​Le transport scolaire en mode dégradé à Moorea


Tahiti, le 15 janvier 2024 – Le dispositif de secours mis en place à Moorea pour assurer le service public du transport scolaire par voie terrestre s’est déployé tant bien que mal lundi pour la rentrée, après le retrait de la société RTU. Le ministère annonce un nouvel appel à candidatures en quête d’un concessionnaire pour les dix ans à venir et une normalisation souhaitée pour la rentrée d’août 2024.
 
“On essaie de chercher des solutions pour que nos enfants soient transportés”, a justifié le ministre de l’Éducation Ronny Teriipaia, lundi à Moorea, alors qu’un dispositif de transport scolaire alternatif se mettait tant bien que mal en place sur l’île pour la rentrée des classes. Un service du transport scolaire routier échafaudé au pied levé au cours des dernières semaines avec quatre bus spécialement affrétés de Raiatea et six autres loués, dont un truck au collège La Mennais, un autre à l’Institut médicoéducatif (IME) ou encore à la mairie de Punaauia, etc.
 
En principe, jusqu’en juin, le transport scolaire de Moorea est pris en charge par l’entreprise de Warren Guilloux, un transporteur de Raiatea. “On s’est préparé pour mettre en place les engins, voir les chauffeurs déjà en place à Moorea, afin d’assurer le transport dans les meilleures conditions”, expliquait-il lundi.
 
Là où le service était habituellement assuré par quinze bus, le transport scolaire a ainsi repris avec dix véhicules dans un contexte assez confus pour certains usagers. Deux nouveaux bus devraient renforcer le dispositif cette semaine, “et si on peut avoir d’autres bus, c’est tant mieux”, complète Ronny Teriipaia.
 
Un nouvel appel à candidatures pour la délégation de service public du transport scolaire terrestre à Moorea doit être publié le mois prochain. Le marché portera sur les dix prochaines années et doit entrer en vigueur dès la rentrée d’août 2024.
 
Mais en attendant, le service public sera réalisé dans ces conditions jusqu’aux vacances de juin pour les 2 100 enfants qui l’utilisent quotidiennement sur l’île Sœur.
 
Contrôle techniques tardifs
 
Reste que ce dispositif semble avoir été bricolé tardivement et à la hâte. Lundi, les véhicules utilisés pour le transport des élèves n’ont été passés au contrôle technique qu’en cours de matinée. Et, au demeurant, la solution retenue aura été très mal communiquée aux usagers. Seul un communiqué officiel a été diffusé vendredi par le ministère afin d’annoncer des perturbations du transport scolaire pour la rentrée. “Certains élèves ne savaient pas ce matin comment se rendre à l’école”, a admis le ministre.
 
Et dans ce contexte, du côté des usagers, on s’adaptait tant bien que mal, lundi. “J'habite au fond de la vallée”, explique cette adolescente. “Maintenant, je suis obligée de me réveiller à 4 heures, le temps de me préparer, de manger et ensuite d’aller à pied jusqu'au bord de la route.” Certains usagers se sont trouvés confrontés à des situations cocasses : “Le chauffeur nous a obligés à appeler nos amis avec nos téléphones pour qu’ils ne ratent pas le bus qui était sur le point de partir. Ce n'est pas normal.”
 
Une situation qui n’a pas fait que des mécontents, au moins pour le lancement de cette solution temporaire : “On est à l'aise maintenant”, se félicite ce collégien pragmatique. “On peut baisser le siège par exemple. Par contre, il était sale le bus ; surtout les sièges.” Mais certains parents ont déploré cette communication défaillante, comme en témoignait lundi cette mère : “Normalement, mon enfant vient en bus de Haapiti. Ce matin, j’ai préféré le déposer à l’école et j’en ai profité pour me renseigner un peu. Finalement, je n'ai pas eu toutes les informations que j'espérais. Une amie à moi, qui habite Afareaitu, était en train d'aller au travail et elle a vu que son fils était toujours en train d'attendre le bus. Elle a préféré le déposer à l’école en scooter. Elle ne savait pas si son fils avait raté ou pas son bus.” Pour cette mère : “Ce n'est pas génial. Et il fallait déjà anticiper pour que nous, les parents, on ne soit pas face à des surprises à la rentrée.” Elle le reconnait, cependant : “Le côté positif, c'est que maintenant, il y a des bus pour ceux qui prennent le bateau et les élèves ont leur propre bus.” Six cents élèves de Moorea sont en effet scolarisés à Tahiti et prennent la navette quotidiennement en semaine.
 
34 salariés dans l’impasse
 
Le service était assuré jusqu’à présent à Moorea sur la base d’un contrat de délégation de service public par la société Réseau de transport urbain (RTU). Un contrat reconduit de façon précaire, annuellement, depuis 2019 par avenants. La dernière rallonge en date est arrivée à échéance fin novembre dernier après que la société avait dès juillet signifié sa volonté de se retirer du marché. En toile de fond, un avis d’appel public à la concurrence avait donc été lancé en juillet, mais avait dû être déclaré infructueux. Sans solution dans l’immédiat, la demande a donc été faite par l’administration scolaire au transporteur historique de bien vouloir assurer le service jusqu’aux vacances de décembre. Ce qui a été accepté. Un pis-aller après que les négociations avaient échoué pour une poursuite jusqu’en juin. “Le prix qu’ils demandaient était exorbitant”, défend le ministre de l’Éducation. “Ils voulaient multiplier le tarif par cinq. Il faut arrêter : le Pays n’est pas une vache à lait !”
 
“Nous avons correspondu avec le ministre depuis juillet au sujet de cette situation”, explique de son côté Xavier Chung Sao, à la société RTU. “En juillet, nous lui avons envoyé un courrier lui signalant qu’on souhaitait arrêter la convention avec l’éducation. Notre souhait à l’époque était qu’un appel d’offres sorte, un peu comme pour Tahiti, avec un marché sur plusieurs années afin d’envisager l’investissement dans un parc de véhicules neufs pour assurer le transport scolaire dans de bonnes conditions pour les élèves et pour nos conducteurs également. Une excuse jugée “facile” aujourd’hui par le ministre.
 
Reste que cette situation laisse dans l’immédiat les 34 employés de la société RTU à Moorea dans une impasse. Mais lundi, Warren Guilloux assurait être disposé à reprendre les chauffeurs déjà en poste”. Pour l’heure, la mise en place du dispositif transitoire a permis le recrutement de onze chauffeurs et d’autant de convoyeurs. “Il y a juste eu un changement de transporteur”, minimisait lundi le ministre Teriipaia. Le temps le dira.

Rédigé par VUP avec JPV le Lundi 15 Janvier 2024 à 17:42 | Lu 2270 fois