​Tenir compte de la “spécificité polynésienne”


Tahiti, le 28 août 2023 – Alors qu'aucun dispositif législatif n'a encore été proposé pour éviter l'instauration de la cour criminelle en Polynésie, Me Philippe Neuffer estime que la chancellerie n'a peut-être pas pris toute la “mesure de la spécificité polynésienne”.
 
Huit mois après l'entrée en vigueur de la loi qui prévoit que la cour d'assises soit remplacée par une cour criminelle composée de magistrats professionnels pour les crimes punis de la peine maximale de vingt ans de prison ferme, la Polynésie n'a toujours pas obtenu de dispositif législatif lui donnant la possibilité de ne pas instaurer ce système, tel que cela avait pourtant été demandé par le parquet général de Papeete. 
 
Alors qu'il défendra dès mercredi, devant la cour d'assises, la famille d'une femme décédée sous les coups de son compagnon à Maupiti le 23 octobre 2020, l'avocat au barreau de Papeete, Me Philippe Neuffer, estime qu'il est important de rappeler que la justice doit être rendue “directement par le peuple” : L’instauration de juridiction d’exception en matière pénale est, de manière générale, diversement accueillie par la communauté judiciaire et notamment par les avocats. La mise en place d’une cour criminelle en Polynésie française, pour laquelle j’étais plutôt favorable, n’a pas manqué de surprendre. En effet, la cour d’assises de Papeete ne paraissait pas aussi engorgée que dans d’autres ressorts. De même, et ainsi que me le rappelait un confrère du barreau de Papeete plus expérimenté que moi, si la justice est rendue au nom du peuple, il est bon que le peuple puisse la rendre directement, c’est d'ailleurs tout l’intérêt d’une cour d’assises composée majoritairement de jurés populaires.”
 
Oralité des débats
 
L'avocat estime, tout comme le parquet général, qu'il existe une spécificité polynésienne dont l'essence même est incarnée par le principe de la cour d'assises : l'oralité des débats. “Il est vrai que l’on observe, lors de ces audiences d’assises à Papeete, un rapprochement unique entre le service public judiciaire et la population polynésienne.” Malgré les demandes formulées par la juridiction de Papeete, Me Neuffer s'interroge : “La Chancellerie n’a peut-être pas pris toute la mesure de la spécificité polynésienne avant d’étendre ce dispositif au-delà du territoire européen de la France. Le manque d’évaluation parlementaire postérieure à la mise en place de cette cour a d’ailleurs été regrettée par l’assemblée générale du Conseil d’État.”


Si Me Neuffer espère que “les discussions parlementaires sur le projet de loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027” pourront peut-être être un moyen pour arriver à ne pas continuer de faire appliquer cette loi en Polynésie, l'avocat général, Jacques Louvier, indique, quant à lui, que le texte sera soumis à la commission mixte paritaire en octobre prochain sans deuxième lecture en raison du choix du gouvernement d'opter pour la procédure accélérée.
 

 
 
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 29 Aout 2023 à 08:13 | Lu 2458 fois