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​L’appellation Monoï de Tahiti a 30 ans


Tahiti, le 31 mars 2022 - L’huile de monoï fête aujourd’hui les 30 ans de son appellation d’origine. Retour sur ce qui fut une réelle avancée, le 1er avril 1992, pour la protection d’une industrie locale et d’un produit emblématique de la Polynésie sur le marché international.
 
L’huile de monoï est utilisée depuis des temps immémoriaux pour ses vertus cosmétiques et médicinales en Polynésie. Mais avec le développement de son commerce à l’international, il est très rapidement apparu qu’il était nécessaire d’en protéger le pré carré. Cette protection formelle ne sera acquise qu’en 1992 avec l’obtention d’un label d’origine. Une avancée qui concrétise près de 20 ans d’efforts pour que soit reconnue l’identité locale de ce produit.
 
Dans les années 1960, le monoï acquière un succès d’estime à la faveur de la courant esthétique "Tiki pop". Les mots Tahiti, Tiki, etc. sont alors très à la mode. Le Monoï de Tahiti se trouve naturellement et très vite victime du succès que lui confère ses origines. Il est contrefait, détourné, copié. Au point qu’à la fin des années 1970, on estime que seul un dixième des flacons vendus à travers le monde n’ont de "monoï" que l’étiquette, tandis que l’huile qu’ils contiennent reste très souvent d’origine inconnue. Des huiles contrefaites, souvent de mauvaise qualité. Un problème pour l’image de marque de l’huile de monoï, sans parler de celle de Tahiti. De quoi saboter tous les efforts faits localement pour asseoir l’image de qualité d’un produit.
 
Aussi, pour se protéger de ces contrefaçons, les rares producteurs polynésiens ont-ils l’astuce, dès les années 1980, d’ajouter systématiquement une fleur de Tiare Tahiti (gardenia taitensis) dans leurs flacons de monoï. La fleur est endémique. Pour les clients, elle permet d’authentifier d’un seul coup d’œil la provenance locale de leur produit. Mais si l’astuce donne aux rares connaisseurs une clé d’identification, elle n’a qu’un effet limité sur le phénomène de contrefaçon. L’étape suivante de l’entreprise de protection doit donc se jouer sur le terrain de la réglementation.
 
Les limites du pré carré
 
D’abord au plan local, avec un arrêté adopté le 7 avril 1988. Par ce texte, l’assemblée territoriale définit les caractéristiques du "monoï traditionnel", artisanal, et du "monoï" de fabrication industrielle. Les règles d’étiquetage et de commercialisation de ces deux produits sont posées. Parallèlement, les acteurs de l’industrie locale s’entendent pour créer une marque commune : Monoï de Tahiti.
 
La prochaine étape de cette entreprise de reconquête devait se jouer au plan national, à Paris au prix d’un nécessaire entregent, mais pour une cause légitime. Et il faudra attendre le 1er avril 1992 pour que cette protection soit décrétée par gouvernement d’Edith Cresson. Issu d’un savoir-faire ancestral, conçu à partir de produits typiques de Polynésie, le monoï de Tahiti décroche son appellation d’origine, Monoï de Tahiti. Une appellation "simple" attribuée après enquête publique. La distinction légale permet de délimiter l’aire géographique de production et de déterminer les spécificités du produit en se fondant sur des usages locaux, loyaux et constants, comme le précise le code de la consommation.
 
Depuis le 1er avril 1992, en somme seuls peuvent se prévaloir du label Monoï de Tahiti appellation d’origine, les "produits fabriqués en Polynésie française par macération de fleurs de Tiare récoltées au stade de fleurs en bouton, dans de l’huile de coprah raffinée, extraite de noix de coco provenant exclusivement du cocotier 'Cocos Nucifera', récoltée dans l’aire géographique de la Polynésie française au stade de noix mûres, sur des sols d’origine corallienne." Le processus de macération nécessite règlementairement au moins dix boutons de Tiare par litre. Et les fleurs doivent être utilisées au plus tard le lendemain de leur récolte. Observée en France, la protection de l’appellation d’origine est aussi en vigueur dans une quarantaine de pays à travers le monde, dont la plupart des pays européens.
 
Union des professionnels
 
Des pays dans lesquels l’usage non autorisé de l’appellation d’origine Monoï de Tahiti constitue un délit et engage la responsabilité pénale et civile de l’utilisateur contrevenant. Les poursuites sont habituellement engagées par des organismes de droit public, comme ceux qui sont chargés de veiller à la loyauté des pratiques commerciales, les autorités de contrôle des appellations d’origine ou les organismes de protection des consommateurs. Pour garantir le respect des obligations de cette appellation d’origine à l’international, la veille des marchés est assurée depuis 2017 par un regroupement de professionnels locaux, l’association Monoï de Tahiti.
 
Cette association de professionnels constitue le dernier avatar de 30 ans d’efforts pour structurer la filière monoï en Polynésie, en faire la promotion et défendre ses intérêts économiques. L’obtention du label d’appellation d’origine avait conduit, en juillet 1992, les acteurs du secteur à formaliser leur union d’intérêts initiée dans les années 1980 au sein du Groupement interprofessionnel du monoï de Tahiti (GIMT). Dès l’origine, en 1992, cet organisme, dans lequel le Pays était partie prenante, est chargé de structurer la filière et de fédérer les producteurs autour d’un objectif commun de développement. Le GIMT sera rebaptisé Institut du monoï en 2004, avant d’être dissout en 2017 à la demande du Pays.
 
Dans le même temps, l’association Monoï de Tahiti est créée pour reprendre à son compte les missions de promotion, de surveillance et de protection juridique de l’appellation d’origine. Elle est aujourd’hui présidée par Jérémy Biau, producteur de monoï de Tahiti à la Presqu’île. L’organisation rassemble aujourd’hui les cinq principales entreprises productrices de monoï de Tahiti et de produits cosmétiques dérivés : La Parfumerie Tiki, la Parfumerie Sachet, le Laboratoire de cosmétologie du Pacifique sud, Heiva cosmétique de Tahiti, et la société Tahiti Oil factory. Pour ces entreprises polynésiennes, le label appellation d’origine Monoï de Tahiti pose depuis 1992 le cadre d’un développement commercial préservé à l’international. Une protection dont seuls quatre produits non alimentaires bénéficient en France, outre l’huile de monoï : la "dentelle du Puy" ; les "mouchoirs et toiles de Cholet" ; la "poterie de Vallauris" ; et les" émaux de Limoges".

Les 30 ans célébrés sur le terrain

Plusieurs manifestations sont organisées pour célébrer les 30 ans de l’appellation d’origine Monoï de Tahiti :
 
• Vendredi 1er avril : Accueil polynésien à l’aéroport Tahiti Faa’a, grâce à une collaboration entre la société Aéroport de Tahiti (ADT), Tahiti Tourisme et l’association Monoï de Tahiti. Un flacon de monoï de Tahiti sera offert à tous les voyageurs arrivant par un vol international. La distribution dans le hall d’arrivée de l’international Tahiti Faa’a.
 
• Vendredi 1er et samedi 2 avril : Journée portes ouvertes sur la Route du Monoï.
 
- Inauguration du Conservatoire du Tiare Tahiti, dans les jardins de Paofai. Cet espace met en valeur les différentes espèces de gardenia que l’on retrouve en Polynésie française. Projet éducatif et scientifique, ce Conservatoire a pour ambition de mieux comprendre les propriétés et origines de cette fleur entrant dans la composition du monoï de Tahiti, mais aussi de la plante la plus utilisée dans la pharmacopée polynésienne. 
 
- Diffusion des clips vidéo La minute du Monoï de Tahiti. L’association Monoï de Tahiti grâce au soutien du gouvernement de la Polynésie française, propose 10 clips Monoï de Tahiti appellation d’origine, soin régénérant du corps et de l’âme. Ces dix clips d’une minute évoquent l’origine, la composition, les bienfaits et utilisations de cette huile de soin naturelle polynésienne. Les clips sont disponibles en cinq langues sur le site officiel du Monoï de Tahiti et diffusés par les partenaires de la filière monoï www.monoidetahiti.org

Vers une AOP Monoï de Tahiti

Si le label dont bénéficie le monoï de Tahiti est pour l’instant opposable dans la quarantaine de pays signataires de l’arrangement de Lisbonne et de l’acte de Genève, pour la protection des appellations d’origine, il ne couvre pas la totalité de ceux de l’union européenne. D’ici 2024-2025, le projet est de parvenir à être en AOP. "L’appellation d’origine a aujourd’hui 30 ans, son évolution en Appellation d’origine protégée nous permettra de monter d’un cran pour la défense de nos produits avec une couverture plus large et des règles plus précises", justifie Jérémy Biau, le président de l’association Monoï de Tahiti. "Il faut savoir que nous avons toujours, encore aujourd’hui, à combattre de nombreuses contrefaçons. Une AOP sera stratégiquement plus efficace pour les procédures de contrôle et de dépôt de marque." "Ce qui est bien dans cette filière, c’est qu’il y a des projets et que l’on se donne une visibilité dans le temps", constate Eric Vaxelaire, directeur de l’Institut du Monoï jusqu’en 2017. "C’est une filière qui a une vision."

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 1 Avril 2022 à 04:11 | Lu 1822 fois