Tahiti, le 27 juillet 2021 – Attendu sur les sujets sanitaires, économiques et nucléaires, le Président de la République, Emmanuel Macron, s'est longuement exprimé mardi soir à la présidence sur les thèmes forts de sa visite. Mais il a surtout conclu son discours en insistant sur l'importance géostratégique de la Polynésie pour la puissance française dans la zone Pacifique… Et réciproquement sur l'importance de la France pour "protéger" la Polynésie dans ce contexte géopolitique.
L'événement était attendu et il s'est fait attendre. Avec une bonne heure de retard sur son programme, le Président de la République Emmanuel Macron a prononcé mardi soir à la présidence le discours de clôture de sa première visite officielle de quatre jours en Polynésie française. Une visite de terrain, marquée par une volonté de proximité et de contact du chef de l'État dans ses nombreux échanges avec les Polynésiens à Papeete, Hiva Oa, Manihi ou encore Moorea. Attendu sur les sujets sanitaire, économique et bien évidemment nucléaire, le chef de l'État a aussi et surtout confirmé la lecture de l'historien Jean-Marc Regnault sur l'objectif principal de cette visite : L'importance géostratégique de la situation de la Polynésie française dans “l'axe Indo-Pacifique”.
Des attentes et des annonces
Juste avant Emmanuel Macron, le président Édouard Fritch avait ouvert la soirée au pupitre par un discours évoquant notamment l'attachement de la Polynésie française à la nation –la nécessaire “concorde” dans les relations entre Français et Polynésiens– mais dans le même temps la particularité, avant tout statutaire, du Pays. “Le fait d'être Français et Polynésien dans un contexte géopolitique tendu autour du Pacifique est une chance”, a affirmé Édouard Fritch, devançant les derniers mots du discours du Président de la République.
Mais avant d'en arriver à ce sujet particulier, le chef de l'État a déroulé une série d'annonces, parfois accompagnées “d'engagements” sonnants et trébuchants, sur des sujets plus attendus par son auditoire. Sur la crise sanitaire, le Président de la République a tenu à rappeler que la “solidarité” de la France continuerait de s'exprimer avec les PGE, le fonds de solidarité, les tests et vaccins… “Cette soldarité, c'est notre devoir, notre vocation. Nous ne vous avons jamais laissés seuls et ne vous laisserons jamais seuls.” Emmanuel Macron a exhorté les Polynésiens à se faire vacciner, indiquant que certaines des 230 000 doses de vaccins envoyés au fenua “seront périmées en septembre”, pendant que seules 110 000 doses ont été injectées.
Pêle-mêle, sur la partie économique, Emmanuel Macron a également annoncé un second prêt garanti par l'État de 36 milliards de Fcfp pour le Pays, confirmé la prolongation de la défiscalisation. Sur la santé, il a évoqué le futur partenariat pour faire de l'Institut du cancer un pôle d'excellence en matière d'oncologie. Sur l'insertion, il a souhaité une nouvelle compagnie du RSMA à Hao, une subvention nationale pour l'extension du centre d'accueil des femmes Pu o te hau… Et il a même annoncé avoir demandé au ministre des Outre-mer de “faire avancer” les dossiers liés à l'indemnité d'installation des militaires et fonctionnaires ou encore à l'ITR.
“Assumer” le nucléaire
Sujet le plus épineux de ce déplacement, le Président de la République s'est longuement attardé, dans un silence de plomb sur la principale “ombre portée à la confiance” des Polynésiens en la France : “Les doutes liés au nucléaire”. Après un dialogue improvisé et impromptu l'après-midi même avec l'association 193 à Moorea (lire page 6), le chef de l'État a affirmé “savoir toutes les attentes sur ce sujet”. Et comme quelques heures plus tôt, Emmanuel Macron a semblé vouloir répondre à la principale préoccupation des associations de victime des essais menés en Polynésie entre 1966 et 1996 : “Devant vous ce soir, je veux assumer. Tout assumer, sans facilité, avec vérité et responsabilité”. Le Président de la République a affirmé “assumer pleinement que la France soit une puissance dotée (de l'arme atomique)”. Il a expliqué que “pour se doter, il fallait faire des essais”. Et pour reprendre un autre des reproches des associations, il a reconnu : “On n'aurait pas fait ces mêmes essais dans la Creuse ou en Bretagne. On les a faits ici parce qu'on s'est dit : C'est perdu au milieu du Pacifique.”
Emmanuel Macron l'a reconnu : “La nation a une dette à l'égard de la Polynésie française”. Et cette dette est “le fait d'avoir abrité ces essais et en particulier les essais (aériens, NDLR) entre 1966 et 1974 dont on ne peut absolument pas dire qu'ils étaient propres”. Mais il a également affirmé, s'attirant en revanche la désapprobation des associations sur ce point, que les “risques n'étaient pas tous connus” à l'époque de ces essais : “Nos scientifiques et nos militaires qui les ont faits alors ne vous ont pas menti”. Aujourd'hui, avec la déclassification des archives et des efforts annoncés sur les indemnisations, le Président de la République a affirmé vouloir “briser le silence” que l'État a “trop longtemps souhaité garder sur ce passé”. “J'assume et je veux la vérité et la transparence avec vous”, a conclu Emmanuel Macron.
“Puissance Indo-Pacifique”
C'est enfin pour la clôture de son discours que le Président de la République a évoqué ce que constituait pour lui toute l'importance des outre-mer en général et de la Polynésie française en particulier dans la stratégie géopolitique de la France. “La France est une puissance Indo-Pacifique. Trop souvent, nous avons regardé nos outre-mer dans un face à face, en ne voyant pas la chance inouïe d'être au cœur d'une des zones où le monde se fait”, a affirmé Emmanuel Macron. Une zone Pacifique qui l'est finalement très peu pour le chef de l'État. “Car ici se joue la confrontation entre les deux grandes puissances mondiales. Vous êtes au cœur de guerres, de pressions d'influence qui iront croissantes”, a affirmé le Président en insistant : “Être Français ici, au cœur de ce contexte, est une chance”.
Taclant une nouvelle fois lourdement, sans véritablement le nommer, le projet aquacole chinois de Hao, Emmanuel Macron a souhaité mettre en garde la Polynésie. “Dans les temps qui s'ouvrent, malheur aux petits, malheur aux isolés. Malheur à celles et ceux qui vont subir les influences, les incursions de puissances hégémoniques qui viendront chercher leur poisson, leur technologie, leurs ressources économiques”. Et le chef de l'État de vanter à l'opposé la “stratégie Indo-Pacifique” de la France : “Cette stratégie de liberté, d'avenir, de développement durable, c'est une stratégie bleue, de développement économique, numérique, une stratégie préservant la biodiversité et préservant la souveraineté de chacun dans le Pacifique”. Une stratégie qui selon lui “aura la Polynésie française au cœur” : “Et je vous le dis avec clarté, ici c'est la Polynésie, mais ici c'est la France, et vous serez protégés”.
La France a donc besoin de la Polynésie. Conclusion presque ironique du chef de l'État, au regard des attentes des acteurs politiques et économiques locaux sur les besoins de “solidarité nationale”. Citant Barak Obama qui avait indiqué il y a dix ans vouloir être un “Président Pacifique” au plan géographique, Emmanuel Macron aurait aussi pu adapter à l'adresse des Polynésiens la formule de John F. Kennedy : Ne vous demandez pas ce que la France peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour la France. Une réalité qui n'a sans doute pas échappé à l'auditoire mardi soir.
L'événement était attendu et il s'est fait attendre. Avec une bonne heure de retard sur son programme, le Président de la République Emmanuel Macron a prononcé mardi soir à la présidence le discours de clôture de sa première visite officielle de quatre jours en Polynésie française. Une visite de terrain, marquée par une volonté de proximité et de contact du chef de l'État dans ses nombreux échanges avec les Polynésiens à Papeete, Hiva Oa, Manihi ou encore Moorea. Attendu sur les sujets sanitaire, économique et bien évidemment nucléaire, le chef de l'État a aussi et surtout confirmé la lecture de l'historien Jean-Marc Regnault sur l'objectif principal de cette visite : L'importance géostratégique de la situation de la Polynésie française dans “l'axe Indo-Pacifique”.
Des attentes et des annonces
Juste avant Emmanuel Macron, le président Édouard Fritch avait ouvert la soirée au pupitre par un discours évoquant notamment l'attachement de la Polynésie française à la nation –la nécessaire “concorde” dans les relations entre Français et Polynésiens– mais dans le même temps la particularité, avant tout statutaire, du Pays. “Le fait d'être Français et Polynésien dans un contexte géopolitique tendu autour du Pacifique est une chance”, a affirmé Édouard Fritch, devançant les derniers mots du discours du Président de la République.
Mais avant d'en arriver à ce sujet particulier, le chef de l'État a déroulé une série d'annonces, parfois accompagnées “d'engagements” sonnants et trébuchants, sur des sujets plus attendus par son auditoire. Sur la crise sanitaire, le Président de la République a tenu à rappeler que la “solidarité” de la France continuerait de s'exprimer avec les PGE, le fonds de solidarité, les tests et vaccins… “Cette soldarité, c'est notre devoir, notre vocation. Nous ne vous avons jamais laissés seuls et ne vous laisserons jamais seuls.” Emmanuel Macron a exhorté les Polynésiens à se faire vacciner, indiquant que certaines des 230 000 doses de vaccins envoyés au fenua “seront périmées en septembre”, pendant que seules 110 000 doses ont été injectées.
Pêle-mêle, sur la partie économique, Emmanuel Macron a également annoncé un second prêt garanti par l'État de 36 milliards de Fcfp pour le Pays, confirmé la prolongation de la défiscalisation. Sur la santé, il a évoqué le futur partenariat pour faire de l'Institut du cancer un pôle d'excellence en matière d'oncologie. Sur l'insertion, il a souhaité une nouvelle compagnie du RSMA à Hao, une subvention nationale pour l'extension du centre d'accueil des femmes Pu o te hau… Et il a même annoncé avoir demandé au ministre des Outre-mer de “faire avancer” les dossiers liés à l'indemnité d'installation des militaires et fonctionnaires ou encore à l'ITR.
“Assumer” le nucléaire
Sujet le plus épineux de ce déplacement, le Président de la République s'est longuement attardé, dans un silence de plomb sur la principale “ombre portée à la confiance” des Polynésiens en la France : “Les doutes liés au nucléaire”. Après un dialogue improvisé et impromptu l'après-midi même avec l'association 193 à Moorea (lire page 6), le chef de l'État a affirmé “savoir toutes les attentes sur ce sujet”. Et comme quelques heures plus tôt, Emmanuel Macron a semblé vouloir répondre à la principale préoccupation des associations de victime des essais menés en Polynésie entre 1966 et 1996 : “Devant vous ce soir, je veux assumer. Tout assumer, sans facilité, avec vérité et responsabilité”. Le Président de la République a affirmé “assumer pleinement que la France soit une puissance dotée (de l'arme atomique)”. Il a expliqué que “pour se doter, il fallait faire des essais”. Et pour reprendre un autre des reproches des associations, il a reconnu : “On n'aurait pas fait ces mêmes essais dans la Creuse ou en Bretagne. On les a faits ici parce qu'on s'est dit : C'est perdu au milieu du Pacifique.”
Emmanuel Macron l'a reconnu : “La nation a une dette à l'égard de la Polynésie française”. Et cette dette est “le fait d'avoir abrité ces essais et en particulier les essais (aériens, NDLR) entre 1966 et 1974 dont on ne peut absolument pas dire qu'ils étaient propres”. Mais il a également affirmé, s'attirant en revanche la désapprobation des associations sur ce point, que les “risques n'étaient pas tous connus” à l'époque de ces essais : “Nos scientifiques et nos militaires qui les ont faits alors ne vous ont pas menti”. Aujourd'hui, avec la déclassification des archives et des efforts annoncés sur les indemnisations, le Président de la République a affirmé vouloir “briser le silence” que l'État a “trop longtemps souhaité garder sur ce passé”. “J'assume et je veux la vérité et la transparence avec vous”, a conclu Emmanuel Macron.
“Puissance Indo-Pacifique”
C'est enfin pour la clôture de son discours que le Président de la République a évoqué ce que constituait pour lui toute l'importance des outre-mer en général et de la Polynésie française en particulier dans la stratégie géopolitique de la France. “La France est une puissance Indo-Pacifique. Trop souvent, nous avons regardé nos outre-mer dans un face à face, en ne voyant pas la chance inouïe d'être au cœur d'une des zones où le monde se fait”, a affirmé Emmanuel Macron. Une zone Pacifique qui l'est finalement très peu pour le chef de l'État. “Car ici se joue la confrontation entre les deux grandes puissances mondiales. Vous êtes au cœur de guerres, de pressions d'influence qui iront croissantes”, a affirmé le Président en insistant : “Être Français ici, au cœur de ce contexte, est une chance”.
Taclant une nouvelle fois lourdement, sans véritablement le nommer, le projet aquacole chinois de Hao, Emmanuel Macron a souhaité mettre en garde la Polynésie. “Dans les temps qui s'ouvrent, malheur aux petits, malheur aux isolés. Malheur à celles et ceux qui vont subir les influences, les incursions de puissances hégémoniques qui viendront chercher leur poisson, leur technologie, leurs ressources économiques”. Et le chef de l'État de vanter à l'opposé la “stratégie Indo-Pacifique” de la France : “Cette stratégie de liberté, d'avenir, de développement durable, c'est une stratégie bleue, de développement économique, numérique, une stratégie préservant la biodiversité et préservant la souveraineté de chacun dans le Pacifique”. Une stratégie qui selon lui “aura la Polynésie française au cœur” : “Et je vous le dis avec clarté, ici c'est la Polynésie, mais ici c'est la France, et vous serez protégés”.
La France a donc besoin de la Polynésie. Conclusion presque ironique du chef de l'État, au regard des attentes des acteurs politiques et économiques locaux sur les besoins de “solidarité nationale”. Citant Barak Obama qui avait indiqué il y a dix ans vouloir être un “Président Pacifique” au plan géographique, Emmanuel Macron aurait aussi pu adapter à l'adresse des Polynésiens la formule de John F. Kennedy : Ne vous demandez pas ce que la France peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour la France. Une réalité qui n'a sans doute pas échappé à l'auditoire mardi soir.