Tahiti, le 7 octobre 2021 – Le vice-président Tearii Alpha s'est exprimé jeudi à l'assemblée pour réaffirmer le soutien du gouvernement au projet de ferme aquacole de Hao. Une première depuis les déclarations très critiques du président Emmanuel Macron lors de sa visite envers ce faramineux projet d'investissement chinois au fenua.
Deux semaines après la publication par Tahiti Infos des conclusions inquiétantes du rapport de la chambre territoriale des comptes (CTC) sur le projet aquacole de Hao et quelques jours après l'interview très optimiste donnée à La Dépêche par l'investisseur chinois Wang Cheng, l'assemblée a débattu jeudi en séance du rapport de la juridiction financière sur ce “serpent de mer (…) dont on voit la tête mais jamais la queue”, dixit l'élu Tavini Richard Tuheiava, représentant plus de 30 milliards de Fcfp d'investissements sur l'atoll des Tuamotu. L'occasion surtout pour le gouvernement, le vice-président en charge de l'Economie bleue en tête, de s'exprimer pour la toute première fois sur ce dossier depuis les déclarations fracassantes fin juillet du Président de la République Emmanuel Macron sur un projet “exotique, aventureux, aux financements incertains”.
De retour à l'assemblée après une longue cure d'austérité médiatique, le vice-président Tearii Alpha a rappelé la “genèse” de ce dossier “pour que nous ne soyons pas frustrés par ce rapport, mais que nous nous engagions dans le développement de l'aquaculture”. Rappelant pour partager les torts éventuels que le projet avait été successivement porté par les gouvernements Temaru, Flosse et Fritch, le vice-président a vanté “l’opportunité unique” à la fois pour Hao et pour le Pays de “s’engager sur l'économie bleue”. Une filière dont “on parle depuis 40 ans, sans que l'on ai pu véritablement avancer”, mais indubitablement une filière “d’avenir” pour Tearii Alpha. “Le projet Tahiti Nui Ocean Foods à Hao, centré sur la reproduction et l'élevage des fameux tonu, nous est apparu comme un bon projet”, a martelé le vice-président.
Questions en suspens
Quelques déclarations du vice-président sont apparues néanmoins en contradiction assez nette avec les conclusions du rapport de la CTC et les démarches du Pays ces dernières années. “Nous tenons à signaler que sans dérogation particulière, nous l'avons accompagné dans ses démarches”, a soutenu Tearii Alpha à propos de TNOF. “L’investisseur s'est toujours comporté de manière exemplaire, en se pliant de manière stricte aux exigences réglementaires environnementales, urbanistiques et de sécurité. L'investisseur n'a jamais demandé un seul passe-droit ou dérogation par rapport à nos règles.” C'est visiblement mettre de côté le tapis rouge fiscal déroulé pour le projet aquacole avec des exonérations d'impôts et de taxes sur 10 à 30 ans, l'avis “défavorable” de la direction des impôts pour faire bénéficier TNOF du précédent dispositif, ou encore le fait que depuis cinq ans TNOF n'ait jamais finalisé ses réponses à la Diren pour obtenir les autorisations de construction soumises au “régime des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE)”.
“Tant que les ICPE ne seront pas remis, le projet ne pourra pas être mis en conformité”, a d'ailleurs consenti sur ce dernier point Tearii Alpha, rassuré par l'engagement de TNOF dans l'interview donnée lundi à La Dépêche. En revanche, une dernière question reste encore jusqu'ici sans réponse. Les trois permis de construire accordés en 2016 -et prorogés deux fois- ne sont plus réglementairement valables depuis septembre 2021. Wang Cheng a déclaré en début de semaine à La Dépêche qu'ils étaient toujours valables jusqu'en 2022, mais personne ne confirmait jeudi cette dernière information à l'assemblée.
Messages à l'Etat
Plus intéressant, le vice-président a également passé quelques messages en direction de l'Etat, rappelant que “deux hauts-commissaires” s'étaient déjà rendus à Hao avec l'investisseur chinois. Il a affirmé ne pas “ignorer tout ce qui a été dit, vrai ou faux, sur les investisseurs chinois et la Chine”, ne pas “sous-estimer les craintes que peuvent susciter un projet important porté par un investisseur chinois” ou encore avoir “entendu les propos du Président de la République”. Mais Tearii Alpha a également rappelé la présence déjà effective au fenua du groupe chinois Hainan, à travers deux hôtels à Bora Bora et Moorea. “Nous n'avons jamais eu de problèmes avec cette société”. Pour le vice-président : “la réalité de notre expérience et notre vécu avec les investisseurs chinois depuis 2015 nous montrent que la réalité de nos relations est totalement contraire aux nombreux préjugés véhiculés à l'encontre des investisseurs chinois en général”.
Tearii Alpha a tenu à rappeler que TNOF avait déjà investi plus de 500 millions de Fcfp en “études et en travaux de terrassement” en Polynésie. Il a rappelé que le Pays en avait engagé quant à lui plus de 600 millions de Fcfp en “divers travaux”, mais en l'assurant : “Ces travaux ne sont pas perdus”. Enfin, la conclusion du ministre s'est faite sur un angle jusqu'ici rarement évoqué : “Lors de ses derniers échanges, M. Wang Cheng (…) nous a précisé que si le Pays ou l'Etat s'opposent directement ou indirectement à la réalisation du projet, il en tirera ses conséquences. Et ces conséquences, ce n'est pas lui qui le dit mais nous qui l'anticipons, pourraient nous emmener à un dédommagement de l'investissement déjà réalisé”…
Consensus à Tarahoi
A l'exception toute relative des interventions des élus des Tuamotu, Teina Maraeura et Yseult Butcher, les débats qui ont suivi l'intervention du vice-président n'ont pas été trop critiques à l'égard du retard pris par le projet aquacole de Hao. L'élu Tavini Richard Tuheiava a lourdement sous-entendu que les inquiétudes formulées par le rapport de la juridiction financière rejoignaient les critiques exprimées par l'Etat sur ce projet. La présidente du groupe Tahoera'a Teura Iriti a assuré que les élus étaient “tous favorables à ce projet”, mais en soulignant qu'il fallait néanmoins “s’interroger sur l'opinion publique des habitants” de Hao à son égard. Et l'élu Tapura et président de la commission des ressources marines, Charles Fong Loi, s'est dit entièrement rassuré par l'interview de Wang Cheng sur la volonté de l'investisseur de voir aboutir son projet.
Seuls donc l'ancien tavana de Rangiroa, Teina Maraeura, et celle de Hao, Yseult Butcher, ont émis quelques réserves au nom des habitants des Tuamotu. Le premier alertant sur un projet qui “a fait rêver cette population de Hao” et qu'il “serait temps de soutenir”. La seconde pour évoquer les craintes “d’une partie” de sa population, principalement sur les questions environnementales et sur la lenteur du projet. “Aujourd'hui nous avons un autre projet qui va se mettre en place, c'est le RSMA. Et on compte beaucoup plus sur le RSMA que sur ce projet.”
Deux semaines après la publication par Tahiti Infos des conclusions inquiétantes du rapport de la chambre territoriale des comptes (CTC) sur le projet aquacole de Hao et quelques jours après l'interview très optimiste donnée à La Dépêche par l'investisseur chinois Wang Cheng, l'assemblée a débattu jeudi en séance du rapport de la juridiction financière sur ce “serpent de mer (…) dont on voit la tête mais jamais la queue”, dixit l'élu Tavini Richard Tuheiava, représentant plus de 30 milliards de Fcfp d'investissements sur l'atoll des Tuamotu. L'occasion surtout pour le gouvernement, le vice-président en charge de l'Economie bleue en tête, de s'exprimer pour la toute première fois sur ce dossier depuis les déclarations fracassantes fin juillet du Président de la République Emmanuel Macron sur un projet “exotique, aventureux, aux financements incertains”.
De retour à l'assemblée après une longue cure d'austérité médiatique, le vice-président Tearii Alpha a rappelé la “genèse” de ce dossier “pour que nous ne soyons pas frustrés par ce rapport, mais que nous nous engagions dans le développement de l'aquaculture”. Rappelant pour partager les torts éventuels que le projet avait été successivement porté par les gouvernements Temaru, Flosse et Fritch, le vice-président a vanté “l’opportunité unique” à la fois pour Hao et pour le Pays de “s’engager sur l'économie bleue”. Une filière dont “on parle depuis 40 ans, sans que l'on ai pu véritablement avancer”, mais indubitablement une filière “d’avenir” pour Tearii Alpha. “Le projet Tahiti Nui Ocean Foods à Hao, centré sur la reproduction et l'élevage des fameux tonu, nous est apparu comme un bon projet”, a martelé le vice-président.
Questions en suspens
Quelques déclarations du vice-président sont apparues néanmoins en contradiction assez nette avec les conclusions du rapport de la CTC et les démarches du Pays ces dernières années. “Nous tenons à signaler que sans dérogation particulière, nous l'avons accompagné dans ses démarches”, a soutenu Tearii Alpha à propos de TNOF. “L’investisseur s'est toujours comporté de manière exemplaire, en se pliant de manière stricte aux exigences réglementaires environnementales, urbanistiques et de sécurité. L'investisseur n'a jamais demandé un seul passe-droit ou dérogation par rapport à nos règles.” C'est visiblement mettre de côté le tapis rouge fiscal déroulé pour le projet aquacole avec des exonérations d'impôts et de taxes sur 10 à 30 ans, l'avis “défavorable” de la direction des impôts pour faire bénéficier TNOF du précédent dispositif, ou encore le fait que depuis cinq ans TNOF n'ait jamais finalisé ses réponses à la Diren pour obtenir les autorisations de construction soumises au “régime des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE)”.
“Tant que les ICPE ne seront pas remis, le projet ne pourra pas être mis en conformité”, a d'ailleurs consenti sur ce dernier point Tearii Alpha, rassuré par l'engagement de TNOF dans l'interview donnée lundi à La Dépêche. En revanche, une dernière question reste encore jusqu'ici sans réponse. Les trois permis de construire accordés en 2016 -et prorogés deux fois- ne sont plus réglementairement valables depuis septembre 2021. Wang Cheng a déclaré en début de semaine à La Dépêche qu'ils étaient toujours valables jusqu'en 2022, mais personne ne confirmait jeudi cette dernière information à l'assemblée.
Messages à l'Etat
Plus intéressant, le vice-président a également passé quelques messages en direction de l'Etat, rappelant que “deux hauts-commissaires” s'étaient déjà rendus à Hao avec l'investisseur chinois. Il a affirmé ne pas “ignorer tout ce qui a été dit, vrai ou faux, sur les investisseurs chinois et la Chine”, ne pas “sous-estimer les craintes que peuvent susciter un projet important porté par un investisseur chinois” ou encore avoir “entendu les propos du Président de la République”. Mais Tearii Alpha a également rappelé la présence déjà effective au fenua du groupe chinois Hainan, à travers deux hôtels à Bora Bora et Moorea. “Nous n'avons jamais eu de problèmes avec cette société”. Pour le vice-président : “la réalité de notre expérience et notre vécu avec les investisseurs chinois depuis 2015 nous montrent que la réalité de nos relations est totalement contraire aux nombreux préjugés véhiculés à l'encontre des investisseurs chinois en général”.
Tearii Alpha a tenu à rappeler que TNOF avait déjà investi plus de 500 millions de Fcfp en “études et en travaux de terrassement” en Polynésie. Il a rappelé que le Pays en avait engagé quant à lui plus de 600 millions de Fcfp en “divers travaux”, mais en l'assurant : “Ces travaux ne sont pas perdus”. Enfin, la conclusion du ministre s'est faite sur un angle jusqu'ici rarement évoqué : “Lors de ses derniers échanges, M. Wang Cheng (…) nous a précisé que si le Pays ou l'Etat s'opposent directement ou indirectement à la réalisation du projet, il en tirera ses conséquences. Et ces conséquences, ce n'est pas lui qui le dit mais nous qui l'anticipons, pourraient nous emmener à un dédommagement de l'investissement déjà réalisé”…
Consensus à Tarahoi
A l'exception toute relative des interventions des élus des Tuamotu, Teina Maraeura et Yseult Butcher, les débats qui ont suivi l'intervention du vice-président n'ont pas été trop critiques à l'égard du retard pris par le projet aquacole de Hao. L'élu Tavini Richard Tuheiava a lourdement sous-entendu que les inquiétudes formulées par le rapport de la juridiction financière rejoignaient les critiques exprimées par l'Etat sur ce projet. La présidente du groupe Tahoera'a Teura Iriti a assuré que les élus étaient “tous favorables à ce projet”, mais en soulignant qu'il fallait néanmoins “s’interroger sur l'opinion publique des habitants” de Hao à son égard. Et l'élu Tapura et président de la commission des ressources marines, Charles Fong Loi, s'est dit entièrement rassuré par l'interview de Wang Cheng sur la volonté de l'investisseur de voir aboutir son projet.
Seuls donc l'ancien tavana de Rangiroa, Teina Maraeura, et celle de Hao, Yseult Butcher, ont émis quelques réserves au nom des habitants des Tuamotu. Le premier alertant sur un projet qui “a fait rêver cette population de Hao” et qu'il “serait temps de soutenir”. La seconde pour évoquer les craintes “d’une partie” de sa population, principalement sur les questions environnementales et sur la lenteur du projet. “Aujourd'hui nous avons un autre projet qui va se mettre en place, c'est le RSMA. Et on compte beaucoup plus sur le RSMA que sur ce projet.”