait saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour contester la gestion de l’affaire par la cour d’appel de Papeete. La CEDH lui a donné tort tout en pointant du doigt les négligences coupables de la juridiction polynésienne dans ce dossier.
 
C’est une affaire polynésienne, ancienne et cocasse, qui a atterri sur le bureau de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), siégeant à Strasbourg. Mentionné lors d’une intervention de l’élu indépendantiste Richard Tuheiava lors d’une séance à l’APF le 11 juillet 2013, Stéphane Diémert, magistrat administratif, y avait vu des propos diffamants. En première instance, le tribunal considéra que ces propos ne comportaient pas l’imputation d’un fait précis et déterminé. Peu convaincu, l’ex-président du Haut-conseil avait fait appel. L’affaire était alors audiencée par la cour d’appel le 9 octobre 2014 à Papeete, puis renvoyée le 12 février 2015 sans que des actes d’instruction supplémentaires ne soient menés.

Négligence de la Cour d’appel de Papeete

De renvoi en renvoi, la cour jugea finalement en mars 2016 l’affaire prescrite au motif que le délai de prescription de trois mois “à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait” était dépassé. La Cour de cassation confirma que, faute d’action de l’intéressé ou de la cour d’appel pendant quatre mois, entre octobre 2014 et février 2015, l’affaire était effectivement prescrite. Nouvelle contestation de Diémert auprès de la CEDH. Il estimait ainsi ne pas avoir eu droit à un recours juridictionnel effectif et à un procès équitable. Si la CEDH, dans son arrêt du 30 mars dernier, considère que les droits de l’intéressé ont effectivement été affectés, elle remarque aussi qu’il aurait pu faire parvenir des observations pendant cette période pour interrompre la prescription. Pour la juridiction européenne, “le requérant a été assisté par un avocat spécialisé en droit pénal devant la cour d’appel”, tandis “qu’il est lui‑même un professionnel du droit. Elle estime en conséquence que Stéphane Diémert “ne pouvait ignorer l’étendue de ses obligations procédurales”. Mais la CEDH rappelle également les errements de la procédure par la juridiction polynésienne. Ainsi, si à l’audience du 9 octobre 2014, la cour d’appel a reporté l’examen de l’affaire à plus de trois mois, “c’est-à-dire au-delà de l’échéance du délai de prescription”, la CEDH constate que, ce faisant “la cour d’appel ne pouvait ignorer qu’une telle décision entraînerait la prescription”. Et la Cour européenne de conclure : “En dépit de la négligence dont la cour d’appel de Papeete a fait preuve en matière d’audiencement, la Cour [CEDH, NDLR] juge que le requérant n’a pas eu à supporter une charge procédurale excessive.” La haute juridiction européenne pointe ainsi du doigt la distraction des uns et l’inorganisation des autres pour renvoyer dos à dos Stéphane Diémert et la cour d’appel de Papeete avant de classer définitivement l’affaire.

Rédigé par Sébastien Petit le Jeudi 20 Avril 2023 à 15:09 | Lu 3394 fois