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​C'est le temps de Matari'i i raro


Tahiti le 20 mai 2022 – Après les cérémonies consacrées à la fresque pour le climat et à l'inauguration de son fare ari'oi, la commune de Arue a également célébré le matari'i i raro.

C'est une journée haute en couleurs et en temps forts que la commune de Arue a vécu vendredi. Après avoir révélé la fresque du climat de la salle omnisport et avoir inauguré le fare 'arioi, les convives ont été invités à assister à la cérémonie du Matarii i raro, sur le paepae situé dans la cour de la mairie. "C'est un paepae, pas un marae. C'est un lieu de cérémonie et depuis que nous avons pris les responsabilités de la commune, le conseil municipal s'est engagé à porter la commune de Arue comme une commune où on est fier d'être mā'ohi, où nous sommes apaisés avec notre propre culture. Et le paepae construit notre identité" précise le troisième adjoint au maire Jacky Bryant, maître de cérémonie. Il nous explique ce qu'est le Matari'i i raro. Un hommage a également été rendu à la jeune danseuse Tuhiti, partie trop tôt. En prime, un mā'a tahiti était offert à toutes les personnes présentes pour cet événement.

De nombreux évènements ont été mis en place pour Matari'i i raro ?

"Effectivement, cela a commencé avec la fresque. Nous souhaitons que la commune de Arue soit un moteur d'un réveil culturel, patrimonial autour de notre histoire, autour de ce que nous avons été, et tous ces jeunes qui sont là n'attendent que cela. Ils attendent qu'on leur donne quelque chose qui a du sens. Que ce sens-là les rattache à la terre, à leurs parents, à leur généalogie, que les chants qu'ils entonnent aient une chorégraphie. Mais si tu n'as pas le ressenti au niveau de ce qu'on appelle le "'ā'au", cela n'aura pas de sens".

Qu'est-ce que le Matari'i i raro ?

"C'est simplement une gestion du temps. Nous avons un calendrier lunaire aujourd'hui calé sur le calendrier Grégorien, les choses sont ainsi faites. Et nos tupuna avaient une gestion qui est liée au calendrier lunaire avec les périodes de ponte, les périodes de respect, et un certain nombre de démarches. Lorsqu'arrive Matari'i i raro, les espèces ont besoin de se reposer, de prendre le temps de se renforcer, de prendre le temps de se préparer à l'arrivée de la génération suivante. Que cela soit les plantes, que cela soit sur terre ou dans la mer. Et donc, cette phase de repos est une phase absolument importante et cela nous oblige à être humbles et respectueux. Et lorsque la période d'abondance arrive, on pourra consommer, on pourra prendre ce qui nous est nécessaire, sans pour autant basculer dans une espèce de délire de vouloir tout détruire, de vouloir consommer même les espèces les plus juvéniles. Et donc, c'est une obligation qui nous met dans l'idée que le développement soutenable a existé chez nos tupuna. Il n'y avait pas à cette époque de grandes surfaces, il n'y avait pas de transport aérien, et donc la gestion de leur environnement, de leur biodiversité, de la richesse qu'ils avaient, était une obligation pour pouvoir vivre et continuer à se développer en étant un peuple éduqué, un peuple qui a une sagesse extraordinaire."

Est-ce que le Heiva en juillet en plein Matari'i i raro est adéquat ? 

"C'est toute la difficulté de se caler sur les vacances qui ne sont absolument pas en lien avec notre biodiversité. Notre calendrier scolaire est calé pour permettre à ceux qui veulent rentrer en France de le faire, mais c'est comme cela, on ne va pas refaire le monde. Pourquoi les Calédoniens ont calé un calendrier qui respecte la période et ont les grandes vacances au mois de décembre voire janvier ? Tu prends toutes les autres collectivités du Pacifique, c'est exactement la même chose. Il n'y a que nous, la Polynésie, qui vivons à l'envers. Et cela fait partie de nos réflexion. On a eu le président du Pays et le ministre ce matin, ce sont des discussions qui doivent être portées et nous voulons au travers de tout ce que nous proposons, les convaincre de la faisabilité d'un projet de cette nature."
     
Vous avez également rendu hommage à Tuhiti ?

"Le bourgeon du matin fleurit lorsque le soleil est au zénith et le soir elle va retourner à la terre. Et si on devait s'arrêter là, c'est un peu triste. Mais on nous dit ensuite que la fleur qui va retourner à la terre va se décomposer, elle apporte à la terre ce dont la terre a besoin. Parce que la racine va venir puiser dans cette fleur qui s'est fanée, qui s'est transformée pour redonner au tronc, qui est notre tumu, et qui au petit matin va donner à la fleur, donc on est dans une démarche qui est de dire, oui il y a des séparations qui sont difficiles, mais il ne faut pas rester focalisé sur l'idée que la personne qui disparait n'est plus du tout avec nous, au contraire elle nous a enrichis et va enrichir le bourgeon du matin."
  


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Dimanche 22 Mai 2022 à 20:46 | Lu 879 fois