Tahiti, le 19 juillet 2022 - Le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Louis Mapou, sera en déplacement en Polynésie française début août. L’objectif annoncé est de renforcer les liens de coopération entre les deux territoires français du Pacifique sud. Un projet de marché unique entre les deux territoires a déjà été évoqué depuis plusieurs années, mais sa mise en place pourrait être un long chemin nécessitant un changement de mentalités.
L’initiative n’est pas nouvelle. En décembre 2019, une délégation du gouvernement calédonien était venue en visite officielle au fenua pour, selon le communiqué officiel, “poser les jalons d’un accord cadre qui définira des champs de coopération entre les deux territoires”. La Polynésie française était alors “en passe de devenir un partenaire privilégié de la Nouvelle-Calédonie” avec la signature d’un protocole d’accord. “Des secteurs d’intérêt commun” avaient alors été identifiés tels que “le savoir-faire touristique, la pêche ou encore l’artisanat” qui représentent autant “d’opportunités pour notre jeunesse”. Près de trois ans plus tard, le communiqué annonçant l’arrivée, début août, en Polynésie du président du gouvernement calédonien, Louis Mapou, reprend exactement les mêmes termes.
Vers un marché unique
L’accord de coopération devait être conclu en avril 2020, lors du One Planet Summit à Tahiti ; mais la pandémie a réduit à néant l’initiative économique. Fin mai dernier, Charles Wea, conseiller du président Mapou, était venu réactiver l’idée d’un accord. Un mois plus tard, une nouvelle délégation calédonienne a rencontré Édouard Fritch afin notamment d’identifier les obstacles et les solutions utiles pour l’instauration d’un marché unique entre les deux collectivités “dans un avenir proche”. À l’instar de l’Euro, les deux collectivités d’outre-mer disposent déjà, avec le franc Pacifique, d’une monnaie commune. Mais la comparaison avec l’Union européenne se borne là. Le premier principe d’un tel marché unique réside dans la mise en place d’une union douanière entre les territoires. Les droits de douane ou les quotas qui pourraient exister dans les flux commerciaux sont donc voués à être supprimés. À la clé : une libre circulation des biens et des services mais également –et non des moindres– des capitaux et des personnes. Des principes fondamentaux qui vont, dans le cas de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, atteindre quelques limites et écueils.
Moins de 0,1% du commerce extérieur
En premier lieu, les échanges commerciaux entre les deux territoires sont très limités. Avant la crise Covid, les importations en Polynésie française représentaient environ 225 milliards de Fcfp. Dans ce total, les importations en provenance de Nouvelle-Calédonie n’ont pesé que 132 millions de Fcfp en 2018 et 119 millions en 2019. En valeur, moins de 0,1% des produits importés en Polynésie viennent donc du Caillou. Les produits concernés sont principalement des produits de boulangeries et pâtisserie, des produits chimiques et quelques appareils de laboratoire. À titre de comparaison, sur la même période, les importations en provenance du Maroc ou la Tunisie ont été supérieures à 200 millions de Fcfp, de même que celles en provenance du Bangladesh. Celles en provenance de la Nouvelle-Zélande sont quant à elles 100 fois plus élevées. Les relations commerciales entre les deux territoires français ne sont de toute évidence pas des plus denses avec, il est vrai, un taux moyen de taxation à l’import d’environ 25%. La suppression des droits de douane représenterait ainsi, bon l’an mal an, entre 30 et 40 millions de Fcfp de recettes douanières en moins pour le fenua. Certes, pas de quoi pénaliser le budget du Pays. Au niveau des exportations, le commerce est à peine plus élevé. Environ 1 à 2% des exportations polynésiennes, qui s’établissent à des niveaux très réduits, sont à destination de la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit essentiellement de perles et d’huiles essentielles. Quelques débouchés supplémentaires pourraient être trouvés mais pas de quoi relancer les deux économies.
Libertés, j’écris un “non”
Reste les difficiles questions de la libre circulation des capitaux et des personnes. La gestion des flux financiers relève encore de la compétence de l’État. Difficile pour les deux gouvernements de définir directement une politique en la matière d’autant que le pendant de ce principe est de supprimer les obstacles aux investissements entre territoires. Un obstacle et non des moindres. En actant temporairement la mise en place d’une majoration de 1 000% sur les droits d'enregistrement et de publicité foncière pour les acquéreurs qui ne justifient pas de 10 ans de résidence, le Pays avait mis les investisseurs calédoniens dans le même panier. Quant à la libre circulation des travailleurs, les deux territoires ont adopté, conformément à leurs statuts respectifs, des dispositions en matière de protection de l’emploi local. Si le texte polynésien, voté en juillet 2019 et validé par le Conseil d’État en juin 2020, n’est toujours pas applicable, sa mise en application apporterait également une restriction à la libre circulation des travailleurs entre les deux territoires. Il introduit une priorité d’embauche aux personnes justifiant d’une durée de résidence comprise entre 3 et 10 ans selon le secteur concerné. La mise en place d’un vrai marché unique entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie imposerait donc de réviser ces dispositifs et de substituer une logique économique à une logique politique. Une révolution en somme.
L’initiative n’est pas nouvelle. En décembre 2019, une délégation du gouvernement calédonien était venue en visite officielle au fenua pour, selon le communiqué officiel, “poser les jalons d’un accord cadre qui définira des champs de coopération entre les deux territoires”. La Polynésie française était alors “en passe de devenir un partenaire privilégié de la Nouvelle-Calédonie” avec la signature d’un protocole d’accord. “Des secteurs d’intérêt commun” avaient alors été identifiés tels que “le savoir-faire touristique, la pêche ou encore l’artisanat” qui représentent autant “d’opportunités pour notre jeunesse”. Près de trois ans plus tard, le communiqué annonçant l’arrivée, début août, en Polynésie du président du gouvernement calédonien, Louis Mapou, reprend exactement les mêmes termes.
Vers un marché unique
L’accord de coopération devait être conclu en avril 2020, lors du One Planet Summit à Tahiti ; mais la pandémie a réduit à néant l’initiative économique. Fin mai dernier, Charles Wea, conseiller du président Mapou, était venu réactiver l’idée d’un accord. Un mois plus tard, une nouvelle délégation calédonienne a rencontré Édouard Fritch afin notamment d’identifier les obstacles et les solutions utiles pour l’instauration d’un marché unique entre les deux collectivités “dans un avenir proche”. À l’instar de l’Euro, les deux collectivités d’outre-mer disposent déjà, avec le franc Pacifique, d’une monnaie commune. Mais la comparaison avec l’Union européenne se borne là. Le premier principe d’un tel marché unique réside dans la mise en place d’une union douanière entre les territoires. Les droits de douane ou les quotas qui pourraient exister dans les flux commerciaux sont donc voués à être supprimés. À la clé : une libre circulation des biens et des services mais également –et non des moindres– des capitaux et des personnes. Des principes fondamentaux qui vont, dans le cas de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, atteindre quelques limites et écueils.
Moins de 0,1% du commerce extérieur
En premier lieu, les échanges commerciaux entre les deux territoires sont très limités. Avant la crise Covid, les importations en Polynésie française représentaient environ 225 milliards de Fcfp. Dans ce total, les importations en provenance de Nouvelle-Calédonie n’ont pesé que 132 millions de Fcfp en 2018 et 119 millions en 2019. En valeur, moins de 0,1% des produits importés en Polynésie viennent donc du Caillou. Les produits concernés sont principalement des produits de boulangeries et pâtisserie, des produits chimiques et quelques appareils de laboratoire. À titre de comparaison, sur la même période, les importations en provenance du Maroc ou la Tunisie ont été supérieures à 200 millions de Fcfp, de même que celles en provenance du Bangladesh. Celles en provenance de la Nouvelle-Zélande sont quant à elles 100 fois plus élevées. Les relations commerciales entre les deux territoires français ne sont de toute évidence pas des plus denses avec, il est vrai, un taux moyen de taxation à l’import d’environ 25%. La suppression des droits de douane représenterait ainsi, bon l’an mal an, entre 30 et 40 millions de Fcfp de recettes douanières en moins pour le fenua. Certes, pas de quoi pénaliser le budget du Pays. Au niveau des exportations, le commerce est à peine plus élevé. Environ 1 à 2% des exportations polynésiennes, qui s’établissent à des niveaux très réduits, sont à destination de la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit essentiellement de perles et d’huiles essentielles. Quelques débouchés supplémentaires pourraient être trouvés mais pas de quoi relancer les deux économies.
Libertés, j’écris un “non”
Reste les difficiles questions de la libre circulation des capitaux et des personnes. La gestion des flux financiers relève encore de la compétence de l’État. Difficile pour les deux gouvernements de définir directement une politique en la matière d’autant que le pendant de ce principe est de supprimer les obstacles aux investissements entre territoires. Un obstacle et non des moindres. En actant temporairement la mise en place d’une majoration de 1 000% sur les droits d'enregistrement et de publicité foncière pour les acquéreurs qui ne justifient pas de 10 ans de résidence, le Pays avait mis les investisseurs calédoniens dans le même panier. Quant à la libre circulation des travailleurs, les deux territoires ont adopté, conformément à leurs statuts respectifs, des dispositions en matière de protection de l’emploi local. Si le texte polynésien, voté en juillet 2019 et validé par le Conseil d’État en juin 2020, n’est toujours pas applicable, sa mise en application apporterait également une restriction à la libre circulation des travailleurs entre les deux territoires. Il introduit une priorité d’embauche aux personnes justifiant d’une durée de résidence comprise entre 3 et 10 ans selon le secteur concerné. La mise en place d’un vrai marché unique entre la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie imposerait donc de réviser ces dispositifs et de substituer une logique économique à une logique politique. Une révolution en somme.