​Onati contrainte de rétablir l'itinérance pour Vodafone à Raiatea et Huahine


Tahiti, le 25 février 2022 – Alors qu'Onati a été enjointe vendredi par le tribunal de commerce à rétablir l'itinérance sur le réseau Vodafone à Raiatea et Huahine, la guerre commerciale que se livrent les deux opérateurs se jouera également ces prochains mois devant les tribunaux.
 
Bataille remportée par Vodafone, dans la guerre de la téléphonie mobile polynésienne. Vendredi matin, le tribunal mixte de commerce de Papeete a “enjoint la SAS Onati (Vini) de rétablir les prestations d'itinérance de la SAS Pacific Mobile Telecom (Vodafone) sur le réseau d'Onati dans les îles de Raiatea et Huahine”. Décision prononcée “sous astreinte de 100 000 Fcfp par jour de retard” et avec “exécution provisoire”. Dans ce dossier, Onati avait annoncé fin 2021 sa décision de mettre fin au contrat d'itinérance passé avec Pacific Mobile Telecom (PMT) sur les îles de Raiatea et Huahine. La filiale de l'OPT reprochait à PMT d'avoir activé ses premières antennes sur les deux îles. Vodafone s'était alors retrouvé avec un réseau limité et avait attaqué cette décision en justice. “Nous avions déployé beaucoup d'arguments, mais deux ont principalement percuté”, résume l'avocat de PMT, Me Robin Quinquis.
 
Premièrement, sur la forme, Onati n'a pas respecté le préavis d'un an prévu pour la résiliation de son contrat pour “le non déploiement des antennes” par rapport à ce qui était contractuellement prévu. Deuxièmement, sur le fond, Onati estimait qu'avec les premières antennes déployées par PMT, la couverture de Vodafone était suffisante sur Raiatea et Huahine pour faire cesser le contrat d'itinérance. “Ils estimaient que l'on couvrait Huahine et Raiatea, parce que l'on couvrait Uturoa et Fare. Nous disions que pour parler de couverture suffisante, il fallait remplir nos obligations d'opérateur et couvrir au moins 90% de la population. Et le tribunal l'a confirmé.”
 
Réseau dans les îles
 
Une décision qui ravit évidemment le vice-président de Vodafone et qui rassure l'opérateur privé sur sa stratégie de déploiement dans les îles. “Il y a une réalité. Si à chaque fois qu'on installe un pylône dans une île, on nous coupe. On ne va jamais pouvoir s'implanter nulle part”, tonne Patrick Moux, qui rappelle que Vini a mis plusieurs années à installer son propre réseau. Côté Onati, si le directeur général n'était pas joignable ce week-end, on confirme qu'il devrait y avoir un appel contre la décision du tribunal de commerce. Ne serait-ce que pour trancher définitivement cette question de la définition des taux de couverture du réseau dans les îles.
 
Et si PMT affirme désormais qu'il va s'atteler à déployer rapidement ses antennes à Raiatea et Huahine, annonçant même déjà des “nouvelles commerciales fracassantes” lorsque le réseau sera en place, la question de la mutualisation des antennes dans les autres îles les moins “rentables” se pose toujours. Le gouvernement se dit aujourd'hui prêt à rediscuter avec les opérateurs des conditions de ce déploiement, pour éviter d'obliger les nouveaux arrivants à déployer leurs propres antennes à côté de celles déjà installées. Un double emploi coûteux et aberrant sur le plan visuel et environnemental dans les îles. Dans le discours, Onati, Vodafone et le Pays sont pour. Dans les faits, la réglementation polynésienne permet tout l'inverse…
 
Nombreuses procédures en cours
 
Reste qu'avant d'arriver à ces questions réglementaires, Onati et PMT auront encore bien d'autres occasions de se retrouver à la barre du tribunal cette année. “Qu'on ne dise pas que c'est Vodafone qui attaque au tribunal. Nous on fait la guerre commerciale. Mais puisqu'Onati a choisi la voix juridique, on va y répondre”, promet Patrick Moux. De l'aveu des deux opérateurs, près d'une dizaine de contentieux sont actuellement en cours ou annoncés devant différentes juridictions polynésiennes : publicités comparatives avec plusieurs centaines de millions de Fcfp demandés ; coupure de Tahiti Wifi par Onati juste après son rachat par Vodafone ; contrats d'itinérance entre les deux opérateurs dans les îles ; itinérance sur la data dans les archipels éloignés avec l'utilisation et les coûts de Natitua…
 
Des dossiers auxquels on peut ajouter l'instruction en cours devant l'autorité polynésienne de la concurrence sur l'itinérance. Ou encore un mystérieux “gros dossier” annoncé désormais avec insistance pour mi-mars par PMT. Le tout dans un contexte de rivalité particulière pour les dirigeants des deux opérateurs, Patrick Moux et Thomas Lefebvre Segard, hier collaborateurs et aujourd'hui l'un face à l'autre. Oui, la guerre de la téléphonie ne fait que commencer.
 

Patrick Moux, vice-président de PMT-Vodafone : “Maintenant, PMT va attaquer”

Satisfait après cette décision qui rétablit l'itinérance à Huahine et Raiatea ?
 
“Forcément, on est très heureux de cette décision qui rend justice aux Polynésiens. J'ai trouvé absolument inacceptable la manière avec laquelle on a été coupé. On n'a pas encore reçu le jugement dans son intégralité, mais on sait qu'il nous donne entièrement raison. Il y a également la remise en état du réseau à Huahine et Raiatea, une fois qu'on leur aura envoyé le jugement… C'est dommage parce qu'on a perdu du temps, parce qu'ils ont perdu de l'argent et surtout parce qu'ils ont pris en otage la Polynésie. Et ça, je trouve que c'est pas correct.”
 
Qu'allez-vous faire maintenant ?
 
“Qu'on ne dise pas que c'est Vodafone qui attaque au tribunal. Nous on fait la guerre commerciale. Mais puisqu'Onati a choisi la voix juridique, on va y répondre… D'abord, je tiens à remercier les abonnés Vodafone, parce qu'ils ont été patients. On a offert deux mois de factures gratuites parce que le service n'était pas au rendez-vous. On ne pouvait pas facturer un service qui n'existait pas. Ça a été un préjudice énorme pour PMT. On a pris sur nous. Et on a demandé des dommages et intérêts à Onati. (…) Ça faisait quand même 138 000 abonnés affectés.”
 
Vous annoncez d'autres recours en justice ?
 
“Aujourd'hui, on a été mis au tribunal par Onati pour les publicités comparatives, on a été au tribunal parce qu'Onati a coupé Tahiti Wifi, on a été au tribunal parce qu'Onati a coupé l'itinérance à Raiatea et Huahine. Et puis, on a aussi en cours l'itinérance data dans les archipels éloignés. Depuis l'existence de Vodafone, on n'a jamais eu accès à la data dans les îles éloignés. Ils nous l'ont toujours refusé. (…) On a une autre instruction en cours sur un dossier démarré un ou deux ans après le lancement, je ne peux pas en parler. Et comme je vous l'ai dit dernièrement, PMT va attaquer mi-mars pour un gros dossier. Et je peux vous promettre que celui-là, il va vous plaire. Maintenant, PMT va attaquer. Après l'action, il va y avoir la réaction.”

Rédigé par Antoine Samoyeau le Vendredi 25 Février 2022 à 13:01 | Lu 3286 fois