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​L’opposition ressoudée par la majorité


Tahiti le 16 décembre 2024. L’opposition à l’assemblée de la Polynésie française a tenu une conférence de presse commune lundi pour revenir sur le vote du budget et sur les deux textes imposés aux élus par Tony Géros en fin de semaine.

 
De mois en mois, les pavés de la discorde de ces dernières années entre le Tapura d’Edouard Fritch, et le A here ia Porinetia de Nuihau Laurey et Nicole Sanquer semblent à nouveau se remettre ensemble pour tracer une même route. Accords sur les législatives anticipées de juillet dernier, discours similaires et amendements communs lors de l’étude du budget primitif de la Polynésie française, vision partagée sur le « coup de force » de Tony Géros au sujet de la décolonisation et lundi, conférence de presse commune avec force de sourires pour dénoncer l’action du gouvernement de Moetai Brotherson. Là où le Tavini et le parti indépendantiste s’ébrèche pour des questions de vitesse d’exécution de son programme électoral, le camp autonomiste au contraire se ressoude. Il est vrai qu’il est toujours plus facile de s’entendre quand on a un ennemi commun que d’avoir une convergence de vues.

Lundi donc, au fare pote de l’assemblée de la Polynésie française, les élus de l’opposition ont tenu un point presse commun afin de revenir sur le vote du budget du Pays la semaine dernière, conclu par un vote sur la poursuite de l’activité décolonisatrice du Tavini.

Un budget que l’opposition juge « injuste et inefficace ». « Les charges fiscales vont augmenter de 6 milliards de francs l’année prochaine », explique Edouard Fritch qui, machine à calculer à la main, estimait lundi que cela faisait environ 80 000 francs par foyer alors que les caisses du Pays n’ont jamais été aussi pleines. « La taxe sur le sucre va surtout toucher les petits. Ceux qui boivent du Milo, qui prennent de la confiture, des biscuits, des yaourts sucrés… Les familles visées sont les plus modestes », s’est-il emporté.

Aux côtés de Nuihau Laurey, plus que la taxation, c’est la politique globale du gouvernement qu’Edouard Fritch ne comprend pas. « On fait cette taxe pour assurer des rentrées fiscales, mais à côté, il n’y a aucune ligne de crédit pour la prévention », poursuit-il. « Cette fiscalité se contente d’écraser les couches des familles les plus modestes. »

Fiscalité, surdité du ministre de l’Education au sujet du collège de Moorea, cherté de la vie. « Rien n’est fait dans le bon sens », constate l’opposition.

De son côté, Nuihau Laurey s’est même interrogé sur le sérieux des élus de la majorité. « On connaît mieux le budget que la majorité et même le gouvernement », s’est-il étonné avant de s’agacer. « On nous explique, cette année encore, que les grandes réformes, ce sera pour l’année prochaine. Pendant ce temps, on a un gouvernement qui continue à emprunter alors qu’il y a 50 milliards de francs en caisse, sans désendetter. Le pire, c’est que ces 50 milliards ne sont pas le résultat de la bonne action du gouvernement, mais de la hausse de perception des taxes par l’effet de la hausse du coût de la vie. » Effectivement, les produits étant plus chers en magasins, la TVA rentre dans les caisses du Pays, sans même avoir à lever le petit doigt.

« Narratif » pour Nuihau Laurey, « saupoudrage » pour Edouard Fritch, le budget 2025 du gouvernement Brotherson n’a pas la côte auprès de l’opposition.

​« Coup politique »

Quant à la clôture des débats jeudi soir à l’assemblée, avec le vote de la résolution appelant l’Etat à ouvrir le dialogue sur la décolonisation sous l’égide de l’ONU, et la délibération habilitant le président de l’assemblée à assigner la France en justice si elle refuse, là encore l’opposition ne décolère pas. « Ça a duré quatre heures, j’ai l’impression que ça a duré quatre jours », soupire Edouard Fritch qui notait, comme tous les observateurs, que ce vote s’est fait sans la tête pensante du Tavini, Oscar Temaru, à la santé fragile, ni Moetai Brotherson, retenu par l’illumination des guirlandes de Noël de la présidence. « C’est un coup politique », martelait Nuihau Laurey. « C’est un coup de Géros pour marquer son empreinte à la face de Moetai Brotherson. Géros veut dire qu’après Oscar Temaru, il sera le gardien du temple. » « Et vous croyez qu’il va choisir qui ? », ironisait alors Edouard Fritch. « Son bras droit ou son gendre ? »

« Nous avons demandé à consulter la population sur la légitimité de l’ouverture d’un processus sur l’indépendance. C’était ça le but de notre amendement », ponctue la représentante Tepuaraurii Teriitahi. « Mais ils ne le feront pas, parce qu’ils ont peur, parce qu’ils savent qu’ils ne sont pas en position de force. »

« Cette histoire de résolution et de délibération, c’est un coup politique du président de l’assemblée à l’encontre du président du Pays qui ne nous regarde pas », conclut Nuihau Laurey.

Appel au soutien à Mayotte

Depuis le terrible cyclone qui a frappé Mayotte ce week-end, les messages de soutiens pleuvent en Polynésie française. Le président du Pays tout d’abord sur les réseaux sociaux, tout comme Mereana Reid-Arbelot la nuit dernière à Paris en commission à l’Assemblé nationale, les sénateurs Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, Tematai Legayic, etc.

Hier, le Tapura a envoyé un communiqué à son tour, demandant au président du pays de venir en aide aux sinistrés par l’envoi d’eau, denrée qui manque déjà cruellement. « Je suis en train de me renseigner pour savoir combien coûte un container d’eau qu’on pourrait envoyer depuis Le Havre ou Marseille », expliquait hier Edouard Fritch. « Ce serait bien que le président se joigne à nous. J’en ai connu des cyclones en Polynésie, mais on n’a jamais vu de telles images, un tel spectacle aussi désolant. »
 

Rédigé par Bertrand PREVOST le Lundi 16 Décembre 2024 à 18:17 | Lu 2806 fois