​Marina de Tevaitoa : le Pays attaque son bureau d'étude


Tahiti, le 16 décembre 2019 - Le Pays attaque la société CAPSE-PF pour demander un dédommagement de 50,4 millions de Fcfp "suite à l’incomplétude" de l’étude chargée d’évaluer l’impact sur l’environnement du projet de marina à Tevaitoa.
 
Le tribunal administratif est saisi d’une requête du Pays lui demandant de condamner la succursale polynésienne de la société Capital sécurité environnement (CAPSE-PF) à lui verser 50,4 millions de Fcfp pour "l’incomplétude" de l'étude d’impact sur l’environnement menée en 2017 à Raiatea, sur le lagon de Tevaitoa. L’audience est programmée le 14 janvier prochain.

La société CAPSE-PF avait travaillé pour le compte de l’arrondissement maritime de la Direction de l’Equipement. Sa mission : évaluer l’impact sur l’environnement du projet d’aménagement d’une marina à Tevaitoa, le chef-lieu de la commune de Tumaraa sur la côte Ouest de Raiatea. Ce projet de près d’un milliard de francs suppose un remblai de 50 000 m3, le creusement d’un bassin de 90 000 m3 sur un platier corallien et la construction de deux digues de protection en béton. L’une de 350 mètres et l’autre de 115 mètres, afin de dégager un espace protégé de la houle de 100 000 m2 en mesure d'accueillir à terme, au mouillage, jusqu’à 100 voiliers de 15 mètres et plus.

​Zone sans "intérêt particulier"

Le rapport d’étude d’impact sur l’environnement (64 pages) réalisé par CAPSE-PF avait été remis en juillet 2017 à l’administration. Il concluait à des impacts "faibles à modérés" sur le milieu terrestre, en préconisant la végétalisation des berges et une gestion des nuisances pendant la phase de chantier. Concernant la faune et la flore marines, le bilan de CAPSE-PF était catégorique : "La zone du lagon devant accueillir le projet ne présente pas d’intérêt particulier." L’étude constatait la présence d’une "faune corallienne pauvre à l’exception de quelques espèces très peu diversifiées", et "peu d’espèces de poissons" sur un site lagonaire déjà fortement impacté par la "turbidité" de son eau.

Sur la foi de ces constats, le gouvernement avait déclaré d’utilité publique le projet de marina de Tevaitoa en août 2018, au grand dam de l’association de riverains A Paruru ia Tevaitoa opposée à ce chantier. Mais "le bureau d’étude n’a pas fait son travail correctement", constate-t-on aujourd’hui au ministère de l’Equipement. "On se demande s’ils sont allés à l’eau."

Espèces protégées

C’est une étude du lagon réalisée courant 2018 par deux cabinets scientifiques, Moana Environnement et Coral Reef Consulting, qui a changé la donne. L’analyse faite de la zone lagonaire concernée par le projet d'aménagement constate une situation bien différente de celle décrite par le cabinet CAPSE-PF : le corail est bien vivant sur cette zone et fait office de nurserie pour plusieurs espèces de poissons, bénitiers, crabes, squilles, oursins, etc. Cerise sur le gâteau : la partie du lagon où doit être aménagée la marina abrite des espèces menacées et protégées par le code de l’environnement. En particulier une variété de moules géantes : le o’ota.

A l’appui de ces constatations nouvelles, l’association A Paruru ia Tevaitoa avait organisé une chaîne humaine pour empêcher le lancement des travaux en décembre 2018. Depuis le chantier est à l’arrêt. Saisi par l’association de riverains, le tribunal administratif a annulé le 26 mars dernier l’arrêté déclarant d’utilité publique ce projet de marina en jugeant "insuffisante" l’étude d’impact conduite par la société CAPSE-PF. C’est maintenant au tour du Pays de demander réparation.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 16 Décembre 2019 à 15:04 | Lu 6089 fois