​Qui pilote le collectif Nuna'a a ti'a ?


Tahiti, le 1er juillet 2020 – Rencontre avec Tutea Mollon, le porte-parole du jeune collectif Nuna'a a ti'a également ancien secrétaire général adjoint du Tavini huiraatira et directeur du développement éducatif, social et culturel à la mairie de Faa'a. Le trentenaire répond aux interrogations suscitées par la présence de nombreux militants du Tavini dans les rangs du collectif, dément toute manipulation du parti indépendantiste et assure au contraire vouloir dépasser les clivages politiques.
 
Tutea Mollon, pouvez-vous vous présenter ?

"Je travaille à la mairie de Faa'a. C'est vrai que je suis de nature discrète, je n'aime pas trop me mettre en avant. Sauf que là, avec le collectif, je n'ai pas eu trop le choix. On m'a parachuté devant, donc après si cela permet de faire avancer les choses, il n'y a pas de souci."
 
Comment est venue l'idée de monter ce collectif ?

"Une personne (du collectif Tearai, NDLR) m'a appelé il y a deux semaines, par rapport à un problème (…). Et dans la discussion, on s'est rendu compte qu'il y avait plusieurs problèmes dans ce Pays. Je suis de nature à faire avancer les choses. Venir dénoncer les problèmes et rentrer chez soi ce n'est pas trop ce qui m'intéresse, car c'est une perte de temps. Du coup on a fait état de tout ce qui n'allait pas. On a vu, sur les réseaux sociaux, les différents collectifs qui se plaignaient contre plusieurs décisions qui avaient été prises. Et on s'est dit pourquoi ne pas rassembler tout ce beau monde pour qu'on puisse travailler tous ensemble. (…)"
 
Comment s'est déroulé votre premier rassemblement entre associations ?

"A ma grande surprise cela s'est bien passé, car la plupart des personnes présentes ont compris qu'il fallait d'abord respecter chaque entité, respecter leur façon de voir, respecter leur combat. C'est vrai qu'on aurait pu être inquiet par rapport aux positions et à la vision de chacun. Jusqu'à maintenant ça se passe très bien car tout le monde a compris que le collectif ne marchera pas s'il y a des guéguerres internes. Le but c'est de se rassembler pour s'entraider."
 
Parmis les "injustices" que vous dénoncez, on pense surtout au dossier du président du Tavini Oscar Temaru ?

"Oui, c'est un des dossiers. Il y avait aussi une décision prise en conseil des ministres concernant le mouillage des bateaux dans le lagon de Faa'a et Punaauia. Il y a aussi le dossier du nucléaire, comme l'indemnisation et l'amendement Tetuanui. Il y a aussi la route du Sud. Il y a beaucoup de décisions qui ont été prises, je ne dirais pas sans concertation, mais contre l'avis de la population. Ces personnes se sont levées et mobilisées contre certaines décisions car on n'a pas tenu compte de leur avis. C'est pour cela qu'on a mis le mot injustice mais ce n'est pas la finalité du collectif. La finalité c'est de proposer des solutions pour régler les problèmes. (…)"
 
Comment vous avez été propulsé porte-parole du collectif ?

"Cela s'est fait, je vais dire, un peu en catimini. Je n'étais pas présent quand la décision a été prise. J'ai rejoint le collectif et on m'a annoncé que j'allais être le porte-parole. Bon après je l'accepte, si ça peut servir, il n'y a pas de souci. (…)."
 

"Nos combats sont aussi ceux portés par le Tavini"

Le fait que vous soyez l'ancien secrétaire général adjoint du Tavini n'a pas interrogé ?

"S'ils m'ont nommé, c'est que cela ne les gênait pas (…). Je ne sais pas quelle était la teneur des discussions. Après, il faut aussi dépasser ça. Quand on me dit que tu es Tavini j'ai envie de dire où est le problème ? Cela aurait changé les choses si j'étais au Tahoera'a ou au Tapura ? J'ai l'impression que c'est parce que c'est le Tavini c'est mal vu. Franchement je ne vois pas le problème."
 
Est-ce que le collectif peut être assimilé à un Tavini bis ?

"On en a parlé de la présence du Tavini. Cela ne les dérange pas, pour la simple raison que les combats que portent les associations sont ceux aussi portés par le Tavini. Donc le Tavini a sa place. Il est légitime. Les autres partis politiques aussi ont leur place. Pour régler les problèmes qu'il y a dans ce Pays, les décisions sont prises par le politique. Donc si on écarte les politiques, peu importe leur couleur, ça n'avancera jamais, car c'est eux qui votent les lois, c'est eux qui décident. Donc il faut travailler de concert avec eux, qu'ils soient bleus, rouges, oranges. J'invite tout le monde, tous les partis politiques qui œuvrent pour l'intérêt général (…). On ne fait pas de politique. On est là pour éveiller les consciences et régler les problèmes."
 
Vous travaillez également à la mairie de Faa'a ?

"Oui. Eh bien, je m'excuse, est-ce que ça aurait changé quelque chose si je travaillais à la mairie de Pira'e ? Est-ce que les gens auraient eu un problème par rapport à cela ? Il faut bien que je gagne ma vie aussi (…). L'autre jour j'ai eu l'occasion d'assister à une réunion avec la ministre du tourisme Nicole Bouteau. Elle nous expliquait les problèmes que le secteur touristique avait suite à la Covid19. Ce sont des problèmes sérieux, il faut que tous puissions travailler ensemble pour refaire démarrer le tourisme de notre Pays. Il ne faut pas se dire : lui est Tavini, Tapura ou Tahoeraa et donc on ne va pas le prendre."
 
Dès la première marche du collectif, on a vu beaucoup de drapeaux bleus…

"Ceux qui sont venus avec les drapeaux bleus sont les sympathisants du Tavini. Ils sont venus pour soutenir leur leader Oscar Temaru qui subit des injustices. Et ils sont venus le soutenir par rapport à cela (…). Et d'ailleurs, tous les partis politiques sont d'accord avec cela. Ils lui ont adressé des messages de sympathie. Ils ne trouvent pas normal ce qui s'est passé (…)."
 

"On ne fait pas de politique"

Est-ce que vous n'avez pas, vous même, un parti pris pour le Tavini ?

"Je dis simplement la vérité. Je ne connais pas Mr Fritch mais les réunions auxquelles j'assiste et où il est présent, je trouve que c'est un mec sympa. Je ne pense pas avoir des problèmes pour discuter avec lui. J'ai vu son intervention à la télé, où il disait qu'il ne comprenait pas les objectifs du collectif. On se tient à sa disposition pour le lui expliquer, il n'y a pas de souci. Il ne faut pas qu'il prenne cela comme un collectif contre lui car ce n'est pas le cas. (…) Après, la politique politicienne je laisse ça aux partis politiques, qu'ils règlent ça entre eux."
 
Est-ce que le parti indépendantiste intervient dans les décisions du collectif ?

"Non, pas du tout. Et je remercie Oscar Temaru. C'est quelqu'un qui n'a jamais tiré les ficelles. Il s'occupe de son parti, de sa mairie, et il n'essaie jamais de se mêler des décisions prises par les associations, collectifs. Il n'assiste même pas à nos réunions, il n'est jamais présent à nos réunions."
 
Avez-vous des ambitions électorales pour l'avenir ?

"Personnellement non. Car si je le fais, ça voudra dire qu'on aura raté notre objectif avec le collectif. L'idée c'est de se rassembler. Et à partir du moment où vous vous positionnez sur une liste, vous vous mettez déjà en opposition ou en confrontation avec d'autres personnes. Donc comment faire avancer les choses, si déjà vous vous positionnez contre une personne. Si on me propose d'être sur une liste je refuserais car ce n'est pas mon objectif. (…)"
 
Pourquoi avez-vous démissionné du bureau du Tavini ?

"Au Tavini, il y a beaucoup de gens biens. Il y a trois personnes pour qui j'ai énormément de respect. Quand je discute avec eux, ils m'apprennent beaucoup de choses et c'est un réel plaisir. Il y a Oscar Temaru, Tony Géros et Vito Maamaatuaiahutapu. (…) Mais après, et c'est peut-être le cas dans tous les partis politiques, il y a des gens qui devraient aider à faire avancer les choses. Je pense que ces personnes pourraient faire plus. Je suis quelqu'un qui a horreur de perdre son temps. Et quand je propose mon aide mais qu'on va te trouver tout un tas d'excuses pour en pas faire avancer les choses, ça m'ennuie. (…)"
 
Beaucoup de collectifs se sont montés et n'existent plus aujourd'hui… N'avez-vous pas peur de l'effet pétard mouillé ?

"C'est dur de tenir sur la durée. Il faut être motivé, car les gens viennent bénévolement, on ne nous paie pas pour venir. Ce qu'il faut c'est que les gens prennent conscience qu'ils n'y arriveront pas à faire avancer les choses tout seul dans leur coin. Il faut qu'on se rassemble, qu'on discute et voir comment on peut régler les problèmes de chacun. A partir du moment où il monte une association, c'est qu'il s'intéresse à un problème. Il se renseigne et devient "experts" de la thématique (…). Et nous on est là pour les écouter, et voir comment les aider à sensibiliser le plus de monde possible pour éveiller les consciences (…)."
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 1 Juillet 2020 à 08:08 | Lu 2503 fois