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​Un projet polynésien de container médicalisé pour les îles


Tahiti, le 25 août 2020 - Fruit d'un partenariat entre Fenua Medex et Airaro, la solution Med.i.Can -candidate au concours Tech4Islands Awards 2020- propose un dispensaire ambulant. De la médecine générale à l'urgence, le container équipé en télémédecine et autonome en énergie promet de projeter n'importe quel taote spécialisé sur les îles les plus reculées.
 
Si le projet de respirateurs "low cost" suivi à Tahiti par Fenua Medex et la société Airaro n'est pas allé bien loin, il a néanmoins permis au premier d'envisager le second comme développeur d'ingénierie pour porter une autre solution face à la crise sanitaire. Une "structure médicalisée mobile" : Med.i.can. Sous la forme d’un container, ce dispensaire ambulant entend répondre au "manque d’infrastructures médicales" ou de "médecins attitrés" dans les confettis reculés du fenua. Une idée qui ne date pas d'hier, mais qui a pris un certain essor avec le Covid et les difficultés d'évacuation sanitaire. 

En faveur du rebond "vers les îles d'après", le concours Tech4Islands l'a donc forcément accueilli à bras ouvert. C'est que les applications de Med.i.can sont nombreuses. Sur un festival au fond d'une vallée aux Marquises, sur un événement sportif, un chantier, en appoint de poste de secours, en cas de rénovation d’une structure médicale ou d'épisode cyclonique. La liste est longue. "On peut imaginer venir en renfort de nos voisins dans la région, aux îles Cook, ou aux Samoa victimes d'une épidémie de rougeole l'année dernière" développe, Hervé Vergeaud, co-fondateur de Fenua Medex. "Il doit être passe-partout."

Télémédecine

Taillé pour être transporté en goélette, le conteneur équipé d'un simple châssis ne fera pas plus de 20 pieds et 3,4 tonnes. "La composante du poids a été intégrée dans la réflexion, afin d'avoir quelque chose de facile à manipuler avec les moyens qu'on trouve sur place, justifie David Wary, associé de Airaro. On ne prétend pas répondre à tous les cas de figure, mais on fait en sorte que ce soit adapté à un maximum d'endroits." 
De la médecine générale (tension artérielle, pouls, température, poids, taille) à l'urgence (électrocardiogramme, défibrillateur, administration de drogues), le conteneur propose deux configurations. "On aura une table de consultation qui peut se rabattre et un caisson mobile pour l’accueil d’un lit de brancard, et dans lequel sera intégré tout le matériel, indique Hervé. En mode urgence, le caisson bascule au milieu, de façon à intervenir autour du patient".

Ergonomie spatiale oblige, les écrans seront amovibles grâce à des bras articulés fixés à des rails au plafond. "Comme dans les vaisseaux spatiaux de Matrix", sourit Hervé. Airaro se défend d'ailleurs d'avoir tout inventé. "On a quand même œuvré sur de l'existant avec un gros travail de solutions techniques sur ce qui se fait de mieux" indique David. Mais le point fort du projet, son "originalité", c'est surtout la télémédecine qui permet de projeter n'importe quel médecin spécialisé in situ" En visioconférence, le pédiatre ou le médecin du Samu pourra voir s'afficher les paramètres du patient, sa tension, sa température, une photo de la plaie, ou une échographie en temps réel, énumère Hervé. Il va pouvoir guider l'opérateur qui sera ses mains."

Un container au JO à Teahupo'o ?

Le conteneur devra donc être capable de se connecter avec le Samu, un hôpital ou toute autre structure dédiée. Pour la partie télécommunication justement, le duo est en discussion avec Marlink, leader mondial des services de communications par satellite et partenaire historique de Parsys, spécialisée dans les solutions de télémédecine, dont MedEx est d'ailleurs le distributeur exclusif. 
L'autre originalité de Med.i.can, c'est son autonomie énergétique. Pour ça, Airaro a prévu une solution hybride. "On sécurise la production solaire avec un groupe électrogène et une batterie de stockage afin de s'assurer que l'apport solaire soit suffisant pour limiter l'apport du groupe, actif la nuit", indique David. Une dizaine de panneaux solaires seront fixés sur le toit pour une autonomie estimée de 7 à 16 heures. Pour la batterie, Airaro a choisi la technologie Tesla, quatre fois plus légère qu'une batterie de camion : 140 contre 800 kg. "Plus on prend de l'espace dans le conteneur pour assurer le stockage moins on a d'espace pour les équipements" justifie David le chef d'entreprise.

Côté lancement, les partenaires lorgnent le "repère psychologique" des JO de surf en 2024. "Si on arrivait à mettre le conteneur sur la plage de Teahupoo, ce serait formidable" glisse Hervé. Pas de frein technique au démarrage pourtant. "On pourrait démarrer aujourd'hui avec une commande fixe" signale David. "On a les plans du légo, reste à boucler les financements" renchérit Olivier Marrec, associé de Fenua Medex. Soit 10 à 15 millions de Fcfp. Le coup de projecteur de Tech4Islands ne devrait pas faire de mal.
 

​SOS télémédecine

Le dispositif a eu l'occasion d'être testé à petite échelle lors de la première vague. Il consiste à envoyer à la rencontre des cas Covid, 2 à 3 infirmiers équipés d'une valise de télémédecine Parsys. Orange, étanche et équipée de capteurs médicaux à transmission sans fil, elles sont conçues pour simplifier et accélérer la saisie des examens. Nul besoin de taote sur place. Cerveau de l'équipe, c'est lui qui pilote ces consultations à domicile depuis la maison médicale de garde, au CHPF. Pas de risque pour lui non plus de contracter la maladie. "L'idée c'est de protéger les médecins parce qu'ils ne sont pas nombreux" précise Hervé Vergeaud, co-fondateur de Fenua Medex.

Le dispositif entend aussi gagner du temps sur les déplacements, auxquels s'ajoutent l'habillage et le déshabillage en tenue de protection, un rituel particulièrement chronophage. Si les médecins embarqués ne peuvent traiter qu'un seul patient, la télémédecine leur permettrait de dégager de la disponibilité et de manœuvrer ainsi jusqu'à trois groupes d'infirmiers. "On a esquissé un plan sur dix équipes", rapporte le gérant. Un chiffre qui n'a rien d'anodin, puisque la direction de la Santé a fait l'acquisition de dix valises de télémédecine, en cours de réception. "Chaque équipe peut traiter 8 à 10 patients Covid par jour pour une configuration où les hôpitaux sont trop pleins" reprend HervéSoit un total de 80 à 90 patients Covid par jour. Un back-up non négligeable pour les hôpitaux, si la trajectoire du nombre de cas se poursuit à la hausse.

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 25 Août 2020 à 10:22 | Lu 4849 fois