Interview de l'anthropologue Guillaume Alevêque, il sera l'un des commissaires de l'exposition consacrée au maro'ura au musée du quai Branly.
Tahiti, le 6 octobre 2021 - Nous clôturons notre série d'articles sur le maro'ura avec celui par qui tout a “recommencé”. Guillaume Alevêque est à l'origine de la renaissance du maro'ura, qu'il a fait sortir de l'ombre des réserves du musée du quai Branly pour lui redonner une place à la hauteur de son prestige. À quelques jours de l'ouverture de l'exposition du quai Branly consacré au maro'ura, l'anthropologue a accepté de partager avec Tahiti Infos ce qui l'a conduit sur les traces de ce trésor et ce qu'il représente.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours de chercheur, anthropologue ?
“J’ai fait mes études d’anthropologie à l’université d’Aix-Marseille puis à l’EHESS. Après ma thèse, j’ai eu plusieurs contrats de recherche, notamment à l’University College de Londres, grâce à une bourse de la fondation Fyssen, puis au Musée du quai Branly.”
Comment vous êtes-vous intéressé à la Polynésie en particulier ?
“Ce fut un long cheminement. En tant qu’étudiant, j’étais particulièrement intéressé par l’Asie du Sud-Est et l’Océanie. Mais comme je n’avais pas les moyens de faire des recherches aussi loin, j’ai d’abord travaillé en archives. Je suivais les cours de Serge Tcherkézoff sur l’histoire de la rencontre entre Polynésiens et Européens. C’était passionnant et cela soulevait une question essentielle : peut-on découvrir le point de vue des Polynésiens de cette époque au travers des documents européens ? Un des principaux corpus (ensemble de documents) concernant cette époque est constitué des écrits missionnaires (espagnols, anglais et français), ce sont donc à eux que je me suis intéressé. L’année suivante, j’ai obtenu une allocation qui m’a enfin permis de venir en Polynésie française. J’ai écrit une thèse sur les transformations de la relation au passé ancien à Tahiti.”
Comment êtes-vous arrivé sur les traces de ce maro'ura ?
“Lorsque je travaillais sur les textes des premiers navigateurs et des missionnaires, j’avais essayé de retracer les différents objets de la rencontre, pour reprendre l’expression de l’anthropologue Nicholas Thomas, qui ont été échangés, transformés, réutilisés par les Polynésiens comme les Européens. Le maro‘ura auquel le drapeau rouge planté par Wallis a été rattaché en est un des exemples les plus remarquables.”
Pouvez-vous nous décrire votre parcours de chercheur, anthropologue ?
“J’ai fait mes études d’anthropologie à l’université d’Aix-Marseille puis à l’EHESS. Après ma thèse, j’ai eu plusieurs contrats de recherche, notamment à l’University College de Londres, grâce à une bourse de la fondation Fyssen, puis au Musée du quai Branly.”
Comment vous êtes-vous intéressé à la Polynésie en particulier ?
“Ce fut un long cheminement. En tant qu’étudiant, j’étais particulièrement intéressé par l’Asie du Sud-Est et l’Océanie. Mais comme je n’avais pas les moyens de faire des recherches aussi loin, j’ai d’abord travaillé en archives. Je suivais les cours de Serge Tcherkézoff sur l’histoire de la rencontre entre Polynésiens et Européens. C’était passionnant et cela soulevait une question essentielle : peut-on découvrir le point de vue des Polynésiens de cette époque au travers des documents européens ? Un des principaux corpus (ensemble de documents) concernant cette époque est constitué des écrits missionnaires (espagnols, anglais et français), ce sont donc à eux que je me suis intéressé. L’année suivante, j’ai obtenu une allocation qui m’a enfin permis de venir en Polynésie française. J’ai écrit une thèse sur les transformations de la relation au passé ancien à Tahiti.”
Comment êtes-vous arrivé sur les traces de ce maro'ura ?
“Lorsque je travaillais sur les textes des premiers navigateurs et des missionnaires, j’avais essayé de retracer les différents objets de la rencontre, pour reprendre l’expression de l’anthropologue Nicholas Thomas, qui ont été échangés, transformés, réutilisés par les Polynésiens comme les Européens. Le maro‘ura auquel le drapeau rouge planté par Wallis a été rattaché en est un des exemples les plus remarquables.”
"C’est un objet extrêmement complexe qui n’a pas d’équivalent et que nous sommes loin d’avoir fini d’étudier.”
© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon
Pouvez-vous nous expliquer votre découverte et ce qu'elle représente ?
“Je n’aime pas parler de découverte. D’un point de vue scientifique, il s’agit d’une théorie. Jusqu’alors, aucun objet n’avait été identifié comme un possible maro‘ura. Avec ce fragment, tout concorde avec les pistes que les écrits anciens nous donnent à leur sujet, qu’il s’agisse des techniques, des matériaux, de la datation. Mais les questions sont encore nombreuses, c’est un objet extrêmement complexe qui n’a pas d’équivalent et que nous sommes loin d’avoir fini d’étudier.”
Avez-vous immédiatement vu/senti/su que l'objet était exceptionnel ?
“Ce fragment m’a d’abord intrigué. C’est lorsque je me suis rendu compte qu’il ne correspondait à aucun objet fait de plumes que l’on trouvait aux îles de la Société, tels que les heaumes fau, les pectoraux tāumi ou les capes des habits de deuilleur, que l’idée a fait son chemin. Lorsque j’ai soulevé l’une des pièces de tapa qui le compose, ce que personne n’avait sans doute jamais fait, et vu les morceaux de tissu rouge, là j’ai vraiment pensé qu’il s’agissait d’un fragment de ce maro‘ura. Mais cela ne suffisait pas, j’ai donc continué mes recherches jusqu’à pouvoir présenter mon argument de manière solide et vérifié. Et je continue mes recherches depuis et elles ont vraiment avancé grâce au musée du quai Branly et au musée de Tahiti et des îles, où j’ai trouvé des collègues dont la passion et l’expertise sont inestimables.”
Est-ce que vous recherchiez les maro'ura ?
“Je ne recherchais pas de traces des maro‘ura, mais je m’y étais déjà intéressé au cours de mes recherches. Lorsque je suis arrivé au musée du quai Branly en 2015, je m’intéressais à la recréation des objets anciens dans l’art et la culture à Tahiti de nos jours. Par curiosité, j’ai voulu regarder les objets de Polynésie française présents dans la collection du musée. C’est ainsi que cela a commencé.”
Quelle idée aviez-vous de l'objet avant sa redécouverte ? Est-ce qu'il correspond à ce vous imaginiez d’un maro'ura ? “C’est une excellente question ! Je ne me souviens plus du tout.”
“Je n’aime pas parler de découverte. D’un point de vue scientifique, il s’agit d’une théorie. Jusqu’alors, aucun objet n’avait été identifié comme un possible maro‘ura. Avec ce fragment, tout concorde avec les pistes que les écrits anciens nous donnent à leur sujet, qu’il s’agisse des techniques, des matériaux, de la datation. Mais les questions sont encore nombreuses, c’est un objet extrêmement complexe qui n’a pas d’équivalent et que nous sommes loin d’avoir fini d’étudier.”
Avez-vous immédiatement vu/senti/su que l'objet était exceptionnel ?
“Ce fragment m’a d’abord intrigué. C’est lorsque je me suis rendu compte qu’il ne correspondait à aucun objet fait de plumes que l’on trouvait aux îles de la Société, tels que les heaumes fau, les pectoraux tāumi ou les capes des habits de deuilleur, que l’idée a fait son chemin. Lorsque j’ai soulevé l’une des pièces de tapa qui le compose, ce que personne n’avait sans doute jamais fait, et vu les morceaux de tissu rouge, là j’ai vraiment pensé qu’il s’agissait d’un fragment de ce maro‘ura. Mais cela ne suffisait pas, j’ai donc continué mes recherches jusqu’à pouvoir présenter mon argument de manière solide et vérifié. Et je continue mes recherches depuis et elles ont vraiment avancé grâce au musée du quai Branly et au musée de Tahiti et des îles, où j’ai trouvé des collègues dont la passion et l’expertise sont inestimables.”
Est-ce que vous recherchiez les maro'ura ?
“Je ne recherchais pas de traces des maro‘ura, mais je m’y étais déjà intéressé au cours de mes recherches. Lorsque je suis arrivé au musée du quai Branly en 2015, je m’intéressais à la recréation des objets anciens dans l’art et la culture à Tahiti de nos jours. Par curiosité, j’ai voulu regarder les objets de Polynésie française présents dans la collection du musée. C’est ainsi que cela a commencé.”
Quelle idée aviez-vous de l'objet avant sa redécouverte ? Est-ce qu'il correspond à ce vous imaginiez d’un maro'ura ? “C’est une excellente question ! Je ne me souviens plus du tout.”
© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon
Savons-nous depuis quand le fragment était dans les réserves du musée, depuis quand on estime qu'il n'avait pas été vu en tant que maro'ura ?
“Oui, les recherches avancent, même s’il reste des zones d’ombre. Il a été vendu au musée de l’Homme de Paris en 1964, par le marchand d’art Charles Ratton. Il avait été acheté quelques années auparavant lors d’une vente aux enchères organisée par les descendants de Thomas Haweis, le fondateur de la London Missionary Society. Pomare II avait offert à celui-ci un to‘o de Ta‘aroa en 1818. Avec celui-ci se trouvait le fragment. Sur les premières photos du musée de l’Homme, il entoure le to‘o, mais on ne sait pas s’il le fit lorsque celui-ci a été offert, ou si cela a été fait après.”
Travaillez-vous sur d'autres objets polynésiens ? Avez-vous un ou d'autres sujets polynésiens de recherches qui vous intéressent particulièrement ?
“Oui, je travaille sur deux champs de recherche assez vastes. La relation au passé en Polynésie aujourd’hui d’une part, et d’autre part sur la période de la christianisation.”
“Oui, les recherches avancent, même s’il reste des zones d’ombre. Il a été vendu au musée de l’Homme de Paris en 1964, par le marchand d’art Charles Ratton. Il avait été acheté quelques années auparavant lors d’une vente aux enchères organisée par les descendants de Thomas Haweis, le fondateur de la London Missionary Society. Pomare II avait offert à celui-ci un to‘o de Ta‘aroa en 1818. Avec celui-ci se trouvait le fragment. Sur les premières photos du musée de l’Homme, il entoure le to‘o, mais on ne sait pas s’il le fit lorsque celui-ci a été offert, ou si cela a été fait après.”
Travaillez-vous sur d'autres objets polynésiens ? Avez-vous un ou d'autres sujets polynésiens de recherches qui vous intéressent particulièrement ?
“Oui, je travaille sur deux champs de recherche assez vastes. La relation au passé en Polynésie aujourd’hui d’une part, et d’autre part sur la période de la christianisation.”
Le maro'ura mis en lumière au quai Branly
Le maro'ura sera sous le feu des projecteurs dès la semaine prochaine à Paris. Le musée du quai Branly lui consacre une exposition du 19 octobre au 9 janvier prochain. Autour du fragment découvert par Guillaume Alevêque, l'expo intitulée Maro'ura, un trésor polynésien, racontera l'histoire et l'importance culturelle de cet objet, parmi les plus prestigieux des ari'i des îles de la Société. D'autres objets du quai Branly et d'autres musées viendront compléter l'exposition ainsi que des œuvres contemporaines du musée de Tahiti comme des tifaifai et des costumes de danse.
Pratique :
Musée du quai Branly, Paris - Atelier Martine Aublet
du 19 octobre 2021 au 9 janvier 2022
Tarifs 12€ /pers
https://www.quaibranly.fr
Le maro'ura sera sous le feu des projecteurs dès la semaine prochaine à Paris. Le musée du quai Branly lui consacre une exposition du 19 octobre au 9 janvier prochain. Autour du fragment découvert par Guillaume Alevêque, l'expo intitulée Maro'ura, un trésor polynésien, racontera l'histoire et l'importance culturelle de cet objet, parmi les plus prestigieux des ari'i des îles de la Société. D'autres objets du quai Branly et d'autres musées viendront compléter l'exposition ainsi que des œuvres contemporaines du musée de Tahiti comme des tifaifai et des costumes de danse.
Pratique :
Musée du quai Branly, Paris - Atelier Martine Aublet
du 19 octobre 2021 au 9 janvier 2022
Tarifs 12€ /pers
https://www.quaibranly.fr