
Tohonu, prête à se jeter à l’eau avec sa couronne et sa balise (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 7 février 2025 – Tohonu, la miraculée de Reao, cette tortue verte adulte amputée d’une partie de ses deux nageoires antérieures et soignée pendant quatre mois par l’équipe de l’association Te Mana o te Moana, a retrouvé l’océan sur la plage de Taharu’u, à Papara, vendredi midi. À cette occasion, un partenariat à des fins de sensibilisation a été scellé avec la Fédération tahitienne de surf et les élèves de la section surf du lycée Tuianu Le Gayic. Grâce à une balise fixée sur sa carapace, des données précieuses à la conservation de cette espèce pourront être collectées.
Scène émouvante sur la plage de Taharu’u, à Papara, vendredi midi. Les élèves de la section surf du lycée Tuianu Le Gayic ont fait une haie d’honneur avec leurs planches pour guider vers l’océan Tohonu, une tortue verte miraculée. Si une couronne de tiare Tahiti a été posée sur sa carapace en guise d’adieu, un suivi sera assuré à distance grâce à une balise satellite autonome fixée sur son dos.
Scène émouvante sur la plage de Taharu’u, à Papara, vendredi midi. Les élèves de la section surf du lycée Tuianu Le Gayic ont fait une haie d’honneur avec leurs planches pour guider vers l’océan Tohonu, une tortue verte miraculée. Si une couronne de tiare Tahiti a été posée sur sa carapace en guise d’adieu, un suivi sera assuré à distance grâce à une balise satellite autonome fixée sur son dos.

Une haie d’honneur des élèves-surfeurs pour guider la tortue vers l’océan.
Un suivi à distance
Pour Cécile Gaspar, vétérinaire et fondatrice de Te Mana o te Moana, ce moment était donc “exceptionnel” à plus d’un titre. “On va pouvoir la suivre pour voir si elle se déplace bien, et donc si elle se nourrit bien. Elle ira moins vite que d’autres, mais on pourra savoir combien de kilomètres elle parcourt chaque jour. Ça va être passionnant, parce que c’est la première fois qu’on relâche avec une balise une tortue qui n’a que deux moignons de nageoires”, explique-t-elle.
Cinq autres tortues en phase de reproduction sont équipées du même dispositif, à la fois coûteux et soumis à autorisations. “C’est important en termes de conservation de suivre leur cycle de ponte. On pense qu’elles partent aux Fidji pour s’alimenter. Ce sont des espèces ambassadrices des changements globaux au niveau des courants, des ressources alimentaires et des températures. Mieux on les comprendra, mieux on pourra mettre en place des actions de conservation, en sachant que le taux de survie des émergeantes est très faible (1%). Tout ce qu’on fait depuis 18 ans – même si ça paraît anecdotique sur le moment –, on devrait bientôt commencer à le mesurer avec la recrudescence des pontes. Sur Tetiaroa, on en est à 400.000 bébés qu’on a vus naître et qu’on a accompagnés de la sortie du sable au lagon pour supprimer une partie de la prédation”, poursuit la directrice de l’association, sans oublier les menaces humaines (braconnage, pollution, collision).

La FTS et le lycée de Papara s’engagent avec Te Mana o te Moana.
Associer les surfeurs
Dans le cadre de l’Année de la Mer, l’association poursuit plus que jamais ses actions, y compris sur le plan de la prévention. Ce retour à l’état sauvage d’une de leurs protégées sur le site de Popoti a été l’occasion de sceller un partenariat avec le lycée voisin, ainsi qu’avec la Fédération tahitienne de surf (FTS), présidée par Max Wasna : “On va sensibiliser nos athlètes et nos encadrants. On va se former avec l’association pour mieux connaître cet animal et savoir comment on pourrait devenir des ambassadeurs capables d’alerter, mais aussi de participer aux observations de recensement. On pourrait impacter facilement 500 licenciés, et plus largement contribuer à sensibiliser la population lors des grands événements locaux et internationaux que nous organisons.”
Une belle vitrine en perspective pour défendre cette noble cause ; c’est d’ailleurs en surfant sur une vague que Tohonu a retrouvé la liberté, au terme de quatre mois de soins intensifs. Elle fait partie des 681 tortues prises en charge par Te Mana o te Moana ces deux dernières décennies.
Kahili Simon, élève de la section surf du lycée de Papara : “Beaucoup d’espoir pour l’avenir”

“Les tortues sont menacées, donc ce lâché nous donne beaucoup d’espoir pour l’avenir. On a appris que c’était une femelle en âge de s’accoupler, donc on espère qu’elle pourra continuer sa vie et donner naissance à plein de bébés tortues. L’océan, c’est notre environnement à nous aussi en tant que surfeurs. C’est super important de préserver notre nature, autant pour nous que pour tous les animaux qui y vivent. On croise des tortues quasiment à chaque session à Taharu’u : ça fait toujours plaisir !”
Un sauvetage de quatre mois
Tohonu est une tortue verte de 93 cm pour 96 kg. Cette femelle adulte avait été retrouvée dans un état critique à Reao, aux Tuamotu, début octobre 2024. Son nom de baptême est un clin d’œil aux tōhonu, ces arbres qui bordent la marina où elle a été secourue. Suite à l’intervention du Réseau des Gardiens de l’Océan mandaté par la Direction de l’environnement et de l’association Clermont-Tonnerre de l’atoll, elle a été prise en charge par l’équipe de Te Mana o te Moana dans son centre de soins pour tortues marines. Elle présentait des lésions sévères sur trois nageoires avec plusieurs fractures et amputations, ainsi qu’une fracture importante de la carapace. Ces blessures semblent résulter d’une prédation naturelle, probablement causée par une attaque de chien sur la plage ou par des requins en mer. Dès son arrivée, un traitement antibiotique a été instauré. Des soins de désinfection et des pansements ont été effectués quotidiennement. Afin de favoriser sa réhydratation, elle a bénéficié de bains d’eau douce d’une heure, trois fois par semaine, avant d’intégrer progressivement le bassin de réhabilitation. Bien que ses nageoires aient été amputées, une fois ses plaies cicatrisées, elle a su s’adapter : se déplacer, plonger, remonter à la surface pour respirer. Autant d’étapes essentielles pour permettre son retour dans son milieu naturel.

Ces sauvetages réussis sont le fruit d’un effort collectif.