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​Le Cesec contre “l’ubérisation” des patentés



Tahiti, le 26 septembre 2024 - Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (CESEC) a rendu jeudi son rapport d’auto-saisine sur l’étude des patentés en Polynésie française.
 

 
Ce rapport, deuxième du genre après un premier déjà rendu en 2015, parvient sans surprise aux mêmes conclusions, mais avec un nette aggravation du phénomène qui semble peser sur le marché de l’emploi, mais aussi sur l’équilibre des régimes sociaux.
 
La faute, non pas aux patentés eux-mêmes selon le rapport, mais aux chefs d’entreprises, ainsi qu’à certains services publics qui vont préférer payer des patentés, pour ne pas être dans l’obligation de cotiser pour leur retraite notamment, plutôt que de faire appel à des contrats à durée déterminée ou à des CDI.
 
“Le recours aux patentés semble parfois institué en règle et imposé par certains employeurs”, constate le Cesec. “De la même façon – et cela est d’autant plus préoccupant –, certains salariés se tournent volontairement vers l’auto-entreprise, attirés par des avantages immédiats.”
 
Dans les faits, le nombre annuel d’embauches décroit d’année en année, alors que le recours au collaborateurs patentés augmente de son côté. Problème : si le recours aux patentés est, en moyenne 35% moins cher que l’emploi salarié pour l’employeur, on assiste à une paupérisation de la valeur travail qui ne produit plus ni rentrées fiscales pour le Pays, ni cotisations sociales.
 
En effet, les patentés en dessous de 10 millions de francs de revenus annuels ne sont soumis qu’au régime fiscal simplifié, et ces derniers, inscrits au Régime des non-salariés, ne sont pas obligés de cotiser pour leur retraite. Le jour de leur cessation d’activité, c’est sur les cotisations des salariés que leur sera versé le minimum retraite. “Il est établi qu’il y a un manque à gagner considérable pour la CPS”, confirme le rapport rendu suite à l’auto-saisine.
 
Des préconisations dans les deux sens
 
Aussi dans ce rapport, voté par 32 voix pour et 12 abstentions, les membres du Cesec ont validé une série de préconisations. Paradoxalement, ces dernières sont plus en défaveur des patentés qu’en faveur de règles plus strictes contre les “patrons fraudeurs” comme les appellent certains conseillers.
 
Imposer une affiliation d’office au RNS comme condition d’obtention d’une patente, limitation du régime fiscal simplifié aux patentés qui feraient 5 millions de francs (et non plus 10) de chiffre d’affaires dans l’année, suppression de la patente multi-activités, réévaluation à la hausse du taux de cotisation du RGS pour le rendre plus proche de celui appliqué aux salariés ou encore obligation de tenir une comptabilité pour pouvoir bénéficier du droit forfaitaire sont dans la liste de ces préconisations.
 
Côté entreprises, pour éviter que les appels aux patentés ne remplacent les CDD, parfois même les CDI, le Cesec recommande au Pays de “doter la Direction du travail de moyens humains et matériels indispensables à ses missions” ou encore de “favoriser les formations d’agents du Pays pour accéder aux fonctions d’inspecteur”. Bien sûr, les patrons parviennent à glisser un vieux cheval de bataille : l’assouplissement du code du travail pour “envisager la modification des conditions de cessation d’activités afin de favoriser le recours au CDI”.
 
Au volet répréhension, en plus des sanctions que pourrait infliger l’inspection du travail, le Cesec suggère “la communication dans la presse des contrôles et des sanctions infligées en cas de dérive”.
 
“Ces mesures pourraient, si le Pays a un jour l’intension de prendre la mesure du problème, faire cesser cette ‘ubérisation’ de l’activité, cet esclavage moderne”, explique Christophe Plée, secrétaire général de la CPME qui enfonce le clou en séance : “Avec ce rapport, le gouvernement ne peut plus fermer les yeux. Il n’y a plus d’inspecteur du travail, ou alors, c’est fait exprès. […] S’il n’en est pas capable, alors que le gouvernement lâche ses services [inspection du travail et contrôle de la CPS, NDLR] et on dérégule tout.”

Rédigé par Bertrand PREVOST le Vendredi 27 Septembre 2024 à 14:03 | Lu 793 fois