​Pint for science, pour étancher sa soif de connaissance


Tahiti, le 26 mars 2023 - Faire se rencontrer les jeunes chercheurs et le grand public autour d'un verre dans le but de vulgariser les connaissances scientifiques, c'est l'objectif des soirées “Pint for science” dont la première polynésienne a eu lieu le 21 mars au Baroof à Papeete.
 
Assis devant une pinte de bière ou un cocktail, sous les étoiles et les lampions d'un bar en hauteur du centre-ville, les clients discutent avec des jeunes chercheurs autour de leurs travaux et de la recherche scientifique en général. Le 21 mars dernier, la première soirée “Pint for science” en Polynésie française a été organisée au Baroof à Papeete.
 
L'idée a émergé au Royaume-Uni en 2012, à l'initiative de Michael Motskin et de Praveen Paul, docteurs qui travaillent sur les maladies dégénératives. Les deux chercheurs souhaitaient sortir la science des laboratoires et faire se rencontrer le public et les scientifiques dans des pubs autour d'un verre. L'objectif de ces événements est de vulgariser la recherche scientifique dans un cadre de proximité, informel et décontracté. En France, les soirées “Pint for science” réunissaient près de 14 000 personnes avant la pandémie liée au Covid-19.
 
Sortir la recherche des laboratoires
 
À Tahiti, c'est l'association PHD Fa'atoro qui est à l'origine de l'organisation de cette première rencontre. L'association fédère les doctorants de l'Université de la Polynésie française (UPF) avec l'objectif d'offrir à ses membres un accompagnement au long de leur difficile et souvent solitaire travail de recherche, mais aussi de leur permettre de faire connaître leur travail au grand public. C'est dans ce cadre que ces rencontres polynésiennes “Pint for science” s'inscrivent. L'association a aussi l'intention d'organiser bientôt des séries de mini-conférences ouvertes à tous au Musée de Tahiti et des îles.
 
On avait déjà organisé des rencontres en 2022, mais c'était limité aux doctorants”, explique Jade Tetohu, la vice-présidente de l'association. Lauréate de la manche polynésienne du concours “Ma thèse en 180 secondes 2022”, la doctorante en biologie connaît déjà bien les événements de médiation et de vulgarisation scientifique. Celle qui n'aime toujours pas être “au centre de l'attention” a participé à la demi-finale du concours à Paris, l'année dernière, et a appris à dépasser sa timidité pour faire connaître son travail. “Après le concours, l'association [PHD Fa'atoro, NDLR] est venue [me] voir pour [me] demander de m'investir et c'est vrai que je suis heureuse de partager aux autres doctorants mon expérience”, explique-t-elle.“[Ces rencontres], c'est aussi pour nous l'opportunité de travailler l'expression orale devant un public dans un cadre beaucoup moins stressant que celui d'une soutenance”, ajoute la jeune chercheuse qui regrette que la manche polynésienne de “Ma thèse en 180 secondes” soit annulée cette année faute de participants.
 
Une mission de chercheur
 
Si ce travail de vulgarisation en direct peut être intimidant pour les jeunes chercheurs, ils se prêtent au jeu avec conviction. “Communiquer sur nos recherches, ça fait partie de notre mission”, explique Kanhan Sanjivy, doctorant en physique énergétique, un des intervenants de la soirée. Travaillant sur le SWAC, la climatisation par l'eau de mer, il a dû répondre à beaucoup de questions autour de cette technologie émergente, pour laquelle la Polynésie française est une figure de proue, aux enjeux conséquents en matière de transition énergétique, mais finalement encore assez méconnue du grand public. “J'ai de la chance d'avoir un sujet assez facile à vulgariser”, sourit Kanhan. “Pour une thèse en mathématique, ce serait beaucoup plus difficile”.
 
Kanhan, qui est aussi trésorier de l'association, prévoit de soutenir sa thèse en octobre 2024. Il est également habitué de la médiation scientifique auprès d'un public profane : “Un chercheur ne doit pas rester dans son coin et faire des articles destinés aux seuls experts, après tout, on travaille avec de l'argent public, le résultat de notre recherche doit lui être restitué.” Son travail de recherche, financé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'UPF et le Pays, doit permettre d'évaluer les réelles performances énergétiques des SWAC de l'hôtel The Brando et de l'hôpital de Taaone ainsi que de modéliser informatiquement cette technologie pour la rendre exportable dans des régions a priori moins favorables à son utilisation. “On a de la chance, en Polynésie, d'avoir des grandes profondeurs océaniques, et donc des eaux très froides, très proches des côtes, ce n'est pas le cas partout”, détaille-t-il.
 
Le premier intervenant de cette soirée était Yacine Benhalima, doctorant en histoire, qui réalise une thèse, entre l'UPF et l'Université Victoria de Wellington en Nouvelle-Zélande, sur les Français libres d'Océanie pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est naturellement venu cette année en Polynésie pour faire avancer sa recherche. “J'ai de la famille à Tahiti”, explique-t-il. “J'ai d'ailleurs choisi ce sujet parce que mon arrière-grand-père était dans le bataillon du Pacifique”. Celui qui souhaite développer une historiographie connectée de l'ensemble des Français libres du Pacifique, entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, a ainsi parlé du second bataillon, moins connu du grand public, qui est resté en Océanie pour contrer une éventuelle attaque japonaise. Pas question d'utiliser un jargon de spécialiste pendant son intervention. Le jeune historien confie ainsi : “Ces rencontres, ça change des conférences universitaires. Il faut pouvoir adapter son discours pour être compris par tout le monde, ça pousse à être très clair et très précis dans son propos”.
 
Les prochaines rencontres “Pint for science”, ouvertes à tous, auront lieu, toujours au Baroof, le 18 avril à partir de 18h30.
 

Rédigé par Antoine Launey le Dimanche 26 Mars 2023 à 21:27 | Lu 1542 fois