​Plan de sauvetage : Le Pays et les communes siphonnés


Tahiti, le 24 mars 2020 - Le collectif budgétaire “massif” promis par Teva Rohfritsch est arrivé sur les bureaux des élus à l'assemblée pour être adopté en séance extraordinaire jeudi matin. Le vice-président promettait de “racler les fonds de tiroir” pour financer les mesures destinées à préserver l'emploi et sauver les entreprises. Si de nombreux organismes vont perdre une partie de leur financement, ce sont surtout les communes qui vont être sollicitées.
 
Adopté en décembre dernier à hauteur de 173 milliards de Fcfp, le budget de la Polynésie française fait l'objet d'un projet de modification budgétaire visant à l'augmenter significativement. L’évaluation totale des mesures visant à réduire les impacts de la crise sanitaire s’établit en effet à 29,5 milliards de Fcfp avec un financement réparti entre d’une part, un abattement des dépenses du Pays à hauteur de 21 milliards, et d’autre part, par l'utilisation d'une dizaine de milliards dans les réserves du Pays. Un bouleversement qui oblige le Pays à taper dans tous les portefeuilles pour financer les mesures du plan de sauvegarde économique présenté lundi. Contrairement à la loi de finances rectificative adoptée en métropole dimanche, ce collectif ne prend pas en compte les baisses prévisibles dans la collecte de l’impôt sur les sociétés ou sur les transactions ou encore la baisse de la TVA à collecter sur une activité économique fortement réduite. Si certaines ponctions apparaissent évidentes compte tenu des circonstances, la diminution des dotations aux communes va probablement agiter les bancs à l'assemblée lors du vote de jeudi.
 
Les institutions et organismes publics doivent réduire la voilure
 
Le gouvernement prévoit notamment la “réduction des charges de personnel de l’ordre de 3,782 milliards de Fcfp”. Une réduction qui, d'après nos informations, recouvre la suppression des postes vacants qui étaient à pourvoir. La plupart des établissements publics sont également sollicités que ce soient l'ISPF (171 millions), le CFPA (345), l'IJSPF (252), l'OPH (320) ou encore le Fare Tama Hau (138). Seuls le CHPF et l'Institut Louis Malardé sont préservés. Les établissements culturels, qui ne peuvent plus recevoir de public, sont ainsi également appelés à contribuer à l'effort de solidarité. La Maison de la culture (169 millions), le Conservatoire (103) ou encore le Musée de Tahiti et des iles (60). Des montants qui peuvent paraître symboliques mais qui sont bien supérieurs à la réduction des dotations des académies tahitienne, marquisienne et paumotu appelés à contribuer pour des montants compris entre 2 et 9 millions de Fcfp. Ce sont bien tous les fonds de tiroir qui sont ainsi mobilisés...

En plus des services et établissements publics, les institutions du Pays sont également mises à contribution avec quelques coups de canifs au principe d'autonomie budgétaire. L'Assemblée voit en effet sa dotation annuelle baisser de près de 50% en devant contribuer à hauteur de 915 millions. Le Cesec devra quant à lui apporter 37 millions dans la cagnotte gouvernementale. Des ajustements qui sont ainsi proposés par le gouvernement au nom d'“un effort de solidarité applicable à toutes les instances publiques”. Un effort compréhensible mais qui pose d'importantes questions juridiques probablement évoquées à l'APF demain.
 
Les secteurs sinistrés mis à contribution
 
Conséquence économique majeure de la pandémie du Covid-19, la réduction de l'activité touristique sur le fenua entraine l'arrêt de versement des subventions prévues au titre de l'animation et de la promotion touristique pour tous les organismes concernés. Un milliard de Fcfp est donc ainsi récupéré dont 189 millions sur le budget du seul GIE Tahiti Tourisme dont l'activité est au point mort. Le transport aérien inter-iles étant également à l'arrêt, il est également prévu de récupérer près de 350 millions sur la continuité territoriale avec les archipels.

De la même manière, plusieurs dispositifs d'aide gérés par des services administratifs vont être suspendus du fait de l'arrêt de l'activité. C'est le cas notamment des aides à caractère économique comme l'aide à l'investissement des ménages (AIM) ou l'aide à l’équipement des petites entreprises ou encore des aides sectorielles à l'agriculture, l'élevage, la pèche ou l'aquaculture. Un montant d'environ 750 millions est ainsi récupéré sur des dispositifs qui ne sont plus pertinents.
 
Le FIP largement amputé
 
Si les réductions touchent les services, organismes et institutions du Pays, ce sont les communes qui vont indirectement apporter le concours le plus important à l'effort budgétaire au travers d'une baisse du Fonds intercommunal de péréquation (FIP). Le FIP est la principale ressource financière des communes, faute de fiscalité propre suffisante. Les communes se reposent sur le FIP pour bénéficier d'un financement stable et pérenne que ce soit pour leur fonctionnement ou leurs investissements. En 2019, le FIP réparti entre les communes polynésiennes s'élevait à près de 18 milliards dont 15,5 affectés à leur fonctionnement et 2,4 pour leurs projets d'investissement. Il représente ainsi près de 40% de leurs recettes de fonctionnement qui servent entre autres à payer les agents communaux, les factures d'électricité ou de carburant. Le collectif budgétaire adressé par le gouvernement à l'APF prévoit ainsi d'amputer le FIP à hauteur de 5 milliards de francs. Un montant colossal qui va donc obliger ces collectivités, déjà fragiles au niveau budgétaire, à se serrer la ceinture rapidement et drastiquement. Les communes vont en effet voir leur budget baisser du jour au lendemain d'environ 15% en moyenne. 
 
Subventions aux régimes de la CPS et avance à ATN
 
Un ensemble d'économie pour les communes, organismes et services publics qui doivent permettre de financer la mise en place du revenu minimum de solidarité. Ce dernier peut ainsi être financé par le versement d'une subvention de 6,2 milliards pour le régime général des salariés (RGS) de la CPS de façon à financer le revenu de 100 000 Fcfp pour les salariés de privé dont le contrat de travail est suspendu. Une autre subvention de 1,8 millard au Régime des non salariés est également inscrit pour assurer ce même revenu minimum pour les patentés.

Autre “bénéficiaire” du collectif budgétaire, Air Tahiti Nui. La compagnie au tiare a en effet vu son activité s'arrêter net du fait de la fermeture des frontières de la Polynésie française. ATN va ainsi percevoir une avance en compte courant d’un montant de 2,1 milliards de Fcfp, une aide temporaire qui a pour objectif “d’assurer a minima le remboursement des échéances d’emprunts de la compagnie aérienne contractés l’an passé”. Sur ce point, le programme de prêts garantis de l'Etat pourrait apporter une alternative.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 24 Mars 2020 à 20:12 | Lu 9728 fois