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​Ouverture exceptionnelle du rāhui de Tautira


Les acheteurs et les curieux se sont pressés autour des glacières (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Les acheteurs et les curieux se sont pressés autour des glacières (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 27 mars 2025 – Deux demi-journées d’ouverture encadrée de la zone de pêche réglementée (ZPR) de Tautira ont été approuvées par le comité de gestion, jeudi 27 et samedi 29 mars. Ce jeudi matin, la population de Tautira était au rendez-vous dans une ambiance festive qui s’est prolongée jusqu’au retour des 205 pêcheurs et 56 bateaux, en début d’après-midi, pour le comptage des prises nombreuses et de belle taille.
 

La mairie de Tautira était en effervescence, ce jeudi, pour la première matinée d’ouverture encadrée du rāhui de Tautira. Rendez-vous avait été donné dès 7 heures pour valider la participation des pêcheurs inscrits. “Ce n’était pas facile avec tout ce brouhaha, mais on a réussi à distribuer tous les numéros attribués aux pêcheurs et aux bateaux avec les notices par rapport aux règles de pêche. Ils seront contrôlés sur l’eau et ça leur servira aussi au moment des comptages”, explique Tina Teuira, en charge du stand. Au total, 205 participants, majoritairement de Tautira, ont été recensés, soit quatre fois plus que lors de la précédente ouverture, en mars 2023.
 
La cérémonie d’ouverture s’est faite au son des percussions et des chants des élèves de l’école élémentaire Raiarii Tane, intégrés à l’événement à travers une journée culturelle. “Le rāhui, qui ne date pas d’aujourd’hui, est très important pour notre avenir. Le message de la nouvelle génération, c’est de pêcher ce dont on a besoin et de respecter la réglementation”, souligne John Chin, enseignant en CM1-CM2, comptant parmi les référents de l’aire marine éducative (AME) de Tautira. Les échanges se sont poursuivis à travers des ateliers animés par des personnes-ressources autour des nœuds de navigation, de la préparation des hameçons, des produits locaux ou encore de la sécurité en mer. Les élèves du Centre des jeunes adolescents (CJA) de Tautira se sont joints à l’initiative à travers une exposition rappelant les principes du rāhui, l’occasion de présenter leurs créations artisanales et artistiques.
 

Passage obligatoire par la mairie pour valider les inscriptions.
Passage obligatoire par la mairie pour valider les inscriptions.

À chaque pêcheur son numéro, assorti d’un rappel des règles.
À chaque pêcheur son numéro, assorti d’un rappel des règles.

Deux zones sur trois


Après la prière et le rappel des consignes, 56 bateaux ont mis le cap sur le Fenua ‘Aihere, où se situe la zone de pêche réglementée (ZPR) en vigueur depuis 2018 selon un format unique de trois sous-zones : Tahunatara et Vaionifa qui encadrent une zone de réserve où la pêche est interdite, même en cas d’ouverture. “On a pris la décision d’ouvrir en sachant que le cœur du rāhui, qui sert de nurserie pour alimenter le lagon, reste toujours fermé : ce jeudi matin, la pêche n’est possible que dans les deux zones qui l’entourent”, rappelle le maire délégué de Tautira, Ueva Hamblin, également président du comité de gestion. “C’est important pour nous d’ouvrir pour montrer à la population que cette fermeture, quand elle est suivie avec beaucoup de sérieux, peut repeupler le lagon et bénéficier à la population. C’est une journée très importante pour toute la communauté”, poursuit-il.
 
Autorisés à pêcher à la ligne ou au fusil sous-marin pendant quatre heures, de 9 à 13 heures, et uniquement des poissons, les pêcheurs ont rempli les glacières avec des prises nombreuses et de belle taille. Deux bateaux et une dizaine d’agents de la Direction des ressources marines (DRM) étaient mobilisés sur le plan d’eau. “Notre rôle, c’est d’opérer des contrôles de manière à s’assurer que tout le monde respecte le règlement de pêche du jour. On veille à ce que les gens ne pénètrent pas dans la zone centrale qui reste fermée, qu’ils utilisent bien les techniques autorisées et que les tailles soient respectées pour certaines espèces définies pour des questions de reproduction”, explique Gabriel Sao Chan Cheong, responsable de la cellule de gestion et de préservation des ressources.
 

Les élèves de l’école Raiarii Tane ont assuré l’ouverture culturelle.
Les élèves de l’école Raiarii Tane ont assuré l’ouverture culturelle.

Les bateaux ont mis le cap sur le Fenua ‘Aihere vers 9 heures.
Les bateaux ont mis le cap sur le Fenua ‘Aihere vers 9 heures.

Suivi scientifique


La pêche terminée, les glacières ont afflué à la mairie, où les pêcheurs étaient tenus de revenir pour procéder au comptage. “L’objectif, c’est de savoir combien de poissons, de quelles espèces et de quelles tailles ont été sortis de l’eau. Pour que ce soit efficace, on utilise une méthode qui a été développée par la Communauté du Pacifique Sud à Nouméa : on pose les poissons sur une bâche d’un certain gabarit avec des marqueurs et on les prend en photo pour traiter toutes ces informations a posteriori sur ordinateur. On cherche à savoir si les mesures de protection mises en place sur cet espace maritime ont été efficaces, en comparant avec différentes mesures antérieures”, indique Marguerite Taiarui, étudiante en thèse au Criobe et membre du Rāhui Center. Sous les regards fascinés de la foule, la jeune femme a eu fort à faire avec ses collègues pour collecter ces données précieuses en matière de suivi scientifique.
 
De retour dans les glacières, les poissons ont été vendus aux acheteurs qui se sont pressés en nombre autour des pêcheurs. Certains ont préféré conserver leurs prises pour leur consommation personnelle et familiale. Cette ouverture partielle et ponctuelle sera renouvelée ce samedi, de 8 heures à midi, selon les mêmes modalités. Le rāhui de Tautira sera ensuite totalement fermé, la ZPR venant d’être prolongée jusqu’en 2027.
 

Des agents de la DRM et le maire délégué de Tautira sur le plan d’eau.
Des agents de la DRM et le maire délégué de Tautira sur le plan d’eau.

Les glacières n’ont pas tardé à se remplir.
Les glacières n’ont pas tardé à se remplir.

À la ligne ou au fusil, les pêcheurs ont enchaîné les prises.
À la ligne ou au fusil, les pêcheurs ont enchaîné les prises.

La parole aux pêcheurs

Augustine Clark : “Je suis partie avec mes deux petits frères et mon papa. Nous avons tous pêché au pupuhi. On a ciblé les rougets, parce que ce sont des poissons très appréciés. Je trouve qu’on en a attrapé beaucoup pour une pêche en plein jour. On va les vendre directement sur place, et à Taravao s’il en reste. On revient samedi : on ne peut pas manquer ça !”
 
Serge Gnanapragassam : “C’est la première fois que j’ai l’occasion de pêcher dans le rāhui. Je suis venu avec mon tonton, mon grand-père et ma compagne. On a pêché au fusil et à la canne. Ça a bien marché au lancer : ça mordait tout le temps ! On a dû relâcher des poissons par rapport aux tailles réglementaires. On sent la différence : habituellement, on ne rentre qu’avec cinq ou six pièces en passant la journée sur l’eau, alors que là, en quelques heures, on a pu remplir notre petite glacière. Ce sera pour notre consommation dans la famille.”
 
Cyril Rochette : “Il y a plein de poissons ! Étonnement, je les ai trouvés craintifs. Je ne suis pas spécialement pour le rāhui, car ça ferme des zones de pêche près de chez nous, mais le fait qu’il y ait à nouveau plein de poissons, c’est peut-être un bon point.”

L’équipe du Rāhui Center a procédé au comptage méthodique des poissons.
L’équipe du Rāhui Center a procédé au comptage méthodique des poissons.

La diversité des espèces est au rendez-vous.
La diversité des espèces est au rendez-vous.

Les pêcheurs en ont profité pour partager leurs connaissances avec les enfants.
Les pêcheurs en ont profité pour partager leurs connaissances avec les enfants.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Jeudi 27 Mars 2025 à 17:21 | Lu 1398 fois