​Un malade du Covid témoigne


Tahiti, le 15 avril 2020 – Tahiti Infos a rencontré l'une des 55 personnes atteintes du coronavirus au fenua. Cela fait près d'un mois qu'il s'est isolé chez lui, en coupant tout contact physique avec sa femme et ses deux enfants. Symptômes, état physique et mental, traitement, ou encore suivi de la veille sanitaire, il livre son témoignage.
 
Comment vous sentez-vous aujourd'hui ?
“Cela fait deux semaines que je vais beaucoup mieux. J'ai eu les symptômes pendant cinq à six jours.”
 
Comment est-ce-que vous avez su que vous aviez le coronavirus ?
“Je savais qu'une personne de mon entourage avait été en contact avec une autre personne qui revenait de métropole. J'ai eu des doutes et je me suis confiné avant d'avoir les premiers symptômes. Cela n'a pas été facile. Cela doit faire quatre ou cinq semaines que je n'ai pas vu physiquement mon bébé. J'ai aussi une fille de cinq ans. J'ai voulu surtout protéger ma famille. Je crois que j'ai bien fait parce qu'aucun membre de ma famille n'a eu le virus.”
 
Quand les premiers symptômes se sont manifestés, qu'avez-vous fait ?
“J'en ai parlé d'abord à ma femme et elle m'a conseillé d'appeler le 15. Aux urgences, on m'a dit qu'un médecin allait me rappeler. On m'a rappelé au bout d'une heure. Je lui ai expliqué ce que j'avais, et le médecin a tout de suite cherché à savoir si j'avais été en contact avec quelqu'un qui avait le coronavirus. Je lui ai donné un nom, et une demie heure après on m'a rappelé pour me dire d'aller à l'hôpital pour faire un test.”
 
Est-ce-que vous êtes atteint d'une autre maladie, comme l'asthme ou le diabète ?
“J'ai de l'asthme. C'est ce qui m'a fait un peu paniqué sur le moment. J'ai lu beaucoup d'articles et j'ai vu que ceux qui ont de l'asthme sont des personnes à risque.”
 
Comment s'est passé le test à l'hôpital ?
“Déjà, je voulais que personne de ma famille ne m'accompagne. Pour les pompiers, on m'a dit qu'ils n'étaient pas équipés comme ils le sont aujourd'hui. J'ai donc pris mon véhicule et je me suis rendu aux urgences, où j'ai vite été pris en charge. On m'a mis dans une chambre et ils ont fait un prélèvement au niveau des narines. C'était dans la soirée. Le lendemain à six heures du matin, un médecin est venu m'examiner et j'ai eu les résultats le soir vers 20 heures.”
 
Comment avez-vous réagi lorsqu'on vous a annoncé que votre test au Covid-19 était positif ?
“Sur le coup ça a été un choc, même si je me doutais bien que j'avais le virus. Je savais que ça allait chambouler ma vie de famille pour au moins deux semaines. Ma femme a dû s'occuper toute seule de notre bébé d'un mois, de notre fille et de moi aussi.”
 
Est-ce-que les personnes avec qui vous avez été en contact ont été testées ? Est-ce-que votre famille a été testée également ?
“A ma connaissance, on est au moins quatre à avoir été testé. Pour deux tests positifs et deux tests négatifs. Le deuxième test positif, c'est effectivement moi. Pour ma famille, ni ma femme ni mes enfants n’ont été testés.”
 
La personne qui vous a transmise le virus, est-ce qu'elle savait qu'elle l’avait ?
“Pas au moment de la réunion que nous avions eu ensembles. Elle a été testée trois ou quatre jours après. Je sais que cette personne a eu beaucoup de contacts avec d'autres. Par ailleurs, selon les informations que j'ai, cette personne n'a développé aucun symptôme de la maladie.”
 
Est-ce-que la veille sanitaire prend de vos nouvelles ?
“Oui le bureau de veille sanitaire m'appelle tous les jours. Ils ont contacté aussi mon épouse pour savoir si elle avait des problèmes. On a un suivi quotidien. Certains appels peuvent durer jusqu'à quinze voire vingt minutes. Il y a un véritable échange sur les symptômes que l'on a, et sur notre état physique et mental. Je dois faire un test de dépistage dans les prochains jours pour savoir si j'ai toujours le virus.”
 
Dans quel état physique on se trouve lorsqu’on a le coronavirus ?
“On ressent déjà une grosse fatigue et une fièvre qui monte jusqu'à 39. Je devais dormir jusqu'à dix à douze heures par jours. J'avais des douleurs dans les articulations aussi, et j'ai perdu le goût. Peu importe ce que je mangeais, ça avait toujours le goût de papier pour moi. Pour les difficultés respiratoires, j'ai eu la chance de faire des séances de kiné avant pour apprendre à respirer. Tous ces symptômes ont duré pour moi pendant au moins six jours. J'ai eu la chance aussi de ne pas atterrir en réanimation.”
 
Quel traitement avez-vous suivi ? Est-ce-que vous avez pris de la chloroquine ?
“Au début, je prenais du doliprane pour aller mieux. Mais à chaque fois, au bout de trois ou quatre heures je me sentais encore mal. Au bout de deux jours, j'ai arrêté le doliprane. Ça a été compliqué mais au fur et à mesure des jours je me sentais mieux. On ne m'a pas prescrit de la chloroquine. Sur mon ordonnance, j'avais du doliprane, des masques et du gel hydroalcoolique. Mais depuis que je me suis confiné, je n'ai jamais eu de masques.”
 
Que pensez-vous de l'organisation qui a été mise en place par les autorités du Pays et de l'Etat pour lutter contre la propagation du virus ?
“Je crois que l'on a manqué d'anticipation d'abord pour se constituer un stock de masques suffisant. Pour les tests c'est la même chose, on a dû mal à s'en procurer aujourd'hui. On ne sait pas comment le Pays aurait pu mieux gérer cette crise sanitaire. Mais quand on voit tout ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie où ils ont fait plus de 2 000 tests en peu de temps, je me pose des questions. Ils ont aussi confinés dans les hôtels ceux qui revenaient de l'étranger. Aujourd'hui, ils ont moins de cas que nous. Faudrait peut-être s'inspirer de leur méthode.”
 
Quel message voulez-vous adresser à la population ?
“Il faut être extrêmement prudent. Il n’a fallu pour moi qu'une seule réunion et un seul contact pour être contaminé, alors que je pensais prendre toutes les précautions. C'est important de respecter les gestes barrière, et de ne sortir que si c'est nécessaire. Se protéger et faire des tests, se sont les meilleures solutions pour sortir de cette crise.”
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 15 Avril 2020 à 20:35 | Lu 18603 fois