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Déficit: Braun-Pivet rouvre le débat fiscal, Le Maire inflexible, Macron esquive


Crédit Odd ANDERSEN / AFP
Crédit Odd ANDERSEN / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 22/03/2024 - Nouvel épisode de l'éternel débat fiscal dans la majorité: Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée, a évoqué la piste d'une contribution des plus grands pourvoyeurs de dividendes au redressement des comptes, écartée immédiatement par Bruno Le Maire, tandis qu'Emmanuel Macron a renvoyé la balle au gouvernement.

Que faire face au dérapage annoncé du déficit public, qui grimpera selon le gouvernement "significativement" au-dessus des 4,9% du PIB (Produit intérieur brut) initialement attendus en 2023?

Pour la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance), la majorité doit "entamer une réflexion" sur les entreprises réalisant des "superprofits" ou versant des "superdividendes".

"Nous devons nous interroger sur nos recettes, y compris sur la possibilité de taxer les superprofits dans les grandes entreprises ou les rachats d'action", a insisté Mme Braun-Pivet vendredi dans le Figaro.

A l'heure où le déficit de 2023 pourrait être supérieur d'une vingtaine de milliards aux estimations du gouvernement, il est en effet tentant d'aller piocher dans cette manne.

Selon le gestionnaire d'actifs Janus Henderson, 63,2 milliards d'euros ont été reversés par 40 des plus grosses entreprises françaises à leurs actionnaires en 2023, un montant record.

Mais pour Bruno Le Maire, invité à la mi-journée sur BFMTV, pas question de "dévier de notre ligne économique". 

Appeler à arbitrer le match lors d'une conférence de presse à Bruxelles, Emmanuel Macron a renvoyé à la "stratégie" que le gouvernement doit annoncer la "semaine prochaine". "Je ne vais pas préempter les solutions techniques", a éludé le chef de l’Etat.

Il a également appelé à "compléter" l'effort budgétaire, tout en sous-entendant que les nouvelles économies pèseraient davantage sur les dépenses sociales ou les collectivités plutôt que sur le budget de l'Etat.

Depuis 2017, le camp d'Emmanuel Macron a de fait quasiment proscrit les hausses d'impôts.

Une contribution exceptionnelle a certes été demandée au secteur pétrolier et aux producteurs d'électricité en raison de l'envolée des prix de l'énergie consécutive à l'offensive russe en Ukraine.

Bruno Le Maire a annoncé vendredi que le budget 2025 prolongerait ce mécanisme de "récupération des rentes", mais "pas plus que ça".

Mi-mars, la Cour des comptes a cependant pointé le faible rendement de cette taxe et jugé celle-ci "pas équitable" pour le consommateur.

"Mur budgétaire" 

A deux jours du congrès du MoDem, le débat fiscal est loin d'être clos. 

Le chef des députés du parti centriste Jean-Paul Mattei pousse pour une hausse ciblée de la taxation des revenus du patrimoine, en relevant le taux du prélèvement forfaitaire ("flat tax"). 

La députée apparentée Renaissance Stella Dupont veut elle se pencher sur le taux d'imposition global des "milliardaires".

Côté opposition, Eric Coquerel, président LFI de la commission des Finances, a ironisé sur la proposition de Yaël Braun-Pivet de taxer "superprofits" et "superdividendes", mesures défendues par la gauche et certains députés macronistes lors de l'examen du budget, mais écartées par le 49.3.

"La prochaine fois, que Yaël Braun-Pivet n’hésite pas à les appuyer au bon moment", a-t-il grincé sur X.

"Les impôts n'augmenteront pas" en France, a balayé Bruno Le Maire, qui n'envisage une éventuelle taxation des contribuables les plus fortunés qu'à l'échelle européenne ou mondiale.

Dans l'immédiat, pour ramener le déficit sous les 3% du PIB, objectif réaffirmé vendredi, le gouvernement mise sur la maîtrise de la dépense publique.

L'introduction d'un reste à charge sur le compte personnel de formation "me paraît être une économie juste et responsable", a estimé Bruno Le Maire. Autre exemple, "les circonstances exigent qu'on réduise un peu la voilure" sur le budget de MaPrimeRénov', a-t-il affirmé.

Plus largement, le gouvernement a déjà acté 10 milliards d'euros de coupes budgétaires en 2024 et prévoit 20 milliards d'économies supplémentaires en 2025.

Le gouvernement ne cédera ni à l'"austérité", ni au "laisser-aller", a assuré vendredi Bruno Le Maire.

C'est pourtant un "mur budgétaire qui est devant nous si la seule variable d’ajustement est la dépense publique", a averti jeudi soir sur France 5 l'économiste de l'OFCE Mathieu Plane.

Avant l'annonce des coupes de 30 milliards d'euros en 2024 et 2025, Bercy tablait sur une envolée du déficit à 5,6% du PIB en 2023, 5,7% en 2024 et 5,9% en 2025, selon un contrôle réalisé jeudi à Bercy par le sénateur Jean-François Husson (Les Républicains).

le Vendredi 22 Mars 2024 à 06:17 | Lu 1077 fois